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Courts textes qui disent NON à la constitution européenne |
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Extraits de mes contributions au forum du site gouvernemental dédié à la constitution européenne, voici quelques textes... dont la principale qualité est qu’ils sont courts.
Liberté Egalité Concurrence
Dans le texte du traité constitutionnel et de ses addentums, voici un comptage de mots :
concurrence : 33 fois
solidarité : 9 fois (dans l’acception solidarité entre individus ou entre peuples)
fraternité : 0 (zéro) fois.
Il n’est pas besoin d’être linguiste pour comprendre... que cette Europe qu’on nous impose, c’est la liquidation des valeurs humanistes de solidarité et de fraternité ... C’est la sanctification de l’égoïsme, de l’individualisme exacerbé, de la lutte permanente de tous contre tous...
Devra-t-on changer la device des frontons des édifices publics... pardon, d’intérêt général ?
Pour un Liberté Égalité Concurrence ?
ou un Concurrence libre et égale ?
ou directement Concurrence libre et non faussée ?
Autre comptage
Autre comptage de mots en prenant en compte le texte principal et les addentums 1 et 2, respectivement :
concurrence : 26 + 5 + 2 = 33 (à l’exclusion de l’expression idiomatique "à concurrence de").
solidarité : 13 + 3 + 3 = 19 (dans l’acception solidarité des Etats membres contre quelque chose)
solidarité : 7 + 0 + 2 = 9 (dans l’acception valeur de solidarité)
fraternité : 0 + 0 + 0 = 0 (zéro), enculé : 0 + 0 + 0 = 0 (ainsi que tous les autres mots grossiers)
La constitution européenne est un déni de démocratie
La constitution européenne sacralise l’hégémonie du marché. L’article III-131 confine à la caricature : Les États membres se consultent en vue de prendre en commun les dispositions nécessaires pour éviter que le fonctionnement du marché intérieur ne soit affecté par les mesures qu’un État membre peut être appelé à prendre en cas de troubles intérieurs graves affectant l’ordre public, en cas de guerre ou de tension internationale grave constituant une menace de guerre, ou pour faire face aux engagements contractés par lui en vue du maintien de la paix et de la sécurité internationale. Même en cas de guerre, la constitution protège le marché...
Article après article, la constitution européenne organise la suprématie du pouvoir économique sur le pouvoir politique. Article après article, le parlement européen et les représentations nationales sont privés de leurs anciennes prérogatives au profit d’organisme "indépendants" ne rendant de comptes à personne ou presque comme la Commission ou la Banque Centrale Européenne...
Lorsque ce sont les représentations politiques qui ont le pouvoir et qu’on est en démocratie, c’est un citoyen, une voix. Lorsque ce sont les institutions économiques qui ont le pouvoir, c’est un euro, une voix... Ce n’est plus la démocratie effective...
Constitution, le ba ba par l’exemple
Dans le but de comprendre ce qu’est une Constitution, je me permets de signaler le site www.legisnet.com où toutes les Constitutions françaises sont en ligne. Ainsi, vous verrez que la Constitution actuelle, celle de 1958 occupe 21 pages, est écrite dans un Français impeccable dans le style, la pertinence et la précision. Tout y est clair et compréhensible pour un citoyen normalement éduqué, c’est la démocratie.
On peut comparer avec les 341 pages (852 avec les annexes du projet de constitution européenne, où le style y est moins clair, moins limpide, sans doute traduit de l’Anglais, où les renvois en avant et en arrière sont fréquents. Ce texte est beaucoup moins accessible au citoyen moyen, il y a des articles qui laissent des latitudes d’interprétation pour de futures batailles d’avocats, c’est un texte pour les élites juridiques. Ainsi, le texte lui-même, dans sa forme sans parler de son contenu, c’est un premier déni de démocratie.
une constitution incompréhensible est forcément mauvaise
Il me paraît quant à moi tout à fait sain de voter NON à un texte que l’on ne comprend pas... surtout quand on a quand même compris que ce texte serait irréversible... Ca s’appelle principe de précaution...
Le rejet d’un texte qu’on ne comprend pas n’est pas un "simple réflexe" "irresponsable"... c’est une attitude citoyenne cohérente et responsable...
Une constitution DOIT être comprise par tout citoyen normalement éduqué, directement, sans la médiation de juristes... Relisez la Constitution de 1958 et ses précédentes, vous comprendrez ce que je veux dire...
