Samedi 13 septembre : Manifestation Superbe à Cancùn |
A la veille de la fin officielle de la conférence interministérielle de l'OMC à Cancùn était prévue une manifestation contre l'OMC et contre la guerre ce samedi 13 septembre.
Après la marche des paysans qui a eu lieu mercredi dernier pour l'ouverture du sommet, et après une petite semaine ponctuée d'actions diverses, la journée de ce samedi sera marquée par une manifestation exemplaire, tant en terme d'organisation que dans la symbolique qu'elle évoque dans sa mise en scène.
C'est sûr, cette manifestation restera longtemps gravée dans la mémoire des militants antiglobalisation qui y étaient présents.
Il faut dire que, pour ce qui nous concerne, nous avions le sentiment, ces derniers jours, que l'organisation des actions était très mal coordonnée. Ce qui, d'après ce que nous avons pu savoir, résulterait de divergences au sein des différents mouvements y participant : entre les pacifistes, qui voulaient condamner les violences de la manif de mercredi et les groupes déterminés à aller à l'affrontement contre les forces de l'ordre.
Aujourd'hui, surprise, il semblerait que la manifestation soit le fruit d'un consensus entre ces différentes mouvances et, on peut le dire, ce fut une incroyable aventure. Ce qui nous rassure sur notre capacité à travailler ensemble pour lutter contre l'Organisation Mondiale du Commerce.
C'est environ à 10h30 qu'elle a démarré du campement paysan. Manifestation regroupant environ 5000 personnes et incluant cette fois des syndicats mexicains autres que paysan. Toujours pas de partis politiques visibles...
Manifestation "normale" jusqu'à l'arrivée au rond-point de la Zone Hôtelière, si ce n'est que l'on peut regretter un effectif peu important, compte-tenu des enjeux.
Depuis les affrontements de mercredi dernier, les barrières anti-émeutes ont été déplacées de 100m, dans la longue Avenue de Tulum qui mène au Centre de Conventions (10km plus loin), où se tient le sommet de l'OMC.
Alors qu'une grande partie de la manifestation s'arrête au rond-point, des cortèges continuent vers les barrières anti-émeutes, derrière lesquelles, comme mercredi, sont postés des rangées de policiers fédéraux et deux camions, canons à eau.
Nous voyons arriver le cortège des anarchistes et autres groupes, menaçants. Entourés d'un service d'ordre, cagoulés pour beaucoup, ils transportent dans une grande benne à ordure, toutes sortes de matériel pouvant servir d'armes. Tout le monde est convaincu que nous allons à l'affrontement. Les journalistes se précipitent, ils sont au premier rang.
A l'avant, un groupe de femmes.
Ce sont elles qui se rendent les premières jusqu'au barrières.
Petit à petit, la manifestation suit.
Et là, commence une véritable mise en scène qui va durer des heures (au moins 4).
Un cortège de percussionnistes, à l'allure menaçante, va ponctuer toute l'action d'un rythme constant, tribal, funèbre.
Là, tout le long des barrières et notamment sur la droite, des groupes coordonnés de militants cagoulés se mettent à entamer les barrières, cadenas, grillage avec d'énormes tenailles. Il faut dire que ces barrières sont encore plus renforcées que la dernière fois. Il y en a au moins trois niveaux, scellés de cadenas, chaînes, et tenus par de lourds blocs de béton.
Ce travail dure au moins deux heures.
Toujours sur un rythme funèbre.
Nous sommes tous dans l'attente, sous une pression. Que va-t-il se passer ?
A droite, s'organise un périmètre de sécurité entourant tous les militants volontaires pour participer à deux cordées : certains, montent sur les barrières, mettent un temps fou à y nouer de grosses cordes. Une fois cadenas sautés et cordes nouées, les cordées se mettent en branle et tirent... tirent avec les encouragements de tous les manifestants.
Et ce sont des superbes images pleines de symbolique que ces militants, Via Campesina, anarchistes, délégation coréenne, etc... tous unis dans un même effort : faire tomber les barrières.
