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Le travail en question (4) |
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Quel avenir pour le travail ?
C’est par le travail que l’homme acquière les biens et les services nécessaires à sa vie. En ce sens l’« activité humaine » est essentielle pour la vie humaine.
Pourquoi dire « activité » et pas « travail » ? Parce que le terme « travail » renvoie à autre chose que la simple « activité de production » ... il y a dans le terme « travail » une dimension d’organisation sociale de l’activité productrice. Le terme « travail » n’est pas neutre socialement.
Pour toutes les espèces animales, la recherche de la subsistance se fait de manière instinctive, il n’y a pas une « conscience politique » de l’acte, de même qu’il y a simple prélèvement de la ressource. Pour l’espèce humaine, la même activité se fait dans un cadre social... l’individu a conscience de sa fonction, de sa place et de son rapport avec les autres dans l’acte de production et de la répartition de la richesse produite. De plus cet acte est complexe : il transforme la ressource directe pour en faire un « produit fini » ... il y a production.
L’ESSENCE SOCIALE DU TRAVAIL
Produire, distribuer les richesses produites,... dit plus simplement « gagner sa vie » n’est pas un acte simplement matériel, il se fait dans un cadre social. La place de chacun n’est pas affectée de manière « naturelle » mais est le résultat d’une organisation sociale fondée sur des principes, des valeurs, des rapports de forces et des décisions, ces dernières n’étant jamais définitives... d’où l’Histoire qui est une succession de structures sociales de la production et de la répartition des richesses produites.
Le travail n’est donc pas une activité « naturelle », mais sociale.
L’acte de production ne se limite pas à la seule cueillette, c’est-à-dire au simple prélèvement sur la nature. Produire se fait en utilisant des outils ce qui accroît l’efficacité de la production. (accroissement de la productivité). Or, comme l’acte de production est un acte social, l’accroissement de la productivité a des implications sociales sur l’organisation de la collectivité... comme par exemple une division du travail , c’est-à-dire une répartition des tâches. La division du travail n’est pas une simple question technique, elle situe chacun-e dans le groupe, posant par la même des problèmes de responsabilité, de décisions, d’objectifs, d’échanges,...
Dans le cas du salariat le principe de fonctionnement est précis : le travail est, comme dans tous les autres systèmes, l’élément essentiel de la production, c’est lui qui crée, mais ce qui en fait sa spécificité, c’est le statut social de celle ou celui qui travaille. Quand son employeur le paye ce n’est ni lui, ni son travail qu’il achète, mais sa capacité de travail -voir « Le travail en question (3) ». Et l’employeur procède à cet achat quand il en a besoin... en fonction d’un calcul économique dans son entreprise. Conséquence d’une telle situation : le fait d’avoir un emploi ou non dépend essentiellement du besoin de l’entreprise. - voir « Le travail en question (1) ». Or, le salarié peut espérer disposer d’une partie des richesses produites s’il a un revenu, un salaire... ce qui, nous venons de le voir, n’est pas un acquis, ni même un droit. Ceci constitue une contradiction du travail salarié qui n’a pas de conséquences sociales importantes tant qu’il y a du travail, c’est-à-dire tant que l’appareil de production en a besoin.
LES LIMITES DU TRAVAIL SALARIE
Le développement de l’outillage, des machines a permis, et permet, de produire en économisant du temps de travail... on aurait pu imaginer que le temps de travail aurait du se réduire en permanence tout en fournissant des emplois à toutes et tous et en limitant la production à une gestion rationnelle et humaine des ressources en vue de satisfaire les besoins. Or ce n’est pas cela qui s’est produit : la réduction du temps de travail a du être conquise de haute lutte et le travail a été, et est, partagé de manière totalement inégalitaire (certains travaillent trop alors que d’autres cherchent un emploi). Cette situation montre, s’il en était besoin, que l’acte de travail est non seulement aliénant, mais de plus, a tendance à créer de moins en moins de lien social, de cohésion sociale... ceci venant du fait que l’activité productrice est soumise aux lois du marché qui privilégie le profit au détriment de l’individu social. Sans parler de la consommation qui n’est plus qu’un instrument de la croissance (voir La croissance ? Quelle croissance ?).
Le développement du système marchand est tel que le statut même du travail, en tant qu’élément d’intégration sociale, est remis en question.
Que vont devenir les millions de personnes qui n’ont plus d’emploi et qui n’en auront plus ? A cette question simple mais fondamentale, le système n’a aucune réponse et ne peut pas en avoir. Le principe de son fonctionnement, le travail salarié, est devenu obsolète et inopérant pour créer ce qui est essentiel dans une collectivité, du lien social. Pour endiguer cet effondrement, les gestionnaires du système marchand bricolent des « politiques d’aides », « politiques d’intégration » et autres inventions superficielles qui agissent essentiellement sur les effets, jamais sur les causes.
