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Sous Saddam, l'Irak n'avait plus de perspective d'avenir. La société était meurtrie par trente ans de dictature, de nettoyage ethnique, de massacres, de déplacements de population,... Saddam a fait de ce pays un immense camp de concentration. Il n'y avait pas d'autre solution que son départ. Cette pensée venait à chaque Irakien, chaque matin.
Saddam Hussein ne comprend qu'un seul langage, celui de la force. Vous devez ouvrir les yeux sur ce qui se passe aujourd'hui en Irak. Pour défendre son pouvoir, Saddam Hussein se sert de la population irakienne comme d'un bouclier humain. Je constate avec amertume qu'un dirigeant dont certains disent qu'il défend son pays, le monde arabe, le monde islamique, est moins soucieux de la vie de sa population que ceux que l'on présente comme une « armée d'envahisseurs ». Mais qui, aujourd'hui, tire sur les Irakiens ? Les fedayins de Saddam. Ces « escadrons de la mort » encadrent la population. Ainsi, plusieurs quartiers de Bagdad ont été encerclés par des tranchées remplies de pétrole.
Les « dispositifs de défense » visent à prévenir un soulèvement ; Saddam n'a jamais préparé quoi que ce soit contre les troupes américaines.
La population irakienne était encadrée par trois dispositifs. Un, par les milices, dans lesquelles tous les garçons sont enrôlés de force dès 14 ans. Deux, ces milices sont encadrées par les fedayins de Saddam, qui empêchent tout mouvement de défection. Et trois, chaque famille, chaque quartier est contrôlé par le comité de quartier du parti Baas. Dans chaque ville, il y a un millier de fedayins de Saddam qui sèment la terreur. La population est prise en otage. Savez-vous ce qu'on fait, depuis vingt ans, à celui qui exprime la moindre critique à l'égard de Saddam Hussein ? On lui coupe la langue. Et j'entends dire en Europe : « Vous voyez, les Irakiens ne parlent pas contre Saddam ». Mais on ne voit pas que leurs langues ont été coupées.
Il est très clair que les Américains sont intervenus pour sauvegarder leurs intérêts. Cela dit, si vous croyez qu'ils viennent chercher le pétrole, vous vous trompez. Parce qu'ils ont déjà le pétrole du Moyen-Orient, le pétrole saoudien, et même le pétrole irakien. Mais s'il est vrai que les Américains ne sont pas là-bas seulement pour libérer les Irakiens de la tyrannie, qu'ils sont là aussi, et peut-être avant tout, pour protéger leurs intérêts géostratégiques, qu'est-ce que ça change ? Si les intérêts des Irakiens, aujourd'hui, coïncident avec les intérêts américains, profitons-en ! On a un intérêt commun : la chute de Saddam Hussein. Objectif réussi !
Toutes les puissances mondiales sont d'abord motivées par leurs intérêts. Or je constate que les médias européens ont analysé à la loupe les discours des responsables américains ; on a confronté ces discours avec les réalités de terrain, avec le passé de la politique étrangère des Etats-Unis. En revanche, quand le président français Jacques Chirac affirme qu'il s'oppose à la guerre pour des raisons morales, personne ne lui demande : quelle morale ? La morale du groupe pétrolier ElfTotalFina (NDR : qui a mené des négociations avancées avec le régime irakien durant les années 90) ? La morale des mercenaires en Afrique ? La morale de la Mairie de Paris ? Chirac a passé trente ans à essayer d'être l'ami de Saddam ; il n'a de leçon de morale à donner à personne.
L'opinion publique est fabriquée, manipulée. On entretient depuis longtemps la confusion entre Saddam et l'Irak ; on a tendance à présenter Saddam comme une victime. Aux manifestants pacifistes, je dis ceci : où étiez-vous quand l'Otan est intervenue au Kosovo ? Les bombardements de l'Otan sur la Serbie n'étaient-ils pas aussi forts que les bombardements anglo-américains sur Bagdad ? Or il n'y avait personne alors dans les rues. Pourquoi ? Parce qu'on avait présenté les choses de manière conforme à la réalité. Mais aujourd'hui, je n'entends pas souvent dire : voilà un dictateur qui, depuis trente ans, tyrannise son peuple ; voilà un dirigeant sans scrupule, qui a utilisé des armes chimiques contre son peuple ; voilà un dictateur qui est à l'origine de guerres meurtrières contre l'Iran et contre le Koweït. Au contraire, j'entends parler d'une « guerre d'agression » contre l'Irak, alors que c'est une guerre pour l'Irak. Je suis effaré d'entendre des gens de gauche dire : « Plutôt Saddam que Bush ». Deuxième chose : on fait mine d'oublier que des partis politiques, en Europe, sont corrompus par l'argent du pétrole.
N'êtes-vous pas choqué par le fait que l'on se sert de régimes mafieux pour remplir les caisses de partis politiques européens ? Acceptez-vous que le pétrole soit le moyen de la corruption de la démocratie européenne ? Moi, je refuse ! Car c'est la véritable raison du soutien de certains pays européens (Allemagne, France, Belgique) à Saddam Hussein.
