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La "bataille de Solomiac" |
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Compte-rendu de la journée du 5 septembre dans "La Dépêche du Gers"
Dimanche 5 septembre, cinq cents miltants anti-OGM, venus d’une vingtaine de départements, ne sont pas parvenus à faucher les plants de maïs transgénique
Contre toute attente, les forces de l’ordre ont opposé une protection particulièrement musclée aux quelques cinq cents faucheurs volontaires venus d’une vingtaine de départements différents, hier, en début d’après-midi dans le Gers, procéder à l’arrachage d’une parcelle expérimentale de maïs transgénique à Solomiac. Un « comité d’accueil », composé de deux escadrons de gardes mobiles, soit deux cents hommes, auxquels s’ajoutent une trentaine de gendarmes de la compagnie d’Auch, un hélicoptère et une équipe cynophile en provenance de Pau, a attendu de pied ferme les manifestants. Ceux-ci sont arrivés en ordre dispersé, aux alentours de 16 h 30, après un premier rassemblement à Auch et après, surtout, avoir surmonté des barrages militaires qui ont essayé de les « perdre » par de multiples déviations installées sur le chemin entre le chef-lieu et le champ incriminé.
D’emblée, les militants, femmes en front, sont violemment repoussés à l’aide de grenades lacrymogènes et à coups de matraque, alors même que les premiers arrivés tentent de passer par-dessus les barrières de sécurité installées autour du champ. Immédiatement, onze militants sont arrêtés et conduits dans des véhicules de la gendarmerie. Parmi elles, trois personnes, dont José Bové, ancien porte-parole de la Confédération paysanne, qui menait les troupes depuis le début de l’après-midi, sont amenées à la brigade de Mauvezin pour y être entendues comme témoins. Bilan de l’opération, qui ne s’est achevée qu’en début de soirée, aux alentours de 20 heures : plus de soixante blessés, dont quatre auraient été hospitalisés.
Si, jusque-là, les forces de l’ordre s’étaient contentées de procéder à des relevés d’identité dans le bras de fer qui les a opposées aux anti-OGM tout au long de l’été, les consignes sont manifestement plus vigoureuses cette fois-ci. Trois charges au total ont été données par les factions en présence.
« Une réaction disproportionnée »
Après le premier assaut, les militants se réinstallent peu à peu le long des barrières. S’ensuit un face à face tendu avec les militaires. A tel point, qu’à deux reprises, sur des signes d’agitation dans le camp des anti-OGM, y compris en toute fin de soirée, les gardes mobiles procèdent à des tirs tendus de lacrymogène, qui blessent, en éclatant, plusieurs personnes. Par ailleurs, de nombreux témoignages concordent pour affirmer que des grenades ont été lancées directement de l’hélicoptère. Face à ce déploiement, le colonel Fontenaille, commandant du groupement de gendarmerie gersois, a fustigé : « Vous avez placé les femmes et les enfants en tête, c’est irresponsable. » « On voit bien de quel côté est la violence, c’est une réaction disproportionnée », a rétorqué Jean-Emile Sanchez, actuel porte-parole de la Confédération paysanne.
Dans le courant de l’après-midi, le préfet du Gers, Jean-Michel Fromion, qui a fait une très brève apparition sur le théâtre des opérations, a fait savoir qu’il proposait une entrevue avec une délégation de faucheurs à la préfecture, à condition qu’ils se dispersent. Proposition immédiatement repoussée par les responsables syndicaux présents, dont Jean-Emile Sanchez. Dès 19 heures, les premières personnes interpellées sont relâchées au compte-gouttes par les gendarmes, tandis que tous attendent la sortie de José Bové, entendu à la brigade de Mauvezin. Elle intervient aux alentours de 20 heures, devant plusieurs dizaines de manifestants.
Le paysan, leader syndical, qui en appelle à la désobéissance civile pacifiste, incite désormais les anti-OGM à retourner dans les deux champs d’expérimentations gersois (à Vic-Fezensac et Solomiac, - ndlr) avant la récolte d’ici un mois. Il assure par ailleurs que « le combat continue. »
Auparavant, à Auch, il a reçu le soutien de plusieurs élus, dont Philippe Martin, président du conseil général, Alain Liepietz, député européen vert, deux conseillers régionaux verts du Nord-Pas-de-Calais et d’Ile-de-France, ainsi que de l’ancien député européen LCR, Alain Krivine. Valérie Cueillens.
