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Changement climatique : une responsabilité historique d’Exxon Mobil |
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Jeudi 29 janvier 2004, Exxon Mobil a présenté ses résultats annuels et annoncé le versement de dividendes à ses actionnaires. L’association écologiste Friends of the Earth a choisi aussi ce jour pour présenter un rapport dont elle souhaite qu’il fasse date. En effet, c’est la première évaluation de la contribution historique du groupe pétrolier aux changements climatiques.
Selon ce rapport, le groupe Exxon Mobil (EM), depuis sa fondation par la création de la Standard Oil Trust en 1882, serait responsable de 4,7 à 5,3 % des émissions de dioxyde de carbone produites par l’ensemble des activités humaines sur ces 120 ans. Le géant pétrolier aurait donc émis au total 20,3 milliards de tonnes de CO2 ce qui équivaut à 13 fois le montant annuel total des émissions des Etats-Unis.
Les GES d’hier responsables du changement climatique aujourd’hui
La démarche de Friends of the Earth (FoE) s’appuie sur l’idée que les changements climatiques que nous observons aujourd’hui ne sont pas seulement le résultat de nos activités actuelles mais aussi celui des émissions de gaz à effet de serre (GES) passées. Une démarche qui, selon l’association, vise à mieux identifier les responsabilités morales et juridiques du réchauffement climatique et, au-delà des Etats, permet de définir aussi les responsabilités respectives des entreprises, de certains secteurs industriels ou d’activités spécifiques.
En faisant appel à deux expertises scientifiques indépendantes, l’association entend mettre à disposition du public des arguments qui pourraient s’avérer fort utiles dans la mise en place de recours contre les compagnies pétrolières. Richard Heede, consultant américain spécialiste des questions énergétiques et plutôt proche des écologistes, a procédé au recensement des émissions de CO2 du groupe à l’échelle mondiale tandis que Jim Salinger et Greg Bodeker, experts auprès du National Institute of Water and Atmospheric Research en Nouvelle-Zélande ont utilisé un modèle mathématique pour calculer la contribution des émissions de Co2 d’EM à la concentration de ce GES dans l’atmosphère.
Si FoE a précisément choisi EM c’est parce que le géant pétrolier a toujours cherché, selon eux, à déstabiliser l’avancée des connaissances scientifiques en la matière et à freiner les avancées internationales contre le réchauffement climatique, notamment par un lobbying appuyé contre les dispositions du protocoles de Kyoto.
Exxon Mobil seul contre tous ?
En juin 2002, lors de la 7ème Conférence Asiatique Annuelle sur le Pétrole et le Gaz en Malaisie, Lee Raymond, PDG de la firme pétrolière déclarait "nous ne croyons pas chez EM à un lien scientifiquement démontré entre la combustion des énergies fossiles et le réchauffement climatique - ce en quoi de nombreux scientifiques sont de notre avis." Et dans un récent communiqué d’EM on pouvait encore lire "les incertitudes scientifiques continuent de limiter notre capacité à déterminer objectivement et quantitativement l’impact des activités humaines sur les changements climatiques récents et le degré des conséquences sur les évolutions futures."
Pourtant le comité international d’experts indépendants mis en place par l’ONU, le GIEC (Groupe Intergouvernemental sur l’Evolution du Climat,), fait état d’un consensus sur le lien entre les émissions de gaz à effet de serre -CO2 notamment- et le réchauffement climatique. Paradoxalement, les sept années écoulées entre 1996 et 2003, figurent ainsi parmi les 10 années où EM a le plus rejeté de GES. Et FoE de conclure : "Elles n’ont jamais cessé d’augmenter, malgré les progrès du savoir scientifique sur le changement climatique et les efforts internationaux en vue de réduire ces émissions. En bonne logique, la firme devra à terme être tenue moralement et légalement responsable de ses actes."
Dans son rapport publié en mai 2003, force est de constater qu’ EM prévoit de continuer à financer la recherche de nouveaux gisements de pétrole, d’améliorer la réduction de ses propres émission de GES alors qu’à la différence de ses concurrents, elle reste muette à propos du développement des énergies renouvelables. Une position qui contraste avec celle de BP qui a pris une sérieuse avance sur l’énergie solaire avec sa filiale BP Solar, de Total qui pourrait s’imposer comme leader sur le secteur éolien et Shell qui, pour sa part, s’est positionné sur les deux secteurs.
Mettre en garde les compagnies pétrolières
Cette attitude d’EM commence à désespérer certains de ses actionnaires. Lors de l’assemblée générale de la compagnie en 2002, une résolution en faveur du développement des énergies renouvelables avait ainsi récolté 20,3 % des voix.
En publiant ce rapport, FoE souhaite inciter les actionnaires d’EM à prendre conscience des risques pris par l’entreprise et à agir en conséquence. Si EM est visé dans ce rapport, on peut supposer que l’ensemble des majors ont une responsabilité similaire dans la contribution historique des émissions de GES.
Tony Juniper, vice président de FoE International a ainsi affirmé que : "ce rapport doit provoquer quelques frissons dans les directoires des compagnies pétrolières du monde entier. Pour la première fois, les effets historiques d’une seule compagnie sur les changements climatiques ont pu être identifiés et ses impacts ont pu être mesurés. Nous espérons que ce travail nous rapproche du jour où les victimes des changements climatiques pourront enfin intenter des actions légales contre Exxon Mobil pour obtenir réparation des dommages que ses activités ont provoqué, et qu’elles provoqueront à l’avenir. Les actionnaires d’Exxon devraient mettre la compagnie en garde. La position qu’elle prend sur les changements climatiques l’expose à des actions légales. Les autres compagnies doivent elles aussi considérer les risques qu’elles prennent."
Et FoE de demander à EM de reconnaître publiquement que la combustion des énergies fossiles est bien la cause principale de la modification du climat, de cesser de financer les groupes qui s’efforcent de décourager toute action en faveur de la réduction des GES, de soutenir publiquement le protocole de Kyoto, de reconnaître, d’assumer et d’évaluer sa part de responsabilité, notamment juridique, face aux changements climatiques actuels et futurs.
Christophe Brunella
Novethic.fr
Mis en ligne le : 30/01/2004
Scientinelle
Création de l'article : 9 février 2004
Dernière mise à jour : 6 février 2004
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