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De la Démocratie et de la Liberté d'expression |
La démocratie ne consiste pas à laisser dire tout et n'importe quoi. Elle ne se résume pas à la liberté d'expression.
J'aimerais revenir sur une double confusion qui tend à s'insinuer régulièrement sur les forums internet, mais également dans les médias.
Les lecteurs de www.Monde-solidaire.org n'ignorent pas que les articles proposés à la publication sont soumis à l'approbation d'un comité de lecture. Pour qu'un article soit publié, il faut en effet que deux administrateurs l'aient au préalable approuvé. A plusieurs reprises, il a donc été reproché aux auteurs du site d'agir en censeurs, et donc de constituer une entrave à la liberté d'expression. A cette absurde accusation, j'aimerais apporter deux réponses :
Tout d'abord, les auteurs de www.Monde-Solidaire.org sont responsables du contenu éditorial du site. Réunis sur Internet comme ils ont pu se réunir sur le Larzac, ils ont tous en eux, malgré leurs divergences de vues sur certains points, un idéal commun qui les rassemble, et qu'ils viennent défendre ici. Plus soucieux de ce qui les unit que de ce qui les divise, ils ont envie de proposer aux lecteurs un contenu globalement cohérent, ce qui ne veut pas nécessairement dire univoque : la cohérence naît souvent dans le débat d'idées, lorsqu'il est mené de façon constructive.
D'autre part, la liberté d'expression peut toujours s'exprimer à travers les forums liés aux articles. Ce droit de réponse est offert à tous, de façon non modérée. La présentation du site est suffisamment claire pour que le lecteur ne fasse pas de confusion entre un article et les réponses qu'il a suscitées.
L'exemple précédent illustre selon moi une première confusion : Exercer la démocratie, ce serait laisser dire tout et n'importe quoi. On serait ainsi taxé d'étroitesse d'esprit en refusant par exemple de publier une apologie de Monsanto et des OGM. On serait taxé de fascisme si l'on n'accepte pas un article à la gloire de l'intervention américaine en Irak (ne riez pas, le cas s'est déjà rencontré). Faudra-t-il, pour respecter la démocratie, laisser aussi une place au discours du FN sur www.Monde-Solidaire.org ? C'est à mon avis une conception bien étroite de la démocratie, c'est la réduire à la simple liberté de parole, quand bien même cette parole serait fascisante.
J'en viens donc à une seconde confusion fréquente, et plus pernicieuse encore : En France, nous serions encore en démocratie parce qu'on a le droit à la parole. En effet, jusqu'à présent, nous ne sommes pas emprisonnés pour nos propos. Mais est-ce une raison suffisante pour considérer que la démocratie fonctionne correctement en France ? J'ai de sérieux doutes sur la question. Lorsque en effet l'essentiel des décisions qui relèvent normalement de la politique nationale sont soumises aux directives, aux règles et à l'approbation d'instances supérieures non élues, lorsqu'enfin les voix citoyennes qui s'élèvent pour dénoncer une décision qu'elles considèrent comme inique ne trouvent aucun écho, qu'elles se heurtent à un gouvernement qui confond fermeté et despotisme, je doute que l'on soit encore en démocratie.
A ceux qui pensent que j'exagère encore, je conseille la lecture des articles de l'Accord Général sur le Commerce des Services. L'article VI, 4 leur apprendra notamment que l'OMC se réserve le droit de demander l'abrogation de toute loi, règle, norme, procédure qui constituerait "un obstacle non nécessaire " au commerce. Le Conseil du Commerce des Services, dont les membres sont des fonctionnaires non élus, a pour fonction de décider si un objectif politique est légitime ou non, au regard des règles de l'OMC. Le Tribunal de Règlement des Différends de l'OMC est lui aussi habilité à juger de la compatibilité des lois nationales avec les accords de l'OMC. Constitué d'experts commerciaux privés, il délibère à huis-clos et peut infliger des sanctions aux pays membres, sous forme de mesures de rétorsion commerciale.
Si la démocratie se résume donc à pouvoir crier ce que l'on veut dans les manifestations, à diffuser tracts, articles, pamphlets ou autres cris de révolte sous le regard indifférent d'un pouvoir qui considère cela comme une soupape de sécurité consentie à la populace, alors nous pouvons continuer à dormir tranquilles.
Personnellement, je suis devenue insomniaque.
Sarah
Création de l'article : 14 octobre 2003
Dernière mise à jour : 11 novembre 2003
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>Un peu de Mathématiques...
16 octobre 2003, par
Redevenons sérieux !
Par exemple, prenons l'article ci-dessus comme l'article raisonné, par définition.
