Cancun - Cancon : Bilan et perspectives |
Soirée débat avec Agnès Bertrand, José Bové, Gilles Gesson, Catherine Pimenta.
La soirée démarre avec une exposition de photos de Cancùn, prises par Gilles et Catherine.
Les prises de parole s'articulent autour de deux thèmes :
bilan de la présence à Cancùn
analyses et perspectives.
Bilan de la présence à Cancùn
(Par Catherine et Gilles)
La présence de larzaciens à Cancùn s'inscrit dans la suite logique de la présence d'une délégation aveyronnaise à Seattle en 1999, et fait suite au rassemblement Larzac 2003, dont un des thèmes principaux était la mobilisation face à la ministérielle de Cancùn.
Cancùn était le sommet de tous les dangers. Au programme : l'accord sur l'agriculture, l'Accord Général sur le Commerce des Services (AGCS), et l'accord sur la propriété intellectuelle (ADPI).
« On y est allé pour faire blocage, physiquement, comme à Seattle, mais ça s'est passé bien différemment. »
Deux actions principales :
Le 10 septembre, marche paysanne organisée par Via Campesina, regroupant 3000 paysans du monde ; forte présence Coréenne ; La marche ouvre une brèche dans les fortifications anti-émeute. C'est à cette occasion que le coréen Lee se donne la mort. Un rideau de policiers se dresse, que des groupes anarchistes commencent à attaquer ; des représentants de Via Campesina s'interposent. La manifestation se disperse
Le lendemain, journée de deuil, pas le sentiment d'une forte mobilisation dans la rue ; les opposants n'ont pas cherché à continuer à ouvrir la brèche.
Contacts avec l'intérieur, Raoul Marc Jennar (OXFAM) et Agnès Bertrand (Institut pour la Relocalisation de l'Economie), accrédités pour avoir accès au centre de conférences rendent compte des actions menées par les ONG.
Le 13 septembre, 5 à 6000 personnes ; ambiance plutôt pessimiste ; les nouvelles de l'intérieur ne sont pas bonnes : les représentants des pays du sud subissent des pressions énormes.
Mais la marche est un sommet de l'action non-violente. En tête du cortège, des femmes, qui commencent à ouvrir une autre brèche, avec des tenailles et des barres de fer ; les coréens ont des grosses cordes. Les tambours donnent un côté tribal à l'action. Les barrières sont finalement disloquées, et à l'intérieur, d'un seul mouvement, tout le monde s'assoit. Silence.
Les prise de paroles seront brèves, et le thème est commun : "ce mur a pu tomber, vous pouvez mettre les barrières que vous voulez, on rentre quand on veut".
Le lendemain, annonce de l'échec de la ministérielle. Le ministre des Affaires Etrangères du Mexique décide de clore le sommet sans qu'aucun accord n'ait été signé.
Un point est mis en évidence : l'importance du contact avec les opposants accrédités, qui étaient à l'intérieur, qui font le lien entre nos actions et l'OMC. C'est grâce à leur travail de décryptage des textes abscons des traités que la société civile est au courant et peut résister.
Agnès précise qu'à l'intérieur régnait une ambiance parano, fliquée.
Analyse, perspectives : Agnès Bertrand
Cancùn est un sommet historique, car pour la première fois, les payse du Sud ont fait face à la pression.
A Cancùn, les ministres des 146 pays se retrouvaient suite à Doha. Ces négociations, officiellement nommées "Round du développement", avaient été surnommées "Round de la honte".
Un agenda hyper chargé avait été imposé :
Agriculture : demande aux pays du Sud de plus d'ouverture des marchés, sans vouloir réduire les subventions dans les pays du Nord (300 milliards de dollars par an).
AGCS, qui impose la libéralisation des services (enseignement, transport, eau ... voir l'article Alerte à l'AGCS).
Ouverture de nouveaux secteurs (les "matières de Singapour") :
- Investissements (clone de l'AMI) : droit aux investisseurs de s'installer partout, en dépit des législations nationales.
- Accord sur les marchés publics, au niveau le plus local.
- Accord sur la politique de non-concurrence (empêche les gouvernements de se mêler de quoi que ce soit).
- Accord sur la facilitation commerciale, refusés depuis Singapour (surnommés les accords de recolonisation).
Le climat est tendu ; pour préparer la déclaration, l'OMC viole ses propres règles, qui stipulent qu'en cas de dissensions, les accords sont mis entre parenthèse. A Cancùn, les pays du Nord ne veulent pas négocier, mais imposer.
