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Retraites et mondialisation
La réforme des retraites proposée par le gouvernement français s'inscrit dans la logique de mondialisation libérale impulsée par les puissances financières. Une autre réforme est possible et, au delà, un autre monde, solidaire, poussé par les associations du mouvement altermondialiste et, à travers elles, par l'engagement, la résistance et les actions de chacun d'entre nous. Depuis quelques temps, de la part d'amis ou d'inconnus, j'entends des réflexions ou je reçois par email des « blagues », des photos ou des animations « rigolotes », opposant « la France qui bosse » à « la France qui n'en branle pas une ». Selon les intentions de l'émetteur, cela me fait tantôt sourire, tantôt grincer des dents. Devant cet humour rance et souvent vindicatif, constatons que l'objectif de Raffarin (et de ses conseillers en communication qui remplacent désormais les conseillers politiques) est atteint : dresser les travailleurs les uns contre les autres. Comme notre premier ministre, j'ai moi aussi décidé, à ma modeste échelle, d'écrire une petite lettre pour réconcilier tout le monde et, surtout, pour engager un débat et une réflexion avec mes amis qui, travaillant dans le privé, ne trouvent plus le temps de réfléchir (mais trouvent le temps d'envoyer des emails pendant les heures de bureau). J'aimerais vous livrer, en vrac, quelques considérations - personnelles ou partagées - sur les réformes en cours et, au-delà, sur ce que cela a d'important à mes yeux quant aux choix de société que nous faisons tous au quotidien, chacun à son niveau, par nos actions (c'est ça, la Politique, au sens noble). Tout le monde est d'accord, depuis longtemps, sur la nécessité d'une réforme des retraites, compte tenu de l'évolution de la pyramide des âges. Les socialistes, pendant des années, se sont soigneusement et très courageusement empressés de ne rien faire en ce domaine. La droite d'obédience thatchérienne, léchant les bottes du Medef et accentuant les effets toujours plus dévastateurs d'une globalisation ultra-libérale dans le sillage des Etats-Unis, nous dit qu'une seule réforme est possible : allonger la durée du travail et baisser sensiblement les pensions des vieux. Mais dormez tranquilles, ajoute Raffarin, on ne touchera pas à la solidarité nationale et au système de répartition ! Les altermondialistes, au premier rang desquels se trouve l'association Attac, répondent : MENSONGES ET DEMAGOGIE ! De fait, voyant les pensions de retraite considérablement diminuées, ceux qui en ont les moyens pourront se tourner vers des systèmes privés de capitalisation ou autres fonds de pensions (et se retrouver tout de même sur la paille au gré des fluctuations boursières - mais pour le plus grand bien des gros spéculateurs). Ceux qui n'en ont pas les moyens - et ils sont nombreux - s'ils sont encore en vie arrivé l'âge de la retraite, pourront toujours aller crever ou occuper leurs vieux jours à mendier dans les rues pour arrondir leurs misérables pensions. Ainsi, d'un système de cotisations puis de répartition solidaire, on sera passé, sans le dire, à un système du "chacun pour soi" au détriment des plus démunis : le transfert des fonds se sera opéré pour le plus grand bonheur des intérêts privés, les grandes fortunes amies de Monsieur Ernest Antoine Sellière "Mais il n'y a pas d'autre solution !", répondent les gogos hypnotisés par les communicants du gouvernements et les médias complaisants (TF1 et autres marchands de sable, promoteurs de pensée unique). IL Y A D'AUTRES SOLUTIONS, et elles dépassent le cadre du débat sur les retraites ! Il s'agit de choix de société, de choix de civilisation, de choix véritablement Politiques. L'économie est mondialisée, c'est un fait. Mais cette mondialisation implique-elle nécessairement de s'aligner sur la politique ultra-libérale manipulée depuis des décennies par les Etats-Unis, et plus encore depuis l'installation de Bush et de son équipe d'extrême droite ? Cette mondialisation implique-t-elle cette spéculation, cette course effrénée vers toujours plus de croissance, ce pillage incontrôlé des ressources - limitées - de notre planète, cette accumulation sans limite des richesses entre les mains d'un nombre de plus en plus restreint de puissants - dont notre pays fait encore partie - qui, au travers de structures antidémocratiques et taillées sur mesure (G8, FMI, Banque Mondiale, OMC... sans parler des collusions entre les états et les sociétés transnationales, les réseaux occultes et autres paradis fiscaux) spolient, appauvrissent et marginalisent un nombre toujours plus grand d'Etats et de populations, donc d'hommes et de