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Attention ! Danger Travail |
Samedi 9 août, à 20 heures, sous un chapiteau plus que bondé, avait lieu la projection de la version définitive de "Attention ! Danger Travail", programme de documentaires réunis par Pierre Carles, Christophe Coello et Stéphane Goxe. Une version évolutive circulait depuis un an et avait été projetée dans des lieux alternatifs (gros succès au VAAAG d'Annemasse, début juin).
Le film alterne, pendant 1h45, témoignages de chômeurs heureux, reportages au coeur d'entreprises plus formateuses que formatrices d'individus, films d'entreprise et publicités (plutôt "réclames", vu l'ancienneté) ou encore questions à des personnalités politiques ou du Medef ...
Malgré le propos - pas de travail salarié - qui voudrait, selon la conception actuelle du travail et de la société, que le film soit compassionnel et les chômeurs des alcooliques / dépressifs / drogués / marginaux ..., il ressort des témoignages que ces chômeurs sont épanouis, ils ont une vie sociale développée, ont le temps de lire, d'aller au musée, de se promener, de faire la sieste, de flâner, de s'impliquer dans la vie de son quartier ... de vivre, finalement. Même si (ou alors parce que ?), ils ont des moyens financiers faibles.
Tout le contraire des employés de boulots précaires et aliénants : dans le télémarketing, chez Domino's Pizza où il faut accepter un réglement strict - longueur des cheveux, couleur du tee-shirt sous le "costume", vitesse de marche pour aller de la cuisine à la mobilette ... car "vous êtes tous pareil, car vous êtes égaux", dixit un manager d'équipe qui ne doit pas lire du Schopenhaueur avant de se coucher.
Quant aux responsables politiques à qui Pierre Carles, mi-Michaël Moore, mi caméra caché, demande leur réaction à une cassette qui circulerait sur des gens qui refusent de travailler, leurs réponses provoquent à la fois l'hilarité et la consternation dans la salle. Y passent Claude Alègre ou Philippe Douste-Blabla, à l'université d'été du MEDEF, ce qui nous vaut donc des propos tout aussi affligeants de doctes pontes du syndicat des "entrepreneurs".
"Il faut siffler la fin de la récréation ... En avant, entreprise France !". Les discours à la tribune de Raffarin de Chasneuil du Poitou et du baron de Seillière sont insérés dans le film, et l'on peut se rendre compte, s'il était encore besoin, de l'absurdité et de la bêtise de ces tribuns du libéralisme à tout crin, tant sur le fond que sur la forme.
Quant à la forme du documentaire lui-même, elle est intéressante et engagée. Le réalisateur a en effet cotoyé Bourdieu, et ça se sent : les séquences prennent leur temps, pas de formatage du style interviews de 90 secondes, reportages de 3 minutes, pas de temps mort ... Non, les rescapés du monde du travail s'expriment à leur rythme, face caméra, avec quasiment pas d'interventions de l'interviewer, la pensée a le temps de se déployer. Le discours n'est pas martelé par une voix off à la M6 ; tout au contraire, le spectateur est libre d'interpréter les propos de chacun comme il le veut, à son rythme lui aussi.
La liberté, c'est aussi ce qui ressort de ces réfugiés du monde salarié, de la vie gagné à la perdre. La maturité, aussi. De la part de témoins d'origine sociale et d'âge divers : ancien chef d'entreprise, VRP, monteuse à la chaîne, 30 ans, 40 ans, 50 ans ... Tandis que les déclarations de patrons ou de politiques sont sans fraîcheur, toutes droites sortis de leur boîte, sans reflexion véritable ni questionnement approfondi, parce que "c'est comme ça, et pas autrement".
Les témoignages d'employés de chez Michelin, à Clermont-Ferrand, sont eux aussi très éclairants : le corps brisé par les conditions de travail, l'esprit et la reflexion atrophiés par les horaires et l'abrutissement des taches, le mépris des patrons ... (extraits en N&B de "paroles de Bibs").
Le film se conclut par le long discours de Raffarin à la tribune du Medef au printemps dernier, et par quelques phrases de Seillière après le générique. Le public, toujours aussi important malgré les conditions assez inconfortables (3 personnes assises par terre au mètre carré ?), fait une ovation au film et nombre de spectateurs ont le sourire aux lèvre, tant il y eut d'éclats de rire pendant la projection.
Ensuite, on peut penser que le film a des limites : le propos se focalise sur le travail salarié, avec des rapports patrons-direction/employés ; des gens heureux de leur travail, en dehors de toute considération de salaires, sont absents du film, la transformation du RMI en RMA n'est pas abordée ... Mais rentre en jeu la relation de chacun avec le travail. Et surtout, le film pose des questions de choix de société, sur "le droit à la paresse" ou le travail : à quoi bon travailler, si c'est pour être aliéné par son activité, ne pas pouvoir faire autre chose que le gros beauf après une journée épuisante de travail et "profiter" finalement de quelques années de retraite ...