Un marché, une constitution, un peuple
Le vrai nom de la chose est Traité établissant une Constitution pour l’Europe. Une Constitution n’a de sens que pour un peuple qui a une communauté de destin, que ce soit dans un état centralisé comme la France ou dans des états fédérés comme les Etats-Unis. Entre des pays aux structures politiques différentes comme la France, l’Allemagne et les 23 autres, ce sont des traités internationaux qui les lient. Ces traités ont une autorité supérieure à celles des lois nationales (article 55 de notre Constitution). C’est donc bien un traité international qui va être soumis à l’approbation populaire. Mais il établit une Constitution pour l’Europe, ce qui est une première, une originalité.
La construction européenne a toujours procédé de la charrue qui tire les boeufs. Les pères fondateurs ont créé une union économique, uniquement économique, un marché commun, en supposant que l’Europe politique suivrait... Maintenant, leurs successeurs imaginent qu’en se dotant d’une constitution, on arrivera bien à faire un peuple... un jour... peut-être.
Comme pour Maastrich
Comme pour Maastrich, les medias vont prendre majoritairement parti pour le OUI et gratuitement. C’est là où le déséquilibre entre les expressions sera abyssal. Joffrin, partisan du OUI va débattre avec Tesson, partisan du OUI, July, partisan du OUI avec un autre partisan du OUI, etc. Le but est de faire passer l’idée que le OUI est une évidence... Pour comprendre comment ça s’est passé pour Maastrich, je conseille la lecture du petit livre de Serge Halimi, Les nouveaux chiens de garde aux éditions Raison d’Agir.
la constitution de l’URSS aussi
Je crois que c’est la seconde fois qu’une politique et une économie sont figées dans une constitution. La première fois, c’était dans la constitution de l’URSS.
Vous avez gagné le progrès social, votez vite...
Vous que l’article I-3 comble d’aise... Quand vous recevez une lettre dont l’enveloppe annonce en gros : "Vous avez gagné un chèque de 10 000 euros, ouvrez vite...", vous devez être fou de joie... Puis vous ouvrez, vous lisez le réglement, les clauses qu’il faut remplir pour prétendre au gain... et vous comprenez que ce n’est pas si merveilleux que ça...
Avec le texte du traité constitutionnel, c’est tout pareil. L’article d’appel, le I-3, est bien. (notez quand même que toutes nos constitutions françaises ont bien mieux, par exemple, on n’y mégote pas sur "tendre au plein-emploi", on y affirme que le travail est un droit, etc.). Donc le I-3 n’est pas trop mal... Mais quasiment toute la partie III qui fige la politique dans un libéralisme effréné, s’emploie à réduire à rien la croissance équilibrée, la protection sociale, l’environnement, etc. Parce que cette partie III garantit partout la primauté de la concurrence sur tout mécanisme de solidarité. Cet article I-3, c’est du gratuit, c’est offert avec le reste, ça sert à vendre rapidos les 341 pages. Mais il faut tout lire...
La constitution européenne est une arme contre le droit du travail
Au tout début de sa construction, en 1951, l’Europe se préoccupait des équilibres sociaux. Voici, tiré du Traité instituant la Communauté Européenne du Charbon et de l’Acier (CECA) un extrait de l’article 68 sur les salaires et mouvements de main d’oeuvre : (...) Lorsque la Commission reconnaît que des prix anormalement bas pratiqués dans une ou plusieurs entreprises résultent de salaires fixés par ces entreprises à un niveau anormalement bas eu égard au niveau des salaires pratiqués dans la même région, elle adresse à celle-ci, après avis du Comité consultatif, les recommandations nécessaires. Si les salaires anormalement bas résultent de décisions gouvernementales, la Commission entre en consultation avec le gouvernement intéressé, auquel, à défaut d’accord, elle peut, après avis du Comité consultatif, adresser une recommandation. Lorsque la Commission reconnaît qu’une baisse des salaires, tout à la fois, entraîne une baisse du niveau de vie de la main-d’oeuvre et est employée comme moyen d’ajustement économique permanent des entreprises ou de concurrence entre les entreprises, elle adresse à l’entreprise ou au gouvernement intéressé, après avis du Comité consultatif, une recommandation en vue d’assurer, à la charge des entreprises, des avantages à la main-d’oeuvre compensant cette baisse. (...) Les pères fondateurs avaient prévu le dumping social et s’en prémunissaient au nom de la défense de la concurrence mais aussi au nom de la défense des salariés.
