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Un monde parallèle

Des utopies pour imaginer un autre monde, nous en avons tous plein le chapeau. Pourtant, aujourd'hui, l'urgence est là : le monde qu'on nous donne à vivre n'est presque plus vivable. Alors je jette mes utopies à la poubelle, et je tente de trouver une issue de secours. Juste pour ne pas crever tout de suite.

Jeudi 24 juillet 2003, minuit 30. Chaleur étouffante. Quelques infimes gouttes de pluie ont enfin daigné tomber du ciel. Trop peu. La terre reste sèche. Et je me dis encore une fois : comment peuvent-ils continuer à nier l'évidence ? Comment peuvent-ils encore aller chercher dans l'activité solaire et les grands cycles climatiques des alibis à leur aveuglement.

Nous avons tué la Terre. Notre monde meurt à petit feu (à grand feu), sous nos yeux, et nous sommes une poignée d'hommes et de femmes à l'admettre.

J'allume l'ordinateur pour lire les news.
Nathalie Boitaud, les dents fracassées lors d'une charge de CRS à Rouen.
Fin de la rave bretonne. Une main arrachée, quelques minerves, des gardes à vue ...
Chirac Raffarin Sarko, les CRS, ont vraiment décidé de nous pourrir la vie. Retraite grignottée, intermittents jetés à la rue, Sécu foutue bientôt, et cette autre sécu, pas la Sociale, celle qui se donne tous les droits, droit de mettre ma ligne sur écoute, de lire nos mails, de s'infiltrer, de matraquer ... Quand le bâtiment va, tout va : construisons donc des prisons. Puisons dans le porte-monnaie des petits épargnants à livret A quelques milliards pour bâtir quelques cages à lapins...

Et dehors ? rien de mieux... Massacres pour les dernières tonnes de pétrole à sortir des entrailles de cette pauvre Terre épuisée. L'ONU avait bien dit non, mais l'OMC a gagné. L'OMC gagne toujours.

Je coupe. Assez pour ce soir.

Alors, cet autre monde, on s'y met quand ?

Faisons le pari d'un monde parallèle, habité par un peuple parallèle, gouverné par un gouvernement parallèle, enrichi par une économie parallèle. Prenons du temps pour cela. Organisons notre retraite... Je me retire de ce monde, j'en crée un autre, ici même. Changer tout, tout doucement, pour ne plus rien leur donner, pour ne plus rien leur devoir, comme ça, l'air de rien.

Ne plus leur donner de TVA, parce que je n'irai plus dans leurs supermarchés. Tout restera entre nous : entre mes voisins et moi... petit jardin ici, deux ruches là... bricoles et trouvailles pour ne pas passer par la case taxe.

Ne plus leur donner de TIPP, parce que, c'est promis, bientôt on va gagner. On est déjà presque au point, presque prêts pour rouler au tournesol, à l'eau ou à l'air. Et en attendant ? Pédalons, mes frères !

Ne plus leur donner d'impôts, parce qu'on travaillera moins, et qu'on gagnera moins... tant mieux. En attendant le jour où le travail ne sera plus rémunéré qu'en nourriture, en matière première ...

Ne plus rien leur devoir, ne plus devoir ma santé à la Sécu qu'ils s'apprêtent à massacrer sur l'autel du libéralisme. Réapprendre à comprendre ce que la Terre nous a donné, gratuitement, pour nous aider à vivre.

Ne plus attendre l'illusion de retraite qu'ils me préparent, ne plus compter sur leurs subventions, ne plus rien demander ni donner à leurs banques. Esclavagisme déguisé en charité. Contourner, trouver autre chose, autrement, dans la douce confiance de la famille, celle qui nous a vus naître, ou celle qu'on s'est choisie.

Ne plus obéir à leurs lois injustes.

Ne plus les écouter.

Les regarder vivre de loin, de moins en moins nombreux, de plus en plus inutiles, de plus en plus délaissés, accumulant leur pétrole et leurs dollars pour qui ? pour quoi ?

Un peuple immense de fourmis laborieuses prépare cet autre monde. Vous en êtes, puisque vous êtes ici, devant cet écran. Il ne manque plus que l'étincelle qui le fera sortir de terre. C'est pour bientôt.

Sarah, 24 juillet 2003