Molières, le 14 août 2003
Pourquoi ai-je été sur le Larzac ce mois d'août 2003 ?
Parce que le Larzac m'attire. Déjà en 1961, je montais la garde au camp militaire où les résistants algériens se gelaient. Je ne puis y revenir en 1973 et 1974, étant alors chaque fois frais papa. Je m'étais occupé du comité Larzac.
Les luttes contre l'armée, l'installation et surtout la recherche de solutions au problème du foncier. La SCTL et le GFA Larzac sont des exemples à reproduire pour sortir du poids de la propriété. J'y suis revenu plusieurs fois pour étudier ces sujets.
Cette fois-ci, je m'inscrivis sur le Web comme bénévole. Arrivé jeudi juste après la pluie, je rejoignis le poste "accueil bénévole" où l'on m'attribua "l'assistance Forums" vendredi et samedi matin. La poussière du samedi m'incitait à quitter les lieux. Je revins m'inscrire comme bénévole à 13 h. Les cinq parkings étaient archi plein depuis le matin. Charlotte Boniface (une des organisatrices) me dit à midi : "José, c'est pas en prison qu'il fallait l'enfermer, c'est en H.P." (hôpital psychiatrique). Autrement dit : "Il est fou". On est débordé. Déjà Brigitte Allain m'avait dit plusieurs fois qu'on recherchait des bénévoles. Charlotte courait les stands pour en recruter. Une personne arrive au point accueil bénévole "Il me les faut tous pour les buvettes." Mais Raymond Fabrègue nous emmena quatre bloquer la route à une douzaine de kilomètres après la Blaquiererie. Sale boulot. Nous empêchions les autos de passer. J'y restais quatre heures. Les voitures étaient également bloquées aux autres carrefours environnant le site. Il leur restait à faire dix km à pied. Un automobiliste nous signala un début d'incendie près du Caylar. Je me rendis chez le paysan chez qui je logeais aux Magettes et l'aidais à ramener six chevaux parqués près de la zone incendiée.
Un événement historique ! Oui, bien sur. Je ne pus assister aux forums, aux débats. Il y avait foule. Au premier auquel je participais à passer le micro baladeur, celui sur les inculpés de Fumel, je comptais plus de mille personnes, le vendredi soir. Que de monde ! Certains disent que beaucoup sont venus uniquement pour les spectacles. Je n'assistais à aucun, mais je crois qu'il y avait des prises de paroles des militants ce qui forma les auditeurs sur les raisons de ce rassemblement.
Semer, il en naîtra toujours quelque chose, quelques graines.
Nous avons semé. Il y avait beaucoup de jeunes. Beaucoup de graines germeront.
On sème et on s'aime !
Larzac 2003
Combien étions-nous ? Beaucoup, c'est sur. Le samedi à 13 heures, j'étais sur la route après la Blaquièrerie pour empêcher les voitures d'accéder au site. Trop de monde, parkings archi pleins depuis le matin, organisateurs dépassés craignant le pire, il fallait arrêter l'arrivée de plusieurs dizaines, voire centaines de milliers de gens. Certains disent que nous en avons empêché 50 000. D'autres que ceux qui venaient ce samedi après-midi, c'était pour le spectacle gratuit de la soirée et surtout pour Manu Chao. Combien aussi décidèrent de ne pas venir à cause de la chaleur, de la distance, de la foule, du manque d'ombre et du peu de motivations ? 100 000, 200 000 ? Ils ont suivi à la télé, dans les journaux, à la radio. Ils sont malgré tout "avec" et donc des porteurs de graines. Mais entre les groupes, des militants s'exprimaient, disaient leurs messages, leurs combats, leurs professions de foi. Ils semaient des graines. Même ceux qui n'étaient pas là comme militants, enregistraient ces paroles. Ils en étaient ensemencés. Quand est-ce que ça germera ? Beaucoup de jeunes, de femmes. Je dirais une moyenne d'âge dans la trentaine. Donc de l'espoir. Et pas de violences, pas d'agressions, pas de bagarres, à part le démontage du stand du PS passé inaperçu pour beaucoup. Seuls bruits marquants en fin de soirée, je crus comprendre que c'était le cri des intermittents. Une saine ambiance de paix. Les seuls stressés, stressants, étaient des organisateurs qui réclamaient sans arrêt des bénévoles. Il y en eut beaucoup, pas assez sans doute. Et surtout ils pensaient à les remplacer. Je ne restais que quatre heures au carrefour, c'est