Les auteurs de la constitution européenne ont aussi prévu le dumping fiscal et social. Mais pour l’encourager, l’organiser et le constitutionnaliser. Ainsi, l’article III-210 qui explique dans un style particulièrement abscons comment sera mis en oeuvre la politique sociale décrite au III-209, stipule explicitement : (...) la loi ou loi-cadre européenne peut établir des mesures destinées à encourager la coopération entre États membres par des initiatives visant à améliorer les connaissances, à développer les échanges d’informations et de meilleures pratiques, à promouvoir des approches novatrices et à évaluer les expériences, à l’exclusion de toute harmonisation des dispositions législatives et réglementaires des États membres (...) . La phrase "à l’exclusion de toute harmonisation des dispositions législatives et réglementaires des États membres" revient 12 fois dans le texte de la constitution, comme un refrain...
C’est ainsi qu’on constitutionnalise le dumping fiscal et social. Associé à l’entrée de 10 nouveaux pays bien moins développés que les 15 anciens, sans augmentation des fonds structurels qui auraient permis une harmonisation "par le haut", on laisse le marché et sa concurrence libre et non faussée harmoniser le monde du travail "par le bas". Le droit du travail tel que nous le connaissons en France ne devrait pas résister à cette machine de guerre. Les conséquences seront les délocalisations, les chantages à la délocalisation, le chômage massif, la précarité, la fin du Droit du travail, le travail contractualisé, c’est à dire réduit à une simple marchandise...
Le dumping fiscal pérennisé (III-171)
L’article III-171 est un bon verrou pour pérenniser le dumping fiscal : Une loi ou loi-cadre européenne du Conseil établit les mesures concernant l’harmonisation des législations relatives aux taxes sur le chiffre d’affaires, aux droits d’accises et autres impôts indirects, pour autant que cette harmonisation soit nécessaire pour assurer l’établissement ou le fonctionnement du marché intérieur et éviter les distorsions de concurrence. Le Conseil statue à l’unanimité, après consultation du Parlement européen et du Comité économique et social.
Quand on sait que dans l’unanimité, il y a 3 paradis fiscaux et l’Angleterre, bonne chance...
L’industrie libérée des intérêts et droits des salariés (III-279)
L’article III-279 explique dans la section Industrie du chapitre consacré aux domaines où l’Union peut décider de mener une action d’appui, de coordination ou de complément, ce qu’il faut faire pour l’industrie... Bien évidemment le credo est ultralibéral...
Mais ce qui est drôle, ce sont les limitations explicites, pour ceux qui n’auraient pas tout bien compris, (ceux qui promettent un recentrage social après l’adoption du texte, peut-être...) 1. L’Union et les États membres veillent à ce que les conditions nécessaires à la compétitivité de l’industrie de l’Union soient assurées. À cette fin, conformément à un système de marchés ouverts et concurrentiels, leur action vise à : a) accélérer l’adaptation de l’industrie aux changements structurels ; b) encourager un environnement favorable à l’initiative et au développement des entreprises de l’ensemble de l’Union, notamment des petites et moyennes entreprises ;c) encourager un environnement favorable à la coopération entre entreprises ; d) favoriser une meilleure exploitation du potentiel industriel des politiques d’innovation, de recherche et de développement technologique. 2. Les États membres se consultent mutuellement, (...) 3. L’Union contribue à la réalisation des objectifs visés au paragraphe 1 (...) La présente section ne constitue pas une base pour l’introduction, par l’Union, de quelque mesure que ce soit pouvant entraîner des distorsions de concurrence ou comportant des disposition fiscales ou relatives aux droits et intérêts des salariés.
Bolkestein et constitution, même combat
La directive Bolkestein et la constitution européenne font partie du même dispositif de démolition sociale. La constitution transformerait la directive Bolkestein en loi européenne et lui assurerait une pérennité à l’abri des aléas des consultations électorales. Dans le texte de la constitution, il n’y a pas moins de 12 fois le refrain : à l’exclusion de toute harmonisation des dispositions législatives et réglementaires des États membres. Or, la seule façon de revenir sur la directive Bolkestein qui est une dérégulation totale du travail dans les services, ce serait une harmonisation entre Etats membres...