Par ailleurs, le refus du travail rejoint d'autres thèmes débattus au Larzac, par exemple les droits sociaux ou la décroissance soutenable, dont un des moyens d'y parvenir, selon la proposition d'un conférencier, serait d'établir un statut d'objecteur de conscience du travail (voir les CR de l'atelier correspondant).
A projeter dans tous les centres ANPE et ASSEDIC. Et en entreprise, bien évidemment.
P.S.
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Site du film
« On dit qu'il y a trois millions de personnes qui veulent du travail. C'est pas vrai, de l'argent leur suffirait. »
COLUCHE
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Création de l'article : 11 août 2003
Dernière mise à jour : 12 août 2003
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> Attention ! Danger Travail
21 octobre 2003, par
Je ne comprend pas. Pourquoi faudrait il glorifier que ce soit le travail ou le non travail ? Chacun est libre de choisir de travailler ou de ne pas travailler, charge a lui apres d'en assumer les conséquences.
Par contre je me pose une question, c'est comment le non travailleur peut assumer quoi que ce soit ? A part en se transformant en 'primitif' qui va chasser/pecher/cueillir sa pitance, comment va t il se nourrir, se vetir, se cultiver ? Car pour cela, il aura besoin des produits ou services fournis par celui qui a choisi de travailler, et pour cela, il aura besoin de donner quelquechose en echange (car rappelons le, celui qui a choisi de travailler le fait en echange d'argent qui lui permet de s'acheter de quoi assouvir ses besoins)... oui mais quoi ?
De l'argent peut etre ? mais qu'il obtiendra ou ? des aides sociales ? mais alors ces aides sociales, qui les finance ? ceux qui ont travaillé ? Mais alors, on arrive a un probleme, ce sont ceux qui travaillent qui doivent supporter le cout de ceux qui ont choisi de ne pas travailler. Qu'il y ait une solidarité entre ceux qui ont choisi de travailleret se retrouvent au chomage, et qu'une indemnité leur soit versé par ceux qui eux ont la chance de voir leur souhait de travailler se réaliser, soit. Mais que ceux qui ont choisi de ne pas travailler soient a la charge des autres, je ne suis pas d'accord.
En biologie, quand une créature vit aux dépents d'une autre, on apelle ca un parasite. Et un parasite, ca s'extermine.
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> Attention ! Danger Travail
12 novembre 2003
Si l'évolution des sociétés n'est due qu'au travail, (je parle de celui qui augmente sans cesse les richesses de ceux qui détiennent réellement le pouvoir)alors la fin des civilisations est en route. Par contre si d'occuper son esprit, d'échanger ses connaissances, d'accepter un monde plus serein et ce pour le bien fondé de l'humanité. là les chances de voir ce dont tout être rêve au tréfond de lui reste alors possible. Je ne suis contre rien, j'ai toujours détesté le travail tel qu'on l'a représenté, donc depuis 40 ans ma vie est un véritable paradis, j'écris énormément je médite, etc... il y a une maxime laconique de la bruyère qui est très explicative. Je pourrai aisément vivre sans la moindre technologie, si elle n'existait pas ou plus bien entendu. Chacun est libre de croire ce qui est bien pour lui, mais faut-il pour autant qu'il est un choix de comparaison, j'en ai eu un, mon choix est fait. Plutôt mourrir que de re travailler... Je suis très sérieux.
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> Attention ! Danger Travail
27 novembre 2003
Et tu refuses de toucher les assedics bien sur ? ! ... nan paskeu sinon je vois pas où est ton engagement ... c'est facile de dire "moi je veux pas taffer !" ... quand on touche les assedics ... mais si tu te retrouves sans rien ... désolé ... tu fera comme tout le monde t'iras taffer ... à moins que tu kiffes dormir sous les ponts ... c'est ton choix
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> Attention ! Danger Travail
2 décembre 2003, par
Au chasseur de parasite : une simple question : mais avez-vous bien regardé le film ? Est-ce que nous avons regardé le même film ?
