Crimes contre les prisonniers |
L'Observatoire International des Prisons (OIP) vient de publier, le 27 octobre dernier, son rapport concernant la France. Ce qu'on peut y lire est plus qu'affligeant pour notre pays : C'est effarant !
Bien entendu, le responsable actuel de cette horreur, Mr Perben en l'occurrence (mais bien sûr il n'est pas le seul), absolument pas démenti par le reste du gouvernement ou par le Président, a traité ce rapport avec le mépris coutumier de ce pouvoir dès qu'il s'agit de la France d'en bas (du sous-sol, dans ce cas, comme la nomme José Bové).
Peu importe les termes utilisés par le ministre, ils se perdront dans l'oubli que mérite tout mépris affiché. Mais il faudra garder en mémoire la façon de faire de ce pouvoir.
Ce rapport montre combien est néfaste la politique sécuritaire avec son pendant judiciaire. Il est évident que c'est cette obsession du « tout sécuritaire », totalement liée au « tout marchand » qui plonge la France dans une situation honteuse face à nombre d'autres pays. Allez donc, après ça, demander aux dictateurs de se comporter de façon civilisée ! S'imaginent-ils encore crédibles ceux qui traitent certains pays d'Etats voyous alors qu'ils se comportent de manière aussi monstrueuse envers leurs propres citoyens ?
Le pire, à mes yeux, reste que ce gouvernement français actuel, non seulement n'éprouve aucune honte, mais ose proclamer sa fierté d'enfermer tant de gens ; et il en veut plus ! Là encore, il veut du chiffre et s'apprête à distribuer des primes pour obtenir un tel résultat ! Le chiffre, ici, signifie une augmentation exponentielle des suicides, une envolée de haine mortelle des prisonniers envers toute la société, et un accroissement grandissant de la honte éprouvée par tous les démocrates, par tous les humanistes français.
Le rapport de l'OIP permet d'affirmer que dans le domaine de la politique d'incarcération, la France aura réussi très vite à appliquer l'idéologie néolibérale, puisqu'en très peu d'années nous serons revenus à une mentalité du dix-neuvième siècle. Et ils osent appeler ça le progrès ! L'analogie avec ce siècle déjà si lointain est évidente et largement fondée. Ainsi, Me Thierry Lévy, le président de la section française de l'OIP, affirme à juste titre : « On assiste à une instrumentalisation de la prison pour faire croire qu'il existe une politique suivie à travers la répression. Mais beaucoup de gens sont condamnés, non pas parce qu'ils ont commis des fautes graves, mais parce qu'ils appartiennent à une minorité défavorisée ».
Me Thierry Lévy dit encore, au moment de conclure son intervention : « Dans cette affaire, la responsabilité politique est engagée. Les dirigeants qui, au mépris du respect dû à la personne humaine, entassent en pleine connaissance de cause des personnes vulnérables dans des lieux où les conditions de vie sont indécentes auront à en répondre moralement, politiquement et, il faut l'espérer, légalement ».
Cette dernière phrase est essentielle. Je fais partie, moi aussi, des gens qui pensent que dès maintenant les militants des droits de l'homme, les associations qui luttent pour ces mêmes droits, ainsi que tous ceux qui savent encore ce que veut dire la dignité humaine, doivent monter, et d'urgence, des dossiers. Non pas des dossiers juste pour l'histoire ou pour se faire stérilement plaisir, mais des dossiers d'accusation pour préparer des actions en Justice contre les responsables de ces politiques dégradantes et qui, sous une forme ou sous une autre, se rangent dans les crimes contre l'humain et, partant, contre l'humanité.
Point essentiel à bien comprendre, il ne faut pas se contenter de viser les responsables politiques, mais il faut inclure, et au premier chef, les idéologues du néolibéralisme, les cartels financiers au bénéfice de qui ces crimes sont commis, et à toute la ribambelle de complices qui les entourent et favorisent le crime. Les complices étant nombre de médias, et plus précisément certains directeurs de ces médias (presse, télé, radio) ainsi que certains journalistes complaisants ayant enterré toute déontologie pour mieux servir les intérêts de ceux qui les paient grassement. Et je pense encore à certains philosophes à la mode, s'exhibant sans cesse dans le PAF (paysage audiovisuel français) dans le dessin non avoué d'imposer leur rhétorique mortelle et leur totalitarisme intellectuel.
Il est évident que tout ces individus ont une lourde responsabilité dans la psychose sécuritaire qui plombe la société française. Ils sont même l'une des causes majeures du sentiment d'insécurité par l'entretien de l'esprit sécuritaire inséparable de l'esprit de consommation. Ces deux déviations de l'esprit ont une même essence profonde et une même mentalité mortifère ; le profit pour les plus puissant et l'écrasement des plus petits.
Certes, à l'heure actuelle, aucune instance judiciaire n'est véritablement habilitée pour juger de tels hommes et de tels faits. Il s'agit donc de créer deux Cour de Justice supplémentaires. L'une chargée de juger les crimes commis au nom de l'économique et une autre Cour chargée de juger les crimes commis au nom du politique. Bien sûr, il existe une justice chargée de juger certains délits économiques, mais lorsque les juges chargés d'enquêter ne sont pas soumis à diverses pressions, dont le chantage (voir le cas de madame Eva Joly dans l'affaire Elf) le plus souvent, et presque toujours, les accusés sont relaxés ou condamnés à des peines symboliques. Oui, mais les accusés sont riches et puissants (CQFD). De même, dans les affaires politiques, il existe une Cour de Justice de la République chargée du jugement des ministres. Mais citez-moi donc un seul condamné à ce titre dans les trente dernières années...
Il est par conséquent nécessaire, lorsqu'un pouvoir enfin différent, enfin humain, sera élu, que celui-ci légifère rapidement pour créer de telles juridictions. Il faut bien comprendre que ni le monde économique, ni le monde politique, ne cessera ses abus et ses crimes contre les plus pauvres, les plus petits, sans l'existence d'une menace crédible de jugement et de condamnation. A mon sens, il est urgent que les hommes appartenant aux mouvances politiques altermondialistes y songent sérieusement dès aujourd'hui et surtout, qu'ils le proclament. Peut-être que face à une telle menace, même si elle n'est encore que virtuelle, certains parmi les plus excités des néolibéraux et ultralibéraux pourraient se calmer un peu...
Bien sûr, un tel pouvoir, véritablement différent de ce que nous avons connus depuis trente ans (puisqu'on peut dater l'arrivée des idées et méthodes néolibérales avec l'élection de Valéry Giscard D'Estaing - souvenez-vous du livre qu'il a écrit dans ces époques...) un tel pouvoir donc est sans doute encore fort éloigné de nous. Mais l'espérance en la Justice est telle que rien n'empêche, tout au contraire, de constituer les dossiers d'accusation dès maintenant. Et si les responsables des crimes commis aujourd'hui, je parle des crimes tant économiques que politiques, seront trépassés, le jugement devra se faire à titre posthume et servira d'enseignement pour les générations à venir en même temps que de garde-fous pour les générations politiques prochainement appelées à gouverner.
Gouverner est servir et non se servir ! A force d'oublier ou de renier ce principe premier du sens de la politique, les prédateurs deviennent des criminels... Et, hormis la Justice, rien ne les arrêtera !
Jean Dornac
Jean Dornac
Création de l'article : 9 novembre 2003
Dernière mise à jour : 9 novembre 2003
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> Crimes contre les prisonniers
9 novembre 2003, par
D'où la raison des tas, je suppose ! ?...A.L.
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