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La France est-elle encore une démocratie ?
Voilà une question qui doit en étonner plus d'un ! Et pourtant, lorsqu'on entend un ministre de l'Intérieur, en l'occurrence M. Sarkozy, prononcer devant un aréopage de policiers et de gendarmes une phrase comme celle qui va suivre, on ne peut que sentir le souffle nauséabond d'une dictature qui s'approche, d'un pouvoir absolu qui cherche à se mettre en place... Voici la phrase en question, prononcée mercredi 24 septembre 2003 au Zénith : "Allez partout ! (...) Interpellez ! ", " vous êtes partout chez vous ». Le premier ministre, au cours de la même soirée renchérissait : "Nous voulons faire de la sécurité une des caractéristiques majeures de la société française (...) Nous voulons proposer aux Français une République de sûreté, une République qui s'engage à lutter contre toutes les insécurités". Ce mot "proposer", est un fameux euphémisme ! Rien ne nous est proposé, tout nous est imposé que cela nous plaise ou non ! Mais diable, que ce discours a dû être délicieux aux oreilles de la France qui a peur ! C'est du "pur Georges Bush" accommodé à la sauce française. Il fait des émules cet homme. Et cela n'a rien de rassurant lorsqu'on voit ce qui se passe en Afghanistan, en Iraq, à Guantanamo et aux Etats-Unis mêmes. Monsieur Raffarin demande en outre aux forces de sécurité de "l'aider à remettre la République dans le bon sens". Bigre, que de sous-entendus ! Les chômeurs qu'on laissera "crever" dans leur coin, c'est le bon sens de la République ? Les gamins qu'on arrête et veut jeter en prison parce qu'ils ont eu le malheur de discuter dans leur cage d'escalier, c'est remettre la République dans le bon sens ? Fabriquer des retraités pauvres à la pelle, c'est remettre la République dans le bon sens ? etc... Il est vrai que pour ma part, je me réfère d'abord aux droits de l'homme. J'ai appris, à l'école de la République (mais était-elle dans le bon sens ?), que les droits de l'homme étaient l'une des plus belles conquêtes de la révolution. Il va falloir réviser l'histoire de France car, tous ceux qui se réfèrent à ces droits pour oser critiquer M. Sarkozy sont susceptibles de ce genre de remarques lancées par le ministre de l'Intérieur, l'autre soir :"Je n'ai pas l'intention que nous reculions d'un centimètre. Et si votre présence dérange certains, revenez plus souvent et plus nombreux !". L'allusion aux droits de l'homme, la voici lorsqu'il s'en est pris à : "ceux qui donnent à bon compte des leçons de droits de l'Homme". L'homme devient franchement inquiétant lorsqu'il se prend pour un PDG de grosse entreprise. En effet, il a annoncé devant gendarmes et policiers :"Nous fixerons des objectifs par service, on allouera les moyens nécessaires et ceux qui auront rempli ces objectifs auront des primes". Qui ne voit pas le danger que recouvre une telle décision ? Ce gouvernement aime les primes au mérite, car la justice va connaître le même genre de motivation. Il va être dur, à l'avenir pour tous ceux qui sont concernés par ces possibles primes, de ne pas être tentés d'en rajouter, ou pire... Ce pouvoir, avec une telle politique, est en train de nous fabriquer des "clones" des chasseurs de prime du western... Notez que c'est très intéressant pour les quotidiens qui, de plus en plus nombreux, sont abonnés aux rubriques des "chiens écrasés". On peut prédire qu'il y aura quelques cadavres imprévus, victimes de bavures inexplicables, tellement inexplicables d'ailleurs, que tout le monde fermera les yeux... De toute façon, les futurs "chasseurs" ne s'intéresseront guère qu'à la lie de la société, celle qui dérange, celle qui -honte à elle !- ne consomme même pas, cette France d'en bas, cette quantité négligeable, taillable et corvéable comme aux plus beaux temps du moyen-âge... Si je parlais, au début de cet article de dictature en pensant -si, si !