Deux mots sur cette directive Bolkestein. C’est l’AGCS (accord général sur le commerce des services) de l’OMC, en pire. Un des buts du projet néolibéral, c’est de casser le Droit du travail. Dans le système complexe de l’économie, production, consommation, commerce international, circulation des marchandises et des capitaux, travail, protection sociale, chômage, gains de productivité, interventions d’Etats, inflation, etc., le paradigme des 30 glorieuses c’était, en gros : la croissance par la consommation, le progrès social, et l’ajustement par l’intervention de l’Etat, les droits de douane, impôts, redistribution sociale et inflation. Les néolibéraux ont imposé cet autre paradigme : maximisation des profits, inflation nulle, libre échangisme, moins d’Etat, moins d’impôt et ajustement par le travail (chômage, salaires et protections). L’élargissement de l’Union à 25 en accueillant des plus pauvres sans les fonds structurels qui auraient permis la même harmonisation qu’avec la Grèce, l’Espagne et le Portugal en leurs temps, provoque et provoquera les délocalisations d’entreprises de production à la recherche de fiscalités et de droits du travail réduits.
Les néolibéraux osent tout (c’est d’ailleurs à cela qu’on les reconnaît aurait ajouté Audiard). Comment délocaliser les services qui ne sont pas délocalisables, comme la restauration, les transports, le bâtiment, etc. ? Simple, il suffit de délocaliser le droit du travail. D’où la directive Bolkestein...
Bolkenstein... la peur est dans la graphie du nom
La vraie orthographe du nom de l’ex-commissaire européen est Bolkestein. Que beaucoup l’appellent Bolkeinstein ou Bolkenstein me semble symptomatique de la crainte inconsciente que cette Europe qui se construit dans le laboratoire idéologique des ultralibéraux, des "spin-doctors", génére des monstres... frankensteiniens...
A propos de la partie III
Un argument des ouïstes est qu’on est déjà gouverné par les articles de la partie III... C’est vrai que la partie III reprend les articles des traités précédents, Rome, Acte unique, Maastrich, Amsterdam et Nice. Ces traités ont été négociés dans l’opacité de l’intergouvernementalité, en dehors des peuples et de leur représentations parlementaires. Certes, Maastrich a été approuvé par référendum...
Mais ce n’est pas parce qu’on est déjà gouverné par les articles de la partie III qu’on est obligé de dire qu’on est content en votant OUI ! Au contraire, c’est la dernière occasion, la dernière occasion si cette constitution est approuvée, où nous, peuples d’Europe, on nous demandera notre avis.
Il y a quand même une différence importante entre la situation actuelle définie par le traité de Nice et la situation future résultant d’une éventuelle approbation de la constitution européenne, c’est que le traité de Nice n’est qu’un traité international, il n’a pas été approuvé par les peuples d’Europe et n’a pas la solennité d’une constitution. Pour le moment, les politiques libérales de la partie III ne sont pas encore constitutionnalisées.
Pour un NON fondateur
Que signifierait un NON au projet de traité constitutionnel, un NON de gauche, un NON pour une autre Europe ?
D’abord, il n’y aurait pas de crise institutionnelle, tout continuerait comme aujourd’hui, avec le traité de Nice. D’ailleurs la nouvelle constitution n’est applicable qu’à partir de 2009, c’est dire qu’il n’y a pas urgence...
Par contre, il y aurait une crise politique, une crise salutaire, une crise fondatrice. L’occasion d’interroger les peuples d’Europe sur quelle Europe ils veulent. L’occasion d’établir une vraie constitution par une vraie assemblée constituante, de préférer la démocratie à l’opacité du lobbying, de décider si on veut vraiment une Europe de la concurrence libre et non faussée ou alors une Europe de la solidarité, de la fraternité.
Oui, ce NON-là serait fondateur.
la recette du pâté d’alouette
La cuisine que les néolibéraux servent aux citoyens lors des consultations électorales utilise la recette du pâté d’alouette. Il y a une alouette d’avancées sociales ou démocratiques et un cheval de contre-réformes ou de figements des reculs déjà entamés.
Certains préconisent d’accepter l’alouette, ce qu’ils appellent la stratégie des petits pas, sous prétexte que c’est toujours ça de pris et que le reste, l’énorme masse des politiques qui seraient constitutionnalisées, ce n’est pas important puisque on les subit déjà à travers les traités. C’est la position des ouïstes socialistes.
Moi, je refuse la stratégie des petits pas, je prétends que c’est un piège, un leurre qui ne peut déboucher que sur une Europe réduite à un immense marché dans un désert social. Je prétends aussi que le vote NON sera salutaire, fondateur d’un éveil européen, d’une possibilité d’une Europe puissance, tant économique, que politique, que sociale, voire que militaire...
politique contre économie
Il me semble que la fracture ancienne entre "droite" et "gauche", ou même entre "libéraux" et "marxistes" n’a plus grande utilité pour comprendre ce qui se passe en ce moment. Je trouve qu’il est plus utile de faire la différence entre ceux qui pensent que l’économie doit gouverner le politique et ceux qui pensent que le politique doit gouverner l’économie.
