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La Puissance : un psychotrope contre productif ?
Le sentiment de puissance affecte-t-il les facultés de raisonnement ? La Puissance : un psychotrope contre productif Nous avons tous entendu le président Bush affirmer qu'il allait très vite instaurer la démocratie en Irak, poussé à cela par des idéologues du Pentagone fascinés par la puissance des armes dont ils disposent autant que par la puissance économique des USA. Une puissance qui repose sur une dette extérieure très importante mais qu'importe : les investisseurs affluent de partout pour alimenter la machine économique américaine en argent frais. La puissance US ne fascine pas que les américains, et les USA sont une bulle économique à eux seuls. Panique, quand elle se dégonflera ! Le président Bush avait une foi indéfectible en lui-même et en la puissance qu'il représente (ou plutôt les concentrés de puissance...). L'Irak a donc été envahi, la guerre a eu lieu, a été déclarée gagnée et terminée mais nous savons que la Pax Americana est loin de régner en Irak. De nombreux excellents connaisseurs de l'Irak ont mis en garde l'administration américaine sur sa capacité à insuffler de la démocratie dans un pays exsangue composé d'une mosaïque de tendances (que l'on voyait incapables de s'entendre, au sein de la dissidence expatriée) dont il ne fallait pas attendre rapidement une union capable de gouverner. Avant cette guerre la victoire des armes US était extrêmement probable, mais qui aurait misé un centime sur le retour rapide de l'Irak à la démocratie ? Si l'on suppose que le président Bush était sincère en annonçant cette démocratie pour bientôt (et la foi débordante qu'il affichait suscite qu'il l'était), si l'on accorde le même indice de sincérité aux Rumsfeld, Wolfowitz et autres Perle (mais avec des sincérités aux fondements éventuellement assez différents de celle de Bush) il faut alors constater qu'il ne suffit en rien de croire (en quelque-chose ou en soi) et de disposer de puissance pour que l'avenir devienne conforme à nos souhaits. En d'autres termes seule une analyse méticuleuse d'une situation donnée permettra d'agir avec un minimum de pertinence. Aujourd'hui le président Bush revient peu à peu vers une solution irakienne où l'ONU aurait un rôle, et souvenons-nous qu'il ne pouvait en être question encore récemment. En faut-il plus pour démontrer que l'analyse de l'administration américaine était erronée ? Quel phénomène a faussé le raisonnement d'un nombre assez important de personnes dont on supposera qu'elles disposent de capacité intellectuelles au moins moyennes, et dont on sait qu'elles profitent de services de renseignements et d'informations capables de leur fournir des analyses approfondies de tout ce qui se passe dans le monde ? Je n'en vois qu'un : cette foi dans la puissance et dans le fait que, détenant cette puissance, on détient aussi la substance du "bien". Car Bush, sans toutefois perdre de vue certains intérêts pétroliers, souhaitait probablement générer un certain "bien" au travers de cette guerre, un "bien" qui aurait en quelque sorte "sanctifié" cette puissance. Si l'on admet que le raisonnement de ceux des américains qui souhaitaient cette guerre en Irak, quels que soient les motifs de ce souhait (et pensaient en finir rapidement et confortablement avec cette question irakienne) a été faussé par l'idée que leur puissance leur permettrait de venir à bout de n'importe quelle difficulté, il faut considérer que l'idée que l'on se fait de sa propre puissance a un effet psychotrope : cette idée affecte le fonctionnement du cerveau. Ainsi le sentiment de puissance agirait comme une drogue, et aurait pour conséquence de dérégler légèrement (mais suffisamment pour provoquer des conséquences regrettables) nos facultés de raisonnement. Si le phénomène n'est pas strictement mécanique et ne se manifeste donc pas chez tous ceux qui ressentent une certaine puissance, il est statistiquement significatif : toutes les personnes qui appartiennent à l'administration Bush ne se sont peut-être pas laissées abuser par le sentiment de puissance et d'invincibilité, mais il faut constater que ce fut le cas de la grande majorité. Comme de nombreuses pathologies celle-ci se manifeste de façon plus ou moins intense et variée selon les individus. J'admettrai donc dans la suite de cet article que cette pathologie existe bel et bien et que l'idée de ce que l'on peut produire par l'exercice de sa propre puissance est indissociable de l'idée que l'on se fait du "bien". Et si l'on