Il fait très chaud, nous sommes en plein soleil, la pluie d'orage, qui nous a tous trempés, s'ajoute à la moiteur générale et participe à ce tableau de communion générale.
Finalement, les barrières tombent et sont dégagées sur les cotés les unes après les autres, dans la clameur générale. La dernière barrière est enfin dégagée, après qu'à de nombreuses reprises soient intervenus des gens au mégaphone pour insister sur notre pacifisme et notre volonté de ne pas aller à l'affrontement.
Là, nous sommes tous invités à nous asseoir. Commence alors une série de discours des Coréens pour un ultime hommage. Le tumulte fait place à un silence général.
Les Coréens affirment à nouveau leur détermination de lutter contre l'OMC. La symbolique de l'action qui a été menée est reprise par les différents intervenants et notamment la Via Campesina, par la voix de Juan Tinéi : "Si les négociations bloquent aujourd'hui au sein de l'OMC, c'est grâce aux luttes menées partout dans le monde". Il appelle également à ce que tous les mouvements antiglobalisation se rencontrent après ce sommet pour travailler ensemble.
Un paysan coréen intervient encore en hommage à Lee, qui, pour lui, s'est sacrifié pour le peuple. Son discours est d'une énergie incroyable : "Nous pouvons, comme ici, les barrières, détruire l'OMC et le Néo-libéralisme".
Des Africains interviennent pour informer qu'une grande manifestation anti-OMC vient d'avoir lieu en Afrique du Sud : "Africa is not for sale !".
Pour finir, Raphaël Alegria, Président de la Via Campesina, nous apprend que les accords de l'OMC sont bloqués, le Groupe des 21 ayant rédigé un accord de refus des négociations.
C'est l'herésie générale.
Deux grandes marionettes représentant l'OMC sont brûlées, ainsi qu'un drapeau américain. De grandes fleurs blanches sont distribuées au militants pour les déposer devant le cordon de policiers en hommage à Lee. Les percussions reprennent à un rythme de fête et c'est la liesse.
Tout le monde saute dans tous les sens, crie. Des farandoles rassemblant des militants du monde entier se mettent à danser.
Et cela dure au moins une heure.
Pas de débordements, tout le monde a du mal à partir.
Cette manifestation est exemplaire par sa symbolique, sa mise en scène et sa non-violence. Elle vaut mille fois mieux que des cailloux jetés sur les forces de police.
Et, même si l'OMC n'aura pas eu besoin de notre mobilisation ici pour se saborder elle-même, cette manifestation a réchauffé le coeur des militants anti-globalisation ici présents pour des mois et des mois. Seul regret : l'absence de José Bové, qui, après avoir séjourné en prison aurait eu ici de quoi l'encourager dans son action. Mais, au vu du succès de la mobilisation du Larzac cet été et de Cancon la semaine dernière, je ne crois pas qu'il en doute...
Catherine
Création de l'article : 14 septembre 2003
Dernière mise à jour : 14 septembre 2003
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> Samedi 13 septembre : Manifestation Superbe à Cancùn
14 septembre 2003, par
Ce témoignage de Cat est à mettre sous clé, mais VISIBLE DE TOUS !
Il démontre que la détermination, même des plus humbles, peut encore vaincre la bêtise humaine dans un esprit pacifique.
La route vers une attitude mondiale responsable est belle et bien ouverte !
Battons le fer tant qu'il est chaud !
José, à toi de jouer !
En bas, à gauche, A.L.
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> Samedi 13 septembre : Manifestation Superbe à Cancùn
14 septembre 2003
Je suis trop content de cet échec manifeste et présent de l'OMC...Mais il faut désormais qu'il en soit toujours ainsi...sauf si on réforme Radicalement l'OMC en un autre organe : l'organisation mondiale de l'économie solidaire, de l'autonomie et de la complémentarité des peuples et des Etats....Vive le Larzac 2003, le Sommet de Cancon, l'échec présent des négociations de l'OMC, le combat des paysans et des altermondialistes pour un monde plus juste et plus solidaire ! ! ! ! !
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