La constitution européenne (comme tous les traités précédents, j’en conviens) sacralise la prééminence de l’économie sur le politique. Le marché est mis définitivement à l’abri de toute intervention des Etats ou des Parlements (donc des Peuples). Les partisans de l"’économie d’abord", ce sont les néolibéraux et leurs compagnons de route, ça fait une énorme majorité au Parlement, pour le moment. Leur programme est la constitution européenne. Les autres, ceux qui veulent que l’économie soit contrôlée par le politique, préconisent que les gouvernements (ou le gouvernement de l’Europe dans une Europe fédérale) doivent avoir les pouvoirs et les moyens de piloter l’économie. Et ces moyens, ce sont ceux que Keynes a théorisés et qui furent appliqués par le monde capitaliste au sortir de la guerre mondiale, pendant les 30 Glorieuses.
Si on pousse la logique des deux camps un peu plus loin, on trouve que le pouvoir aux politiques, c’est un homme, une voix, c’est la démocratie. Le pouvoir à l’économie, c’est un euro, une voix et ce n’est plus la démocratie.
On est loin de la Révolution, du Grand soir, non ? Mais on est en plein dans une révolution conservatrice...
1 million de signatures + d’autres contraintes
La fin de l’article I-474 qui définit le droit de pétition est intéressante : La loi européenne arrête les dispositions relatives aux procédures et conditions requises pour la présentation d’une telle initiative citoyenne, y compris le nombre minimum d’Etats membres dont les citoyens qui la présentent doivent provenir.
Donc, une future loi (proposée par la Commission et ratifiée par le Conseil et le Parlement) déterminera les conditions supplémentaires. Par exemple, la loi pourra décider que c’est de 5, 10, 15, 25 pays que doit provenir les signatures de la pétition, avec des seuils minimum, par exemple 4% pour chaque pays... Ca peut augmenter beaucoup la difficulté à réunir les conditions pour que la Commission consente à regarder ce que l’initiative populaire lui propose...
Par ailleurs, cet article est intéressant parce que c’est un des rares dans ce texte de la constitution européenne qui fait référence à la loi européenne. En effet, toutes les politiques sont tellement figées et constitutionnalisées dans la partie III qu’il n’est presque plus besoin de lois pour "mettre en musique" cette "constitution". Autrement dit, cette constitution est autoporteuse... et constitue en cela un coup d’état idéologique, voire un coup d’état tout court.
le III-239 du lobby des transporteurs
Article III-239 : Toute mesure dans le domaine des prix et conditions de transport, adoptée dans le cadre de la Constitution, doit tenir compte de la situation économique des transporteurs.
Que fait cet article dans une constitution ? Certes, c’est un rescapé du traité de Rome. Ça montre à l’évidence comment a été établi cette constitution. Pas d’assemblée constituante... mais une convention ouverte aux lobbies. Et le jour de cet article-là, c’était le lobby des transporteurs routiers...
Dommage que les écologistes, les défenseurs de l’environnement, les partisans de moins de transport ou du ferro-routage ne soient pas organisés en lobby à Bruxelles...
Le III-210 et le lobby des PME
Article III210 : (...) dans les domaines visés au paragraphe 1, points a) à i), la loi-cadre européenne peut établir des prescriptions minimales applicables progressivement, compte tenu des conditions et des réglementations techniques existant dans chacun des États membres. Elle évite d’imposer des contraintes administratives, financières et juridiques telles qu’elles contrarieraient la création et le développement de petites et moyennes entreprises.
Là, c’est le lobby des PME ... Mais qu’est-ce que ça fout dans une constitution ?
I-41 ou l’Europe belliqueuse
Article I-41 : (...) Les États membres s’engagent à améliorer progressivement leurs capacités militaires. Il est institué une Agence dans le domaine du développement des capacités de défense, de la recherche, des acquisitions et de l’armement (l’Agence européenne de défense) pour identifier les besoins opérationnels, (...)
Mais qu’est-ce que c’est que cette Europe belliqueuse qui oblige constitutionnellement ses Etats membres à s’armer sans fin, encore et toujours ?