appliquait cela à l'OMC ? L'organisation Mondiale du Commerce est une instance supranationale qui s'inscrit nettement dans le cadre d'une confrontation avec les états : "Les règles de l'OMC sont prépondérantes sur les mesures des membres". "Les mesures des membres" sont les lois des membres de l'OMC : elles peuvent devenir caduques sous l'effet d'une règle de l'OMC. Cette instance supranationale est contrôlée, sans aucune représentation démocratique, de façon plus ou moins directe par les représentants des entreprises : leur puissance dépasse globalement celle des états ou est en passe de le faire. Au nom et par le moyen de cette puissance l'OMC veut pouvoir légiférer de tout avec pour seule base de référence les intérêts des entreprises, ce qui ne peut que s'inscrire à l'encontre d'autres intérêts : ceux des états et des citoyens car aucun lien systématique de cause à effet n'existe entre le bien être d'une entreprise, celui d'un état et celui de citoyens. Néanmoins les acteurs de l'OMC sont unanimes dans leur affirmation qu'ils agissent pour le "progrès" du monde. Le "bien" donc. Si, en vertu de leur puissance, les acteurs de l'OMC prétendent s'arroger le droit de décider de tout, c'est qu'ils considèrent que leur puissance est suffisante à contenir efficacement toute contestation. Nous retrouvons donc la même dynamique à l' ?uvre dans l'administration Bush : nous sommes tellement puissants que rien ne nous résistera. Soyons d'ores et déjà inquiets : il voudront effectivement contenir efficacement toute contestation ? Un jour la Déclaration des Droits des Entreprises sera-t-elle appelée à supplanter la Déclaration des Droits de l'Homme ? Valider le phénomène ... Il serait intéressant d'effectuer des recherches dans les résultats d'expériences sur les sciences cognitives afin de connaître l'état du savoir sur le sentiment de puissance. Assurément des études ont porté sur ce thème, mais je n'aurai pas le temps d'explorer le sujet. Et réagir ... Imaginons que ce phénomène existe bien et que le sentiment de puissance soit capable de fausser diagnostics et raisonnements. Nous avons vu avec la question Irakienne que des mises en garde, même appuyées, des obstacles (oppositions de plusieurs "grands" pays à l'intervention) ne suffisent pas à juguler la volonté d'un "puissant" d'agir à sa guise. Par prudence intellectuelle disons que dans certains cas mises en garde et obstacles n'ont aucun effet. Pour ce qui est de l'OMC nous pouvons constater que sa dynamique a été l'objet de nombreuses critiques et a été parfois entravée par des obstacles sévères (AMI par exemple). Nous pouvons donc considérer que l'OMC n'a pas tiré de leçon des critiques et des obstacles : quel médicament lui administrer alors afin de la ramener à un raisonnement plus sain ? Je ne vois à ce stade qu'un seul remède : réduire cette puissance pathogène, et pour ce faire réduire la puissance de chacun de ses membres. Nous le savons : une violente guerre économique bat son plein depuis longtemps. Elle se manifestait par des combats entre les entreprises, elle a franchi une étape avec le combat des entreprises contre les états. Cette nouveau combat n'est possible que parce-que la puissance de certaines entreprises, de certaines coalitions, dépasse celle des états. Il faudra parvenir un jour au constat qu'il est indispensable de limiter la puissance des entreprises et d'empêcher les coalitions trop vastes (quelle que soit leur nature et leur objectif) sous peine de perdre toute forme de démocratie. Mais aussi longtemps que les entreprises auront la force qu'on leur connaît aujourd'hui aucun état ne se mêlera de cela : c'est donc aux citoyens de conduire cette tâche. D'un point de vue pratique considérons que notre opérateur de téléphone sembla très bon un temps, mais que ce bon n'est plus depuis qu'on a regardé les comptes et l'endettement ... Notre grand opérateur de "contenus et contenants" a nagé en eaux troubles et lâche plus que du lest ... Du côté de l'électricité, internationalisation oblige, il n'y a pas d'étincelles vraiment éblouissantes ... Notre fabricant de trains se traîne ... Et ainsi de suite ... Mais tous ceux là n'étaient, à l'OMC, que dans la suite : en tête se trouvent les plus grandes entreprises américaines. Elles assurent l'essentiel de la puissance de l'OMC, elles ont généré le sentiment de puissance de Bush : elles pourraient ? elles devraient - être l'objet de notre attention. Le mal n'est pas unique, son axe est multiple ...
jcm, 7 septembre 2003
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