C'est très facile de parler quand on n'a pas vécu sous le régime de Saddam ; c'est très facile de s'enfermer dans une idéologie donneuse de mauvaises leçons. Car les nationalistes arabes et les intellos européens ne parlent pas avec leur coeur ; ils parlent de leur idéologie. Depuis 30 ans, ils n'ont pas prononcé un mot pour dénoncer Saddam Hussein. Pour eux, il faut être contre Sharon (NDR : le Premier ministre israélien). Ils ne se sont jamais élevés contre le gazage d'enfants kurdes par Saddam.
Je ne veux pas opposer la question palestinienne à la question irakienne. C'est un amalgame inacceptable. Les régimes arabes utilisent la question palestinienne comme alibi à l'absence de liberté, de démocratie, de développement économique et social, de projet. En Syrie, en Libye, en Egypte, en Algérie, en Irak, ils ont mené leurs pays à la ruine. Ils n'ont plus aucun projet, leur idéologie est morte. Alors ils se servent de la Palestine comme d'un prétexte pour justifier leur pouvoir. A quelle aberration est-on arrivé ! Dans cette région, on cultive aujourd'hui une culture de la mort, mais aucun projet de vie. On considère que celui qui se fait sauter dans un café de Tel-Aviv rempli d'enfants, de civils, est un martyr, un dieu !
Les caméras de télévision européennes aiment filmer des milliers d'excités, qui, après la prière du vendredi, brûlent des drapeaux américains. Mais on omet de préciser que ces gens déshérités ont été autorisés, pour une fois dans leur vie, à manifester. Et que seuls deux thèmes sont tolérés : la Palestine ou l'Irak. Comment pouvez-vous parler de la « rue arabe », de l'opinion arabe ? Il n'y a pas de société civile dans les pays arabes : depuis cinquante ans, les populations n'y respirent que l'idéologie.
Une chose est sûre : en Irak, ce ne sera pas pire que Saddam Hussein. Depuis vingt ans, la société irakienne a été démantelée. On peut construire ce qu'on veut : installer un nouveau Saddam ; ou un régime qui met au premier plan les valeurs humaines et qui pourra favoriser leur propagation au Moyen-Orient. Que veulent les gens de là-bas ? La paix. Cette région, dessinée par les Anglais et les Français, n'a connu que la guerre, la haine, l'oppression des minorités. Les Européens ont échoué lamentablement au Moyen-Orient depuis un siècle et demi. Alors qu'ils laissent faire les Américains ! Les Américains pensent que les valeurs universelles, la dignité humaine, font partie de leurs intérêts stratégiques. Cela paraît étrange aux Européens, car c'est un langage nouveau pour eux. Je comprends qu'ils n'y croient pas parce qu'ils restent imprégnés par la culture de la néocolonisation, par la culture du mépris pour les peuples d'ailleurs ; parce qu'ils restent convaincus, dans le fond, de leur supériorité : « Nous sommes des démocrates, mais les autres peuples, notamment ceux du Moyen-Orient, ne sont pas capables d'être des démocrates ». Ce serait « culturel ». N'est-ce pas plutôt parce qu'il est plus facile de faire des affaires avec des dictateurs ? De construire un chemin de fer pour sortir les matières premières et installer un contremaître sur place ? Quelle était la position française avant le déclenchement de la guerre ? Renforcer l'embargo, donner un délai supplémentaire aux inspecteurs de l'ONU, c'est-à-dire prolonger les souffrances du peuple irakien et la domination de Saddam Hussein. C'est inacceptable !
P.S. Saddam, Hitler, Staline, Pol Pot, où est la différence ?
walter
Création de l'article : 22 décembre 2003
Dernière mise à jour : 22 décembre 2003
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> Ouvrez les yeux !
28 décembre 2003, par
Eh bien je connais une longue liste de pays dont le regime dictatorial n'a pas grand chose a envier a l'ex regime irakien !
Le Maroc ou la Chine pour n'en prendre que deux au hasard ...
Mais le premier soutient nombre de politiciens francais tandis que le second est un enjeu commercial de taille ...
Cela vaut bien quelques bagnes d'enfants ou quelques executions sommaires ! Et donc il n'y aura pas de guerre avec eux !
Soyons serieux deux minutes. La guerre d'Irak n'est evidemement pas une operation democratique.
En plus il ne faut pas mentir comme cela, c'est vilain et cela fait allonger le nez : le gros des reserves de petroles mondiales se trouvent bien en Irak, et de leur exploitation dependra l'avenir de nos societes "tout petrole"
La realite c'est celle d'une guerre neocoloniale de conquetes des ressources petrolieres. Appuye par des considerations de politique locale : l'Arabie saoudite n'est plus sure et Israel a besoin de soutien ...
Le projet en cours consiste a mettre en place une dictature locale infeodee aux interets americains, comme sela a si bien reussi en amerique latine
Mais ce qui se passera vraiment risque d'etre un peu different, je le crains ...
Deja la Resistance irakienne travaille avec un courage heroique a destabiliser l'armee d'occupation ...
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> Ouvrez les yeux !
23 décembre 2003, par
Je partage l'opinion de cet article. Il est bien dommage qu'il ne soit pas publié. Les propos sont sans doute blessants pour certains car ils collent très bien à la réalité et sont très loins de la démagogie ambiante. En tout cas, bravo à l'auteur qui ne cède pas à la pression de la majorité naïve et crédule.
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