- à la France, c'est que tous les ingrédients classiques se réunissent non pas peu à peu mais très vite. Il faudra d'ailleurs que les pouvoirs des anciens pays démocratiques érigent un peu partout des statues à la gloire de Ben Laden ; il a tout de même rendu un fier service à tous les amoureux d'un pouvoir fort, d'un pouvoir dictatorial. Bien peu de pays dit "démocratiques" ont résisté à cette facilité qui sous prétexte de lutte contre le terrorisme consiste à boucler leur peuple dans une sorte de prison à ciel ouvert. Et comble d'ironie ou de manipulation, une majorité au sein de ces peuples est ravie et en redemande ! Que voit-on en France ? La peur : Elle est diffusée, tant par les partis politiques qui ne cessent de parler de la délinquance ou des menaces terroristes ou encore de "l'invasion" du pays par les "hordes étrangères" et qui, de plus, "ne sentent même pas bon"... La peur est l'ingrédient nécessaire à l'établissement de toute dictature. Un peuple dont la majorité de ses citoyens ignore la peur n'est pas mûr pour se laisser dicter n'importe quoi et n'importe quelle loi comme depuis le début de cette législature funeste. La disparition de tout "sanctuaire : La police reçoit, officiellement, la permission et même l'encouragement, ce qui est plus grave encore, de se considérer partout chez elle. Pour le coup, nous revenons à l'époque des "gardes prétoriennes" romaines, mais aussi beaucoup plus près de nous, de toutes les milices monstrueuses qui ont sévi dans toutes les dictatures du vingtième siècle. L'utilisation du "secret défense" : Décret très pratique pour avoir les mains libres et faire ce que l'on veut sans avoir de compte à rendre à quiconque. Magnifique arme que, le "secret défense" ! Ainsi, depuis le mois d'août, la France peut être sillonnée dans n'importe quel sens, par des camions chargés de produits nucléaires sans que personne, parmi le peuple, n'en ait connaissance. Secret Défense ! Amusez-vous à annoncer l'un de ces voyages et vous aurez la "joie" de découvrir la conception de la démocratie du pouvoir actuel ! Vous découvrirez, sans coup férir, les charmes des prisons françaises... Les prisons : Cette volonté de construire des prisons, et plus encore de les remplir plus qu'à ras bord, est symptomatique de toutes les dictatures en devenir ou déjà établies. C'est comme un tic : il n'y a jamais assez de ces "résidences" cellulaires pour ces pouvoirs. C'est normal, d'ailleurs, puiqu'à mesure que les exactions du pouvoir augmentent les résistances augmentent, elles aussi... Du pain et des jeux : Autres éléments que l'on retrouve toujours en dictature et qui, bien sûr, sont bien établis dans notre société. Les empereurs romains l'avaient compris, nos apprentis dictateurs le poursuivent. Le pain, aujourd'hui, c'est l'esprit de consommation exacerbé, jusqu'à l'absurde et le criminel ; les jeux, bien sûr, c'est la télévision qui avec la fameuse "télé-réalité" va jusqu'à la caricature ! Mensonges, contradictions et corruption : Tout cela forme un autre point essentiel qui alimente les dictatures. Or, si pour les mensonges je vous laisse réfléchir (mais je ne me fais pas de soucis vous en trouverez à la pelle), les contradictions sont une façon quasi permanente de gouvernement du pouvoir actuel. Un langage pour les Français, un autre pour l'Europe ; un langage pour la France d'en bas et un autre pour celle d'en haut... Quant à la corruption, un rapport officiel extérieur à la France nous place parmi les premiers pour cette lèpre de l'esprit... Diviser pour régner : La création d'un état de haine entre différentes fractions de la population. Diviser pour régner, voilà un autre adage qu'aucune dictature, qu'elle soit en exercice ou aspire à l'être, n'oublie. J'y vois l'une des raisons pour lesquelles les "petits" sont de plus en plus écrasés et montrés du doigts... Tous ceci n'est pas bien gai, j'en conviens. Mais je préfère être considéré comme un oiseau de mauvaise augure, plutôt que de faire partie des endormis chroniques qui laissent s'installer les pouvoirs dictatoriaux. A tort ou à raison, je sens monter de grands dangers pour notre société. Et je me refuse d'être complice d'un tel malheur en me taisant... Article paru sur www.altermonde.levillage.org
Jean Dornac, 3 novembre 2003
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