Les pays du Sud se méfient, sachant qu'à l'OMC, négociations lancées = accord signé (voir les accords sur le vivant).
Le 10 septembre, blocage sur l'agriculture : les pays du Nord ne proposent aucune réduction de subvention (promises depuis 8 ans). La proximité des élections aux Etats-Unis rend cela de toutes façons impossible.
Les commissaires européen et étasunien demandent alors au ministre des Affaires Etrangères mexicain de lancer les négociations sur les matières de Singapour. 90 pays refusent.
Le groupe des 21 se forme (Chine, Brésil, Inde, Argentine, Afrique du Sud...) sur la question agricole.
Une autre alliance de 90 pays du Sud se forme ; ils s'étaient concertés auparavant.
Un exemple : 27 000 exploitations de coton sont subventionnées à plus de 4 milliards de dollars par an (ces subventions ne profitent même pas aux paysans américains, car 90% des subventions vont à 10% des exploitations) ; les pays de l'Afrique de l'Ouest voulaient obtenir des réductions de subventions à l'exportation des pays du Sud - refusé.
Les principes même de l'OMC sont remis en cause : faire passer la protection de l'agriculture de subsistance avant le principe de libre concurrence.
Dans les consultations "en chambre verte" (en petit comité : les pays du Nord convoquent un petit nombre de délégués des pays du Sud) qui suivent, les représentants des petits pays ne prennent pas de décision, mais vont consulter l'ensemble du groupe des 90.
L'AGCS est repoussé jusqu'en 2006 ou 2007. Ce qui nous laisse du temps pour organiser la riposte...
Analyse, perspectives : José Bové
Le discours de la presse a été : les plus perdants, dans l'échec de Cancùn, ont été les pays du Sud. Mais des chefs d'Etat africain ont dit : de toutes façons, les subventions auraient été maintenues. Un succès des négociations aurait été pire, car menant à une ouverture plus grande des frontières (aujourd'hui les pays du Sud doivent importer un minimum de 5% de leur consommation intérieure) - porte ouverte à l'obligation du marché mondial, et donc à l'effondrement des agricultures vivrières. Car une fois le marché ouvert, impossible de se protéger contre le dumping (exportations à un prix inférieur au coût de production). Le prix mondial est fixé par les surplus des pays riches.
Un exemple : L'Europe exporte les céréales à 100 Euros la tonne ; dans le bassin parisien (zone favorable à cette culture), alors que le prix de la production est de 160 euros la tonne...
Le but était de faire perdre à l'agriculture sa spécificité, qui est de nourrir ; l'OMC veut la régir comme une industrie.
Les pays du Sud étaient furieux, car au début, ils respectaient la règle du jeu. En 1994, une règle empêchait d'attaquer les pays qui ne respectaient pas la règle, pour donner le temps à tout le monde de se mettre en conformité (dite "clause de paix"). A Cancùn, une prolongation a été demandée par les Etats-Unis et l'Europe.
Les moyens de tricher sont nombreux. Par exemple, les réductions sur le prix du gasoil, les primes à la modernisation des exploitations, les aides au revenu ne sont jamais mentionnées comme subventions dans les pays du Nord.
Grâce à l'échec de Cancùn, cette clause prend fin au 31 décembre 2003. Les pays africains pourront attaquer les USA pour le coton, et le Brésil, l'Union Européenne pour la PAC.
Suite à Cancùn, tous les débats sont à nouveau sur la table. La légitimité même de l'OMC est remise en cause.
En conclusion, l'OMC a subi un revers sévère à Cancùn, mais la pression doit être maintenue, les promoteurs de l'OMC ne comptent évidemment pas en rester là. La prochaine étape est la réunion du conseil général de l'OMC, le 15 décembre 2003. Voir la rubrique Conseil général de l'OMC.
José aborde ensuite le problème bolivien. Le gouvernement libéral a ouvert les ressources de gaz au commerce mondial. Une contestation a demandé que les ressources servent d'abord au développement de la Bolivie. Dans le cadre de l'OMC, on leur explique que ce n'est pas possible : le prix intérieur doit être égal au prix à l'exportation.
Ils s'appuient sur la victoire de Cochabamba (conflit par rapport à l'eau ; la multinationale s'est retourné contre la Bolivie).
La CIA a condamné Evo Morales, leader de ce mouvement.
Si la Bolivie, le Vénézuela et le Brésil s'unissent, un autre rapport de force est possible.
Thierry
Création de l'article : 19 octobre 2003
Dernière mise à jour : 21 octobre 2003
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