La réduction de la quantité de travail qui devrait être vécue socialement comme une libération des contraintes est en fait vécue comme une exclusion. Cette réduction massive de la quantité de travail est gérée de la pire des manière qui soit : les gestionnaires du système font la charité aux « privés d’emploi ». Ainsi ce qui pourrait apparaître comme une libération est considérée par le système marchand comme une véritable privation et est vécue comme une humiliation.
ABOLITION DU SALARIAT ?
Projet qui figurait dans les statuts de la CGT à ses origines et prudemment retiré à la suite des évènements de mai 68, l’ « abolition du salariat » redevient d’actualité. Il ne s’agit pas bien évidemment d’arrêter toute activité productrice, mais de repenser cette activité dans un rapport social différent. Par exemple ne plus faire dépendre l’activité productrice de contraintes liées au marché et à la réalisation du profit
Utopie diront certains. Peut-être, mais pas plus utopique que de vouloir à certaines époques abolir l’esclavage ou le servage... qui ont été effectivement abolis, du moins en tant que rapport social dominant.
Il est regrettable que ce projet donne à fantasmer sur une hypothétique et floue « abolition du travail » ou « fin du travail ». il s’agit de remettre les choses à leur juste place. L’ « abolition du travail » ne peut-être que l’ « abolition du salariat » c’est-à-dire du rapport social qui structure aujourd’hui l’activité productrice. Le salaire n’est pas uniquement une somme d’argent, il est aussi l’expression d’une conception de l’être humain dans son rapport à l’autre, à la nature, à la satisfaction de ses besoins et... finalement à lui-même. C’est cette conception qu’il s’agit de changer.
Le projet n’est pas nouveau. Dès le 19e siècle le mouvement des coopératives a tenté de définir une nouvelle éthique de fonctionnement économique et social, mouvement qui est resté marginal et qui a parfois dégénéré. Les grandes luttes sociales du 20e siècle ont renouvelé les tentatives avec des succès mitigés mais jamais définitifs. Aujourd’hui il apparaît que la démarche n’est plus simplement idéologique, mais que les conditions concrètes de la dégénérescence du système marchand reposent concrètement la question. L’apparition marginale, timide, maladroite, mais oh combien révélatrice de pratiques alternatives signifient une perte de confiance, un début de faillite, un début de tentative de dépassement des rapports marchands. Début, parce qu’ils sont toujours dominants et déterminants, mais il est clair aujourd’hui qu’ils sont obsolètes au regard des exigences écologiques, du degrés de développement de la technique et du respect élémentaire de l’être humain. (voir « Décadence » et « Transition »)
L’abolition du salariat n’est plus une utopie, c’est probablement une nécessité historique. S’en convaincre est difficile car nous avons toutes et tous étaient éduqué-e-s dans un rapport au travail qu’il est difficile d’imaginer autrement. L’Histoire nous montre pourtant que les situations les plus stables, les plus évidentes sont en fait très relatives et ne peuvent survivre aux contradictions qu’elles génèrent. Aujourd’hui le système marchand arrive au bout des siennes.
Patrick MIGNARD
Patrick MIGNARD
Création de l'article : 16 novembre 2004
Dernière mise à jour : 9 octobre 2004
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> Le travail en question (4)
11 février 2005, par
vouloir abolir le travail (salarié) n’est pas une utopie c’est une fadaise.L’activité humaine désignée sous le nom de travail n’est pas directement ce qui permet d’acquérir - les biens et services necessaires à la vie - celà, l’animal qui part en quête de sa proie et des matériaux lui permettant de façonner son terrier, l’animal le fait très bien ; mais il ne travaille pas.Le travail c’est ce qui permet d’offrir à autrui des biens et services réputés necessaires à sa vie, dans le but sans doute de pouvoir à son tour acquérir ceux qui me sont nécessaires à moi.Le travail implique l’échange .Bien sûr l’échange ne repose pas que sur le travail (si je fabrique un hochet pour que mon bébé joue avec, c’est un échange, mais je ne considèrerai pas celà comme un travail. Abolir le travail et donc effectivement le capital (qui est du travail accumulé) c’est juste exprimer le désir archaique de repartir de zéro, de recréer un capitalisme embryonnaire à base de soi-disants producteurs "libres", "cooptés ", avec "affinités", "autogérés" etc.. bref de futurs parfaits capitalistes ! La révolution, c’est bien ce qui consiste à revenir à son point de départ !
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