femmes comme vous et moi. NON : D'autres choix sont possibles et ne dépendent que de chacun d'entre nous, par notre capacité à résister, mais surtout par notre capacité à proposer où à adhérer à des solutions alternatives. Ainsi, la position de nombreuses associations du mouvement altermondialiste, telle Attac, est, par l'éducation populaire, de promouvoir un monde plus solidaire et juste, battit autour des hommes, de tous les hommes, et non seulement de quelques uns. Pour cela, des actions locales sont menées (pacifiques, malgré les amalgames des médias : Seattle, Porto Allegre, Barcelone, sommet anti G8… ), des mouvements de résistance se mettent en place partout dans le monde (par exemple, contre l'Accord Général du Commerce des Services - AGCS - concocté en catimini par l'OMC, et qui consiste à « libéraliser » les services publics - santé, éducation, transports, sécurité… - c'est-à-dire, en termes moins lisses, à vendre notre santé, notre éducation… aux intérêts privés) et des propositions globales sont soumises au débat public, telle que l'instauration de la taxe dite « Tobin », consistant, au plan mondial, à taxer les mouvement de capitaux d'un taux dérisoire mais générant, sur la masse, de quoi venir en aide aux pays les plus pauvres. Ce sont des exemples, forcément réducteurs, parmi beaucoup d'autres. A ce point, vous êtes en droit de vous demander : « mais où veut-il en venir ? » Au point de départ et à la réforme de Raffarin : MENSONGES ET DEMAGOGIE ! En effet, politique intérieure et politique internationale sont intimement liées : la libéralisation masquée du système de retraites n'est qu'un pas de plus, mais pas le dernier, vers une libéralisation générale des services publics menée à marche forcée par le gouvernement au profit des intérêts financiers nationaux ou transnationaux (l'argent n'a pas de patrie), donc vers une explosion des systèmes de solidarité nationale et une précarisation, une marginalisation de plus en plus de Français. Une solution alternative au projet du gouvernement est, plutôt que de réduire les pensions ou d'augmenter les cotisations appuyées sur les seuls revenus des travailleurs (les salaires), de partager les efforts avec ceux qui profitent des revenus du capital, c'est-à-dire d'instaurer des cotisations portant sur les profits (pour une analyse plus fine et argumentée, reportez vous au fichier joint). J'entends déjà les cris d'orfraie de ceux qui ne peuvent pas même imaginer qu'une autre société est possible et se contentent, en guise d'opinion politique, de rabâcher le discours unique que l'on nous sert depuis des années : « oui mais si on taxe les profits, nos entreprises ne seront pas compétitives, ce qui entraînera des fuites de capitaux, puis du chômage, etc. » À ceux là, je dis qu'avec un tel discours qui consiste au bout du compte à accepter tout et n'importe quoi, qui consiste à dire « Amen » au détricotage des solidarités nationales (ou internationales, comme l'ONU, par exemple) qu'ont patiemment construites nos aïeux depuis des décennies, qui consiste à accepter la loi de la jungle au détriment de la loi des Hommes, nous finirons, sans même nous en rendre compte, l'échine courbée, à travailler dans les mêmes conditions que celles que nous dénonçons dans de trop nombreux pays en développement, sans protection sociale, sans système de santé solidaire, sans éducation pour nos enfants et sans espoir de repos en fin de vie. Ce jour là, nos enfants auront fait un bond en arrière de plus de deux siècles. Ce jour là, il sera trop tard pour lever la tête du labeur et envisager un monde plus équitable. Ce jour là, il n'y aura plus personne pour défendre les droits sociaux qui profitent aujourd'hui à tous. Ce jour là, il sera trop tard pour parler de monde solidaire. Mais, aujourd'hui, il n'est pas trop tard : pour que ce jour là n'arrive jamais, chacun d'entre nous, par ses actions au jour le jour, par ses choix quotidiens, par ses engagements, par sa résistance à la corruption de ses idéaux, par la lutte pacifique, par le dialogue et par l'échange, chacun peut changer les choses. Refusons de nous laisser endormir par les médias officiels, faisons l'effort d'aller chercher l'information ailleurs, osons imaginer qu'un autre monde est possible, un autre système que celui qui consiste à exclure chaque jour de plus en plus d'hommes et de femmes, ouvrons les yeux sur nos voisins, proches et lointains, acceptons que les cultures puissent se nourrir les unes des autres sans pour autant perdre confiance en nos valeurs fondamentales basées sur les droits de l'Homme et l'amour de l'Autre. Frédéric Tolleret
PETZIBOY, 20 juin 2003
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