bien. J'avais eu une bouteille d'un litre et demi d'eau, que je bus, et un téchirte jaune, la couleur des organisateurs. "C'est possible !" Oui. C'est la phrase que je préfère ; rassembler plusieurs centaines de milliers de personnes sur un plateau aride, sans plage, sans ombre, il fallait le faire ! Qui aujourd'hui se mobiliserait pour quelques paysans sur un tel terrain ! Et en plus pour une commémoration trente ans après ! Mai 68. Certains en ont parlé. Non, ce n'était pas Mai 68, mais je crois à l'après-Mai 68. L'écologie, halte à la croissance, changer de vie, retour à la terre, féminisme, régionalisme, énergies renouvelables, consommer bio, agriculture bio, végétarisme,.. Jean Ferniot intitulait son éditorial dans Le Figaro le 28 mai après Charléty : "Le parti des jeunes est né hier". Pourrions-nous en dire autant ! Dans ces années 70, il y avait une presse qui participait au mouvement : La gueule ouverte, Charlie hebdo, Hara Kiri, C, C comme C, le Sauvage, Viure, L'An 01, .. Aujourd'hui, elle manque. Les médias sont tenues par les marchands d'armes. Même Charlie hebdo n'en est plus, n'y était pas. Ce n'est pas Le Monde diplomatique, ni Politis, trop sérieux, ni Le Canard enchaîné, qui accompagneront ce mouvement. Alors qui ? Quoi ? PLPL et CQFD ? On a beaucoup entendu "il faut NOUS changer plus que changer LE monde". Consommer autrement, produire autrement, vivre autrement, un autre monde est possible. De belles phrases ! Est-ce sérieux ? Beaucoup n'y croit pas, la droite, le PS, les anciens soixante-huitard, etc. "C'est possible" ! "C'était impossible, mais l'imbécile ne le savait pas, et il l'a fait !" Que faudrait-il pour que ce soit possible ? Sur Internet, j'ai lu plein de réactions dans ce sens. Utopie ! 500 000 utopies ! Il y avait beaucoup de stands. Intéressants, ouverts. J'ai essayé de voir qui manquait : les politiques normal, les syndicats moins normal (la CFDT a envoyé José en prison, personne ne le rappelle), les religions et les sectes (heureusement, quoique difficile qu'il n'y en ait pas de cachées), les médias (pas intéressées sans doute), les mouvements de jeunesse, les ONG, les organismes officiels, les marchands de souvenirs et profiteurs, Citoyens du Monde, .. Et heureusement aussi, il n'y avait pas de meneurs, de chefs, de gourous, de guide, de pouvoir, là c'était bien comme en Mai 68. J'aurais aimé pouvoir m'exprimer. Où ? A l'arbre à palabre ? J'y suis allé et n'ai rien trouvé, sauf quelques papiers pour la route. J'aurais voulu demander qu'on s'occupe de la suppression des armées, des armes, de leur fabrication et de leur commerce (hein, le Mouvement de la Paix !) ; de supprimer la propriété, au moins d'y réfléchir - le film "Le Bien commun" vendu au stand de la Conf. du Lot et Garonne traite de l'appropriation - il n'y a pas que la Terre qui n'est pas une marchandise, disons-le aussi des savoirs, du foncier, des habitations, de la santé, de l'éducation, de la nourriture, de l'agriculture, des semences, etc. ; au lieu de parler de la pauvreté, supprimons les riches, l'écart est devenu absurde, même salaire pour tout le monde, même retraite ; supprimons le travail, cet instrument de torture, et le salariat, cet esclavage - deux heures par jour suffiraient, payons plus d'impôts et pratiquons les prestations ( étant gosse, j'aidais mes parents à casser des cailloux sur la portion de route qui nous était impartie par la commune comme impôt) On n'a pas assez insisté sur le souvenir de la lutte. Rappelons que c'est une défaite magistrale pour l'armée vaincu par des paysans, ses ennemis partout (les croquants luttaient surtout contre les soldats qui pillaient, volaient, violaient, détruisaient,..), pour Debré, pour les affairistes qui avaient déjà acheté les terrains (de la Malène, Debré..), qu'une centaine de paysans se sont dit "c'est possible", et comme ils le rappellent "le pot de terre a vaincu le pot de fer", "des moutons pas des canons", "du blé pas des canons". Autre sujet important et trop oublié : la parole. Retrouver la parole, des lieux de parole. Echanger, il n'y a pas que les SELs, il y a les Réseaux d'Echange Réciproque de Savoirs, les