Le droit de critique, de contestation, de l’expression est un droit fondamental de la « démocratie ». nul ne peut en être privé et la constitution le garanti... tout serait pour le mieux dans le meilleur des mondé démocratique.
La contestation est aujourd’hui une dimension de l’action politique parfaitement intégrée, digérée, acceptée par le système de démocratie marchande. On peut dire qu’elle est un élément et une garantie de son fonctionnement de sa régulation, de son existence.
La contestation peut prendre différentes formes, passant de la non violence à la violence... son utilité est hélas, généralement mesurée par l’impact médiatique qu’elle produit.
DE LA CONTESTATION-SPECTACLE
La contestation s’aliène aux médias. S’aliéner n’est pas une exagération car, même si, pour celles et ceux qui contestent, leur action a un sens politique et civique, le spectacle qu’ils donnent et qui se veut pédagogique et politique est réduit à l’état de spectacle par l’entreprise médiatique qui s’en empare et le traite comme bon lui semble, toujours en fonction de ses intérêt idéologiques et médiamétriques.
Si nous sommes maîtres du spectacle que l’on donne, nous ne sommes pas maître du spectacle que l’on transmet, autrement dit, de l’image qui est diffusée, or c’est cette dernière qui détermine la réaction de l’opinion publique à l’égard du message que l’on veut faire passer, qui donne une image politique du message. La contestation-spectacle, aussi élaborée soit-elle nous est irrémédiablement confisquée. Pour celles et ceux, les politiciens-es, pour qui le spectacle de leur image suffit, cette forme de contestation est suffisante... c’est ce qui explique que ces gens là accourent systématiquement dans tous les types de manifestations médiatisées,... de préférence devant les caméras de télévision et partent en même temps qu’elles. Ils sont les principaux bénéficiaires, de la politique-spectacle et peu leur importe... à la limite, le sens réel du message transmis. Leur existence politique est liée à la transmission de leur image, de leur apparence (voir l’article « Violence et changement social »)
Il y a un décalage total entre la réalité de la manifestation et ce que la collectivité en perçoit et cela nous l’avons parfaitement intégré dans notre manière d’organiser les choses... au point que dans de nombreux cas, ce que nous préparons, ce n’est plus une action politique, mais la « mise en scène » d’une action... au point même de choisir l’heure en fonction des journaux télévisés. Dans notre désir d’être « lisible » nous nous aliénons totalement à l’appareil médiatique.
Ce décalage est peu à peu devenu une coupure au point que la réalité et la nécessité du spectacle a transformé, a changé, la nature de la manifestation. A la limite on crée l’évènement pour en faire une manifestation que l’on met en scène. Pour se rendre compte de ce processus il suffit de raisonner comme s’il n’y avait pas de médias : « Que ferions nous s’il n’y avait pas transmission de l’évènement ? »... Il est probable que nous agirions différemment.
Par exemple, la systématisation des manifestations, leur caractère répétitif dans certains cas donne l’illusion de la mobilisation, de l’action de masse, de l’efficacité... mais ce n’est qu’une illusion entretenue par le spectacle, créé par nous, de la manifestation. L’ampleur du caractère visuel, amplifié par les médias, prend le pas sur le caractère essentiel de ce qui la motive et nous fait abandonner toute autre action... moins médiatique... Et l’on s’étonne que l’on échoue quant à l’essentiel ?
Le spectacle médiatique a une valeur en soi, étrangère à l’évènement relaté. Or c’est à cette valeur que nous répondons, abandonnant par là même l’essence même de l’évènement.
En fait, le poids social et politique du spectacle médiatique nous conduit à dénaturer l’évènement, notre participation à l’évènement, la manière de nous y comporter et finalement l’authenticité et l’efficacité de celui-ci.
La manipulation des médias n’est pas unipolaire, nous en sommes aussi les acteurs consentants.
DE L’ABANDON DE LA PRAXIS
Il n’est pas question évidemment de nier l’existence des médias, mais sachons qu’en tout état de cause ils ne sont que des éléments marginaux de l’Histoire. L’Histoire s’est déroulé jusqu’à aujourd’hui sans leur intervention.
En aucun cas nous ne devons considérer les médias comme le cœur, et à fortiori le cerveau de l’action. On peut agir avec eux, voire parfois contre eux, mais jamais pour eux. Ce ne sont pas les médias qui font l’histoire sociale des être humains, ils n’en sont qu’un constituant temporel.
La démocratie marchande nous a totalement piégé dans la manière de concevoir la contestation qui peut, et doit, lui être faite. Déterminant une bonne fois pour toute, et dirais je, sans contestation possible, que le système est démocratique, la contestation ne peut-être en fait que de la « remarque » ou aimable observation. C’est en fait faire fi du caractère instrumentalisant du système qui réduit l’individu à un simple objet qui doit se plier à son objectif principal : valoriser le capital.
Le caractère envahissant et le pouvoir amplificateur des moyens de communication et d’information modernes ont fait croire, à tort, que l’expression même de la contestation avait une portée pratique et historique....Ne parle-t-on pas de « 4e pouvoir » à propos des médias ? ( ?)... ce qui nous a entraîné à la plus funeste des décisions, l’abandon de la pratique, ou plus exactement de la praxis.(voir aussi les articles « Décadence » et « Transition »)
Le discours politique incantatoire, la dénonciation véhémente, la pétition circulante, l’affiche et autres pratiques politico-militantes, autrement dit les formes modernes reconnues, acceptées, légalisées voire institutionnalisées de la contestation ont remplacé l’essentiel de ce qui fait l’Histoire : la pratique concrète et consciente de la mise en place de nouveaux rapports sociaux, la praxis.
La contestation officielle nous fait faire l’économie de l’Histoire, ne nous permet plus d’être des « sujets » de notre histoire, mais des metteurs en scène de notre « mal vivre », le système marchand nous fournissant les décors et nous permettant d’écrire le scénario. Le théâtre de la société fonctionne, nous en sommes à la fois les acteurs et les spectateurs complaisants... nous collons même les affiches qui ne sont que le reflet de nos propres illusions et de nos capitulations futures.
La critique des médias devrait commencer par la critique de ce que nous sommes devenus en tant qu’acteurs sociaux, en tant que citoyens ou plutôt de « non-citoyens ».
La pratique de notre contestation se moule parfaitement dans les espaces aménagés par le système pour assurer sa pérennité. A petites mobilisations, petites victoires, à grandes mobilisations, élections...Rien dans ce que nous faisons socialement et collectivement (peut-être individuellement pour certains) n’expriment la volonté concrète d’un changement. Nous nous complaisons dans la plainte et dans la mortification de l’échec. Notre contestation met en scène le spectacle de notre propre capitulation.
L’avenir ne nous est pas acquis. La conscience que nous avons de l’Histoire, contrairement à nos ancêtres, nous a privé, paradoxalement, du pouvoir de « faire l’Histoire ». Cette conscience s’est commuée en un discours stérile en ce sens qu’il nous exempte de toute pratique sociale. Nous avons adhéré au discours mensonger du caractère indépassable du système marchand. Nos ancêtres auraient eu la même démarche il n’y aurait pas eu d’Histoire.
Patrick Mignard
Patrick MIGNARD
Création de l'article : 7 octobre 2004
Dernière mise à jour : 30 septembre 2004
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