Dans une constitution, on s’attend à trouver le fonctionnement des institutions, en l’espèce, si armée européenne il y a, si défense commune il y a, comment ça fonctionne, qui est responsable de quoi (comme les articles 15 et 16 de notre Constitution). Y trouver l’obligation pour chaque Etat membre de s’armer toujours plus est très déroutant quand on regarde cet article d’un point de vue constitutionnel... Mais peut-être n’y faut-il voir encore que l’oeuvre du lobby de l’armement, rien de plus...
Certains pensent que la guerre permanente est consubstantielle au libéralisme économique, auquel cas, c’est logique...
Je préfère ce qu’on trouve dans le Préambule de la Constitution de 1946, toujours en vigueur puisque celle de 1958 y fait explicitement référence : La République française, fidèle à ses traditions, se conforme aux règles du droit public international. Elle n’entreprendra aucune guerre dans les vues de conquête et n’emploiera jamais ses forces contre la liberté d’aucun peuple.
II-88, le droit de lockout
L’article II-88 : Droit de négociation et d’actions collectives Les travailleurs et les employeurs, ou leurs organisations respectives, ont, conformément au droit de l’Union et aux législations et pratiques nationales, le droit de négocier et de conclure des conventions collectives aux niveaux appropriés et de recourir, en cas de conflits d’intérêts, à des actions collectives pour la défense de leurs intérêts, y compris la grève.
Mettre les employeurs et les travailleurs sur un pied d’égalité concernant la grève, c’est nouveau. La grève des patrons, ça s’appelle le lockout... Ce sera maintenant constitutionnalisé.
La constitution condamne l’Europe à l’impuissance économique
Les Etats-Unis font ce qu’ils veulent avec leur monnaie, leurs déficits, leurs emprunts. Ils prétendent que la Réserve fédérale est indépendante mais personne ne les croit. Face à eux, l’Europe veut être une puissance économique...
Et que fait-elle pour cela ? Elle s’ampute des moyens qui permettent de piloter l’économie ! ! La monnaie, l’euro, est gérée par la BCE, la Banque centrale européenne. La BCE est indépendante (I-30 et III-188) et ne rend des comptes à personne, ni à la Commission, ni au Conseil, ni surtout pas au Parlement. (on peut voir cette indépendance comme une spoliation de la souveraineté populaire, ce qu’en langue vulgaire on appelle un coup d’état).
L’unique objet de la BCE est de garantir la stabilité des prix (I-30, III-177, III-185). Maintenir la stabilité des prix, ça veut dire garantir une inflation minimum afin que le capital des capitalistes, la rente des rentiers ne perdent pas de leur valeur. Le budget de l’Union est ridicule, consacré pour moitié à payer ses agriculteurs. Et, pour couronner le tout, la constitution interdit à l’Union d’emprunter (I-54, III-181).
Ainsi, privée de pouvoir sur sa monnaie, dans l’impossibilité d’emprunter, c’en est fini du rêve d’Europe puissance. L’Europe ne sera qu’un nain économique, qu’un marché, ouvert aux quatre vents des prédations transnationales. Et lorsque, comme c’est le cas aujourd’hui, les Etats-Unis jouent la baisse du dollar face à l’euro pour doper leurs exportations, la seule réponse de l’Europe pour maintenir (...) une économie sociale de marché hautement compétitive, qui tend au plein emploi et au progrès social, (...) (I-3), c’est de baisser les salaires, de diminuer la protection sociale, de baisser les impôts et les taxes, d’augmenter le temps de travail sans compensation...
la sémantique néolibérale
L’article 30 de l’addentum 2 : Déclaration concernant la ratification du traité établissant une Constitution pour l’Europe. La Conférence note que, si à l’issue d’un délai de deux ans à compter de la signature du traité établissant une Constitution pour l’Europe, les quatre cinquièmes des états membres ont ratifié ledit traité et qu’un ou plusieurs états membres ont rencontré des difficultés pour procéder à ladite ratification, le Conseil européen se saisit de la question.