SCIC (société coopérative d'intérêt collectif). Et le "don" et le "contre-don". Et la monnaie distributive, supprimons les banques ; une seule banque, une seule assurance. Et le suicide ! Il a doublé en dix ans. Que faisons-nous ? Que fait la société ? Et l'écoute ! "Un homme vaut plus qu'une cathédrale" Joseph Delteil. "Frotter sa cervelle contre celle d'autrui" Montaigne. Et pendant ce temps-là, le Familistère de Guise disparaît. Qu'en dites-vous , camarades anarchistes, très présents sur le site ? Le Familistère Godin à Guise dans l'Aisne va être transformé de Palais social en hôtel luxueux avec suites. Personne ne se bat pour le conserver. Rentabilité, retour sur investissements, .. Et c'est le Parti Socialiste qui fait ça et appelle le projet "Utopia", un comble ! L'aspect social, humain, tout le monde s'en fout. Si encore on y faisait une Auberge de Jeunesse ! Mais peut-être était-il vicié au départ en n'ayant pas instauré le même salaire pour tous dès 1800 et quelques ! J'ai lu beaucoup de critiques négatives sur les forums. Aucune ne m'a satisfaite. Des prix trop élevés, de l'eau trop chère, du manque d'eau, une mauvaise organisation, la demande de bénévoles,.. Moi, j'ai été plutôt déçu par la nourriture, non pas le prix, mais le goût "banal" ; pendant trois jours c'est vrai que je n'étais resté que d'un seul côté de l'autoroute. Ce n'était pas gastronomique, ni mauvaise bouffe. Je n'ai pas vu de coca-cola, d'hamburgers, mais beaucoup de sandwichs pas encourageants. Il a manqué de la nourriture d'été, aqueuse : soupe, tomates, pêches, melons, fraises, pastèques,.. riches en eau ; c'était une bouffe "sèche", faisant boire. Je n'ai pas lu de critique sur la sono, elle fut à la hauteur : pas assourdissante, mais toujours présente et jamais en panne. Dans les forums, sans elle et les micros baladeurs, c'aurait été impossible. Autre point non critiqué : la radio de l'organisation s'exprimait autant en occitan qu'en français. Bravo, au moins on savait qu'on était en Occitanie. Et pas d'anglais, ouf. Trop difficile de s'exprimer, même dans les forums, vu le monde. Cela ne me gêna pas, je savais ce qui s'y disait. Les sujets traités, je les connaissais. Mais même en faisant le tour des stands, je n'ai pas beaucoup appris, ni pu bien discuter. Je me demande comment ça peut être à la fête de l'Humanité, par exemple ? Ce doit être à peu près pareil, avec de la démagogie en plus, j'imagine. Certains disent déjà que ce fut le Woodstock du Larzac. Non, pas plus qu'un Mai 68, il n'y avait pas d'oreilles colées aux transistors. Il a été dit que même les portables ne fonctionnaient pas à cause de la saturation. C'était tout simplement "Larzac 2003", l'unique, le seul. Changer, d'accord. Alors changeons : supprimons l'armée et les armes, facile, ça ne nous concerne pas directement. Supprimons la propriété, oui, sa maison, sa femme, sa voiture, là c'est plus dur ; la femme se libère toute seule de la domination masculine, enfin, elle essaie ; la propriété de son outil de travail, de sa maison d'habitation, mais uniquement, donc plus de patron, plus de Bourse, autogestion, coopératives, transport commun gratuit, voiture collective, (remettons la vignette auto supprimée par la gauche au profit des gros) ; même égalité de revenu, même salaire, sans tenir compte de l'ancienneté, des études, de la hiérarchie, des responsabilités, même retraite, pas d'intérêts financiers, livret A et autres placements à 0 % d'intérêts comme les prêts, une seule banque et une seule compagnie d'assurance, services publics,.. Et demander une augmentation des impôts ! Moins d'Etat et plus d'Etat ! Pensons-y ! Pourquoi pas ? C'est possible ! On aurait dit que les gens voulaient se débarrasser de "la servitude volontaire". Enfin !
Du Joseph DELTEIL :
Il faut vivre de peu, changer de monde.
Pourquoi l'homme est-il créé et mis au monde ? Est-ce pour forger des canons, construire des appareils de télévision et les consommer - et si on ne les consomme pas de bon cœur, sous la menace du gouvernement ?
L'homme est sur la terre non pas pour le travail mais pour le PLAISIR et le BONHEUR. Nous sommes là pour nous amuser !