Une intéressante séquence montrait en effet l'un de ces chômeurs "parasites" qui s'avouait bien fainéant dont acte.. mais qui posait une éminente question sur le parisitisme que l'on reproche si souvent à ceux qui FONT LE CHOIX de refuser le travail-prison, vendu comme un paradis par leurs géoliers : sont-ils VRAIMENT plus parisites et plus dispendieux qu'un publicitaire.. ou qu'un militaire ? Ou encore qu'un patron d'entreprise sans éthique, réincarnation de tribun(comme il y en a trop et c'est d'eux dont le film parle) qui fait son bonheur et sa réussite avec "le sang des autres" ? Ce n'est pas les allocs de ces derniers certes que vous paierez ! Mais bien pis !.. ce sont "la coquille vide du paraître" que vous acheterez aux premiers, la vie des autres que vous sacrifirez aux seconds, et enfin la vie du tiers-monde exploité par notre occident repu que vous donnerez à l'ambition des derniers. Qui sert le plus son prochain dans chacun de ces cas ? Hors de toute notion de fric et d'économie, Qui est le plus inutile, le plus nuisible ?
Sortir d'un système par trop carcéral (car c'est bien d'un certain univers aliénant du travail dont on parle et non pas de tout travail qui émancipe ou enchante, bien au contraire) ne veut pas dire ne rien vouloir imaginer d'utile qui le remplace. Ne pas avoir le courage (ou la conscience) de s'échapper de ce système favorise t-il sincèrement à juger ceux qui, libérés, se nourrissent apparemment à ses dépends ?... car l'inaction assumée peut être le prélude à une vraie reflexion et prise de conscience, n'est-il pas ?.. ; ce qui est le cas de ce film. CELA NE VEUT PAS DIRE que la solution d'un travail heureux et accompli pour ces masses salariales qu'on exploite soit encore trouvée.
N'ayant pas vraiment eu les moyens de savoir ou pouvoir faire un choix pour leur travail ou simplement encore réaliser leur voie, peuvent-ils sereinement attendre "le garrot sur l'âme" que le medef leur trouve un chemin, sinon comme le montre le film, vers la dépersonnalisation ?
Il est grand temps en effet de montrer, de clamer, de chanter, que la pensée - SPIRITUELLE et ANALYTIQUE, qui plus est - n'est pas - N'EST DEFINITIVEMENT PLUS - un privilège des classes cultivées ! Et alors sans doute que le bonheur de travailler ensemble ne peut se construire.. - DEFINITIVEMENT PLUS -qu'ensemble. Une évidente classe de monarques à peine masqués fera évidemment tout son possible - prête et armée au fond d'elle-même, je parierais, jusqu'au chaos - pour faire obstacle à l'intelligence proclamée d'un peuple en route...
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> Attention ! Danger Travail
2 septembre 2003
Pour ceux qui veulent de la lecture dans cet esprit , je vous conseille de Bob Black : "Travailler ? moi jamais..." Dans la collection l'esprit frappeur , un petit livre moitie delire moitie realiste, mais interessant en tout cas ! ! !
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> Attention ! Danger Travail
14 août 2003, par
Motivée pour voir ce documentaire (en dehors de mes heures de boulot ! !)
mais où peut on le voir sur la région parisienne ? ?
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> Attention ! Danger Travail
7 octobre 2003, par
cinéma Jacques Prévert aux ULIS (Essonne) du 22 au 27 octobre 03 Patricia
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> Attention ! Danger Travail
12 août 2003, par
Un film à voir pour tous ceux qui ne seraient pas encore convaincus des bienfaits du non-travail.Bien qu'il n'est pas montré comment les institutions (tout particulièrement,l'institution scolaire) érigent le travail comme étant l'essence de toute une vie ,et comment ces mêmes institutions transforment à la fois l'individu et tout ce qui l'entoure en produits à valeur marchande ;il est clair que ce film a le mérite de montrer une réalité des choses à contre-sens des aspirations politico-médiatiques actuelles. Sans doute,faut-il sortir les travailleurs de leur torpeur pour ensuite commencer un réel démantèlement des mécanismes qui enclavent l'individu ,et ce film en est un bon déclencheur. (à noter l'intervention de Loïc Wacquant qui illumine de clarté)
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> Projection de "Attention ! Danger Travail"
11 août 2003, par
C'est évident ! le travailleur est devenu un outil tout comme le travail par ailleurs au service du profit donc des profiteurs qui ne sont pas comme "ils" voudraient le laisser croire : les chômeurs, les précaires, les "vieux qui ne sont plus rentables". Le travail est dévalorisé dans tout le sens du terme. Comment croyez-vous que çà se passe dans le social , dans des centres d'handicapés mentaux ... : "Ils" vous font croire que vous êtes là pour "l'honneur" ; pour la médaille du travail ; pour être au service de l'handicapé mais ils font tout pour vous mettre des "bâtons dans les roues"..Ce ne sont que des "gestionnaires" du profit.........qui n'ont rien à "foutre" du relationnel, de l'affectivité (cela à été entendu)"...La lutte continue...
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