La sémantique néolibérale... Pour eux, pour leurs théoriciens (et leurs constitutionnalistes), il n’y a pas d’échec, jamais, juste des difficultés. On les a déjà vu à l’oeuvre depuis longtemps au GATT et maintenant à l’OMC, l’Organisation mondiale du commerce, (organisme intergouvernemental qui gouverne la planète avec le FMI et la Banque Mondiale et ne rend de comptes à aucune instance démocratique). Ils avancent toujours et toujours dans la même direction, encore plus de libéralisme, de privatisations, etc. Une autre caractéristique de leurs modifications institutionnelles, c’est l’impossible retour par l’introduction de clauses interdisant la marche arrière, ce qu’on appelle souvent l’effet cliquet. Ainsi l’OMC accompagne-t-elle ses décisions d’ouverture de nouveaux marchés (entendez dérégulations et privatisations) de clauses de renoncement pour les pays qui voudraient se soustraire à cette nouvelle obligation économique. Ces clauses sont des compensations à verser à tous les autres pays. Leurs montants, extravagants, en font de facto une interdiction de revenir sur la décision prise. Pour la constitution européenne, le cliquet est bien sûr, l’unanimitérequisedes 25, dont les paradis fiscaux, pour changer ne serait-ce qu’une virgule au texte. Nous en prenons pour 50 ans aurait dit Giscard d’Estaing.
Les néolibéraux savent aussi manoeuvrer l’opinion. Ainsi, lorsqu’un gouvernement tel celui de Raffarin en France met en oeuvre une politique ultralibérale à marche forcée, il y a toujours un Madelin ou un Seillière pour critiquer la tiédeur de la réforme. Les néolibéraux ont su rendre leur idéologie suffisamment attirante pour recruter des compagnons de route très efficaces, particulièrement chez les socialistes et les journalistes. Ceux-là, éblouis par le mythe de la main invisible du marché, habités par la ferveur des nouveaux convertis, sont les propagandistes les plus zélés du dogme néolibéral. Mais, je m’égare... Le but de cet article était de proposer que l’on renonce à promouvoir le NON au profit d’une campagne pour la DIFFICULTÉ. Le soir du référendum, un présentateur-journaliste dépité annoncerait :55% des voix pour la difficulté, 45% pour le oui, Monsieur Strauss-Khan demande un nouveauréférendum pour le mois prochain...
L’opinion de Jacques Delors sur la constitution européenne
Interview de Jacques Delors sur LCI le 30 juillet 2004 : Jacques Delors : J’ai beaucoup de critiques contre ce texte. La première, c’est la "clause de révision". Comment peut-on accepter ça alors que si, un jour, dans quinze ans, laTurquie adhère, quatre-vingts millions d’habitants, le système de décision n’irait pas du tout, déséquilibrerait le système. Deuxièmement, on a ajouté dans ce texte, dit "Constitution", une troisième partie intitulée "les Politiques". C’est comme si, dans la Constitution française, chaque fois qu’on changeait de gouvernement, on changeait de constitution pour dire qu’on allait faire telle ou telle politique sociale. Une politique que vous appliquerez au jour le jour, ce n’est pas du ressort de la Constitution ! Troisièmement : l’Union économique et monétaire doit être rééquilibrée dans le Traité. C’est un point extrêmement important. Et quatrièmement, sur la politique sociale : même avec les réserves que j’ai dites, on peut avoir un texte amélioré. Comme par hasard, les deux groupes de travail, là, qui n’ont pas fonctionné à la Convention, c’est celui sur l’Union économique et monétaire et celui sur le social. Mais sur ces quatre points-là, il faut revenir en arrière. Il faut revoir les textes. (...) Thierry Guerrier : (..) pour le référendum, vous votez non ? Jacques Delors : Comment ? Ah, je voterai oui ! Je voterai oui. Je ne veux pas que l’Europe s’arrête.
Étonnant non ? Le texte est pourri mais il va voter pour... Les hommes politiques sont parfois déroutants. Retenons quand même que Delors trouve le texte vraiment pourri...
Une constitution qui abolit 1789
Comment faire pour abolir ce qui gêne le néolibéralisme dans les Constitutions des pays comme la France ? Simple, il suffit de faire une constitution européenne qui a une autorité supérieure aux constitutions nationales... Oui, mais pour la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, pour le Préambule de la Constitution de 1946, comment s’en débarrasser avec élégance ? Pareil, il suffit d’écrire un nouveau texte qui n’établit fermement que les principes utiles au libéralisme. Il sera figé à jamais par le principe du changement à l’unanimité, aucun risque d’y voir réapparaître la Fraternité et les droits sociaux. Pour le vendre à l’opinion, il suffit d’appeler le texte "Chartre des droits fondamentaux" et de répéter et de répéter dans l’enthousiasme et en sautant comme des cabris que c’est une avancée formidable, que c’est la première fois, que c’est etc. etc.