Il s'agit de sauver l'homme, de faire en sorte qu'il réapprenne à vivre. VIVRE, c'est accepter l'épanouissement simultané des désirs, appétits, besoins, facultés,..
La machine moderne, voilà l'ennemi. C'est l'ère de la caricature, le triomphe de l'artifice. Tout est falsifié, pollué, truqué, toute la nature dénaturée. Voyez ces paysages métallurgiques, l'atmosphère des villes corrompue, les oiseaux infestés d'insecticides, les poissons empoisonnés jusqu'au fond des océans par les déchets nucléaires, la levée des substances cancérigènes partout, la vitesse hallucinante, le tintamarre infernal, le grand affolement des nerfs, des cœurs, des âmes... Ils appellent ça le progrès. Mais entre l'hippopotame dans son marigot, le lézard au soleil et l'homme au fond.
Nous vivons dans une société qui, à mon avis, est structurellement à peu près la même depuis quinze mille ans, depuis l'avènement du néolithique. C'est justement la grande séparation entre le paléolithique et le néolithique : le paléo était basé sur la liberté et le mouvement ; la nouvelle société est basée sur le rendement et la reproduction. De l'atelier de la pierre taillée aux usines du Creusot ou de la Ruhr, le principe demeure identique.
La grande révolution, ce sera le retour non pas au paléolithique au sens strict mais à ce qu'il représente d'idéal. Il s'agira à ce moment-là de changer non pas les structures de la société, mais la société elle-même. On répondra à la question : pourquoi l'homme est-il créé et mis au monde ? Est-ce pour forger des canons, construire des appareils de télévision et les consommer ?
L'homme moderne (et la femme) sont justiciables de l'utilité. La vie est une machine à calculer... Le produit prime le producteur. La machine prime l'homme.
Lors de la révolution de Mai 68, je me suis senti en plein accord avec les étudiants. J'étais fou de joie ; voilà, me disais-je, l'essentiel de ce qu'il faut faire : contester radicalement la société qui nous environne.
Pourquoi changer le monde, des milliards d'hommes, quand il suffit d'en changer un seul : MOI-MEME !
Jouir, c'est se réaliser. Le poumon qui respire jouit. Le ventre qui digère ou qui aime jouit. La jambe qui marche jouit. Jouir pour l'oiseau, c'est voler, pour l'eau couler, pour l'arbre fleurir, pour le soleil éclater. Mes mains jouissent, les vaches jouissent, la mer jouit. Jouir c'est jouer son jeu, c'est couronner sa loi, c'est accoupler la fonction et l'organe, la fin et l'acte. Il y a dans l'homme un besoin de joie fondamental. Qui s'y refuse, triche. Etre, c'est jouir dans sa plénitude, dans sa totalité. Il n'y a qu'un seul étalon au monde : la jouissance. La mort, c'est l'arrêt, l'anéantissement non pas de l'être, mais de la joie.
La joie ne consomme pas les sens. Hors des sens, pas de salut. La division de l'être en cinq sens est une pure trouvaille mnémotechnique. Evidemment, il n'y a en réalité qu'un seul sens : la peau de l'homme, l'homme.
L'homme a le sens naturel du bonheur. Son chef-d'œuvre, c'est sa vie ! .
L'essentiel, pour l'homme, c'est de vivre sa vie après en avoir élagué ce qui lui vient de l'extérieur. Le plaisir est inversement proportionnel à la civilisation.
L'industrialisme, c'est le piston à deux temps : 1/ CONSOMMEZ, 2/ PRODUISEZ, C'est la traite des Blancs.
Hypothèse : supposons que dans ce monde super industrialisé, un pays, un beau jour, la France par exemple, décide de rompre, de retourner au stade agricole, que voulez-vous qu'il arrive ? Rien ! C'est impensable, me dit-on. Pensons-y !
Le premier épicier du coin, j'en conviens, est plus utile que Napoléon.
Pourquoi changer le monde, des milliards d'hommes, quand il suffit d'en changer un seul : MOI-MEME !
MOI, JE DECLARE LA PAIX AU MONDE : voilà la Nouvelle Résistance ! La Résistance à l'industrialisation, la Résistance à la civilisation.
Hypothèse : supposons que dans ce monde super industrialisé, un pays, un beau jour, la France par exemple, décide de rompre, de retourner au stade agricole, que voulez-vous qu'il arrive ? Rien ! C'est impensable, me dit-on. Pensons-y !