J.E. Sanchez : « Un déni de démocratie »
Tout au long de l’après-midi, puis en soirée, les réactions et commentaires se sont multipliés. Jean-Emile Sanchez, porte-parole national de la Confédération paysanne : « On assiste aujourd’hui à une réaction disproportionnée des forces de l’ordre. On voit surtout de quel côté est la violence et quel est le camp choisi par le gouvernement. Celui-ci est du côté des multinationales contre l’avis des citoyens. C’est un déni de démocratie, ce gouvernement n’est plus légitime . »
José Bové, responsable des questions de souveraineté alimentaire à Via Campesina : « Le gouvernement a voulu montrer dans quel camp il se situait en défendant avec la force et l’armée les multinationales. Les tirs tendus de lacrymogène qui sont illégaux, le chien policier mordant les gens : cette violence déployée face à des individus pacifiques agissant à visage découvert et sans arme est démesurée. L’État préfère être du côté des grandes firmes plutôt que d’écouter ses citoyens. Le gouvernement est dans une situation d’échec qui aboutit à un blocage en essayant de passer par la force. Je lui demande pourtant une énième fois d’organiser un référendum au niveau national. En attendant, ce qui s’est passé ce dimanche renforce bien sûr l’initiative du président du conseil général du Gers. » José Bové appelle par ailleurs le collectif anti-OGM du Gers à « finir le travail d’ici un mois, avant la récolte du maïs transgénique ». Il repousse enfin la proposition de Franz Fischler, commissaire européen à l’agriculture, qui veut fixer à 0,3 % le plafond minimum d’OGM autorisé dans les semences classiques. « Soit il y a des OGM, soit il n’y en a pas. Nous refusons toute contamination et disons non à ce 0,3 %. »
Philippe Martin, président PS du conseil général du Gers. « Je suis choqué par une violence jusqu’à présent inconnue dans le Gers s’agissant d’une manifestation pacifique. Ce déploiement de force me paraît disproportionné compte tenu du caractère de ce rassemblement et quel que soit le caractère illégal du fauchage. Si je n’étais pas présent ce dimanche à Solomiac, c’est que ma démarche n’est pas la même. Je ne veux pas m’associer à une initiative en marge de la loi. Ce qui s’est passé me renforce d’ailleurs dans mon combat en faveur d’une ouverture légale et démocratique. Il faut trouver une porte de sortie. »
Jean-Michel Fromion, préfet. « Malgré l’appel au calme, les sommations de dispersion et les rappels à la loi effectués à plusieurs reprises par l’autorité, les manifestants se sont précipités sur les forces de l’ordre avec détermination et violence. Ces violences ont amené les forces de l’ordre à procéder à des interpellations. »
Alain Lipietz, député européen Vert. « Je suis stupéfait par ce qui s’est passé. Cette chaîne de militaires pour partager les champs est totalement illégale au regard du droit européen, alors que déjà, il faudrait une protection garantissant la non-propagation des cultures transgéniques aux cultures classiques. Ici, l’exécutif empêche des citoyens de faire respecter la légalité européenne. »
Gilles Gesson
Création de l'article : 10 septembre 2004
Dernière mise à jour : 10 septembre 2004
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> La "bataille de Solomiac"
26 septembre 2004, par
La parcelle de Solomiac a-t-elle finalement été détruite après coup comme s’y étaient engagés, le soir même de la bataille, les militants locaux de la Conf. ? Il nous serait très agréable d’apprendre qu’elle l’a bien été ! Aura-t-on aussi le compte-rendu de la bataille de Poitiers, à laquelle je n’ai pu personnellement assister ? (pas celle de 732, mais celle du 24 septembre 2004 !)
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> La "bataille de Solomiac"
28 septembre 2004, par
Et non Les parcelles sont gardées 24/24 par des gardes mobiles. Personne ne peut s’approcher, ils ont consolidé les grillages. La tension monte entre le préfet et les maires.
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