Sarah laisse entendre à qui veut bien être cartésien (moi ?),que notre pire ennemi se trouve à l'antipode de la pensée dégagée par le site de José Bové : L'unique !
Souvenons-nous que nous-mêmes passons pour vouloir réprésenter le même état d'esprit, mais tenons à exprimer notre personnalité. Ceci est parfois narcissique, mais d'autres fois totalement raisonné.
Dans cette deuxième hypothèse, soyons lucides, Sarah excelle. Ceci n'est plus à remettre en cause ! Je dis Sarah, comme je dirais Louison, etc.
Attendu que notre vénérée rédactrice semble épouser au plus près la ligne de conduite du site, voici mes interrogations :
- La pensée de l'ennemi, situé en face, est-elle la pire de nos pensées ennemies ; puisque nous nous doutons de son fonctionnement ?
- Va-t-on considérer que la ligne d'horizon qui délimite 90 degrés, tant par la droite que par la gauche, est à l'orée de l'acceptable ?
- Au contraire, devons nous dire que plus de 2 degrés d'écart avec la parole ci-dessus, ou celle qu'elle est présumée représenter, serait la graduation acceptable ; en particulier lorsqu'il s'agit de recueillir un avis, & de valider ou non selon notre perception de cet avis ?
- A partir de quel angle de vue perdons-nous, -volontairement ou pas- le sens de l'objectivité, si nous pouvons le perdre ?
- Et si tel est le cas, jusqu'à quelles extrémités le site recueillera-t-il des propos complémentaires à sa vision démocratique de l'évolution utile du Monde, sans tomber dans l'excès de la liberté d'expression ?
- Devons-nous dégager une doctrine capable de résister à la "pensée unique", & assimilable, -pour qui veut s'en donner la peine- aux excés que nous combattons ?
- Enfin, combien de temps seront-ils utiles pour que les 6 précédentes questions trouvent des réponses ?
7 questions : 7 comme le nombre de jours dans la semaine ; traditionnellement appelé "Délai de réflexion".
Au plaisir de vos nouvelles, l'exilé,
En bas, à gauche, A.L.
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> Un peu de Mathématiques...
16 octobre 2003, par
Bien que je ne sois pas sûre d'avoir parfaitement saisi le propos, n'étant pas cartésienne, je répondrai tout de même (étant à la fois femme et littéraire, donc bavarde !)
Sommes-nous objectifs lorsque nous publions un article, lorsque nous parlons, lorsque nous répondons, lorsque nous agissons ? Nullement, et je le revendique.
Oui, je revendique pour ma part mon manque total d'objectivité, c'est-à-dire mes choix. Ce sont mes choix parce qu'ils correspondent à l'idée que je me suis forgée de la vie.
Argumenter, c'est d'abord être capable de prendre en compte la pensée d'autrui. Ainsi, nous devons nécessairement être capables de comprendre ceux qui défendent des idées qui ne sont pas les nôtres. Ennemis, peut-être, mais frères-ennemis alors, puisqu'ils sont humains.
"Vous avez raison, mais votre raison n'est pas la mienne, comme ma raison n'est pas la vôtre. Ainsi, je continuerai à combattre votre raison, avec autant de respect que vous en aurez vous-mêmes pour ma propre raison", aurais-je envie de répondre à ces "frères-ennemis". Mais je ne m'autoriserai jamais à renier au nom de ce respect mes propres convictions, tout en les sachant aussi peu objectives que les leurs.
Prétendre à l'objectivité, c'est nier son engagement.
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> Un peu de Mathématiques...
8 novembre 2003, par
[ La pensée de l'ennemi, situé en face, est-elle la pire de nos pensées ennemies ; puisque nous nous doutons de son fonctionnement ? ]
C'est à cet endroit précis que j'arrête, car toute la démocratie de la pensée çà défaut de celle des gourvernats, repose sur cette question essentielle.
Que l'on aurait pu tout aussi bien écrire :
Ma mensée est-elle meilleure que celle de l'ennemis ?
Jeanne-Lucienne Duchemin
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> Un peu de Mathématiques...
9 novembre 2003, par
Partant du réalisme mathématique voulant que les extrémités se rejoignent, je ne me pose pas du tout la question ; non.
La question se pose vis-à-vis de ceux que nous considérons comme "ennemis" parce qu'ils sont au-delà des 180 ° de la ligne d'horizon, mais qui ne sont pas FRONTALEMENT opposés à nos idées !
En bas, à gauche, A.L.
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> De la Démocratie et de la Liberté d'expression
14 octobre 2003, par
Avec ton régime, arrête vite le café !
En bas, à gauche, A.L.
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