Pourtant, au final, on nous abolit 1789 et 1946, c’est un recul très net du point de vue des droits élémentaires, des droits sociaux...
Et en plus, on voudrait que nous soyons contents... Que les néolibéraux fassent la promotion de cette manipulation, je suis d’accord, c’est leur boulot, ils défendent leurs énormes intérêts. Mais les autres ? Pourquoi font-ils cela ? Pourquoi veulent-ils réduire à rien 200 ans de luttes sociales ? Monsieur Jennar parle de la trahison des élites... C’est sans doute l’explication... Elites, oui... Trahison, sûrement. Trahison.
Vive celle de 1793
Le préambule de 1946 : Chacun a le devoir de travailler et le droit d’obtenir un emploi. (...)
La chartre de la constitution européenne : (II-751) Toute personne a le droit de travailler et d’exercer une profession librement choisie ou acceptée.
Moi, je préfère celle de 1946. En fait, ma préférée, c’est celle de 1793 : Article premier : Le but de la société est le bonheur commun Ou encore, comme le citait Monsieur Jennar aux AMD, l’article 28 Un peuple a toujours le droit de revoir, de réformer et de changer sa Constitution. Une génération ne peut assujettir à ses lois les générations futures.
C’est bien de ça qu’on parle actuellement, de l’impossibilité de changer quoi que ce soit à cette constitution si par malheur, elle était approuvée. Pensons aux générations futures ! ! Ou alors gare à l’article 35 de 1793 !
de la légitimité populaire
Certains des ouïstes considérent que tout ou presque de ce qu’il y a dans la constitution européenne est déjà en place, que c’est déjà du passé, qu’il est vain de revenir dessus, qu’il ne faut considérer que le différentiel entre Nice et la constitution, vous trouvez que c’est plutôt positif et donc, qu’il faut accepter sans état d’âme.
Moi, je considère que constitution et traité, ce n’est pas pareil et, surtout, qu’une ratification populaire par referendum donnerait une légitimité à ce texte qu’il n’a pas pour le moment. De plus, comme on me demande de me prononcer sur un texte, je le lis et je le comprends et s’il ne me plaît pas, je vote NON, ce n’est pas si extravagant, non ?
Je considère aussi que c’est la dernière occasion qui est donnée au Peuple de dire NON démocratiquement... Après, comme je l’ai déjà écrit, ce sera un euro, une voix...
L’Europe bidasse de l’OTAN (I-41)
On pouvait espérer que l’Europe se dotât des moyens d’être une vraie puissance pour faire pièce à l’hégémonie croissante des Etats-Unis. L’Europe puissance passe sans doute par une politique de défense indépendante.
Hé bien, c’est encore raté : Article I-41 : (...) 2. La politique de sécurité et de défense commune inclut la définition progressive d’une politique de défense commune de l’Union. Elle conduira à une défense commune, dès lors que le Conseil européen, statuant à l’unanimité, en aura décidé ainsi. Il recommande, dans ce cas, aux États membres d’adopter une décision dans ce sens conformément à leurs règles constitutionnelles respectives. (...)
Avec le nombre d’Etats européens atlantistes, voire pro-américains, ce paragraphe est un droit de véto étatsunien sur la défense européenne. Mais il y a encore plus explicite, toujours dans le I-41 : La politique de l’Union au sens du présent article n’affecte pas le caractère spécifique de la politique de sécurité et de défense de certains États membres, elle respecte les obligations découlant du Traité de l’Atlantique Nord pour certains États membres qui considèrent que leur défense commune est réalisée dans le cadre de l’Organisation du traité de l’Atlantique Nord et elle est compatible avec la politique commune de sécurité et de défense arrêtée dans ce cadre.
Ainsi, la défense européenne est constitutionnellement assujettie à l’OTAN donc aux Etats-Unis. Que ceux qui rêvent à une Europe puissance se réveillent...
Les taxes globales seront interdites (III-156)
Le 20 septembre 2004, à l’ONU, Jacques Chirac prend l’initiative, avec les Présidents de la République du Brésil et de la République du Chili, et avec le Président du gouvernement espagnol, de présenter un plan de lutte contre la faim financé par des taxes globales. Bravo, vraiment bravo...
Mais, pas de chance, la constitution européenne interdit explicitement les taxes globales du type taxe Tobin. L’article III-156 est sans ambiguïté : Dans le cadre de la présente section, les restrictions tant aux mouvements de capitaux qu’aux paiements entre les États membres et entre les États membres et les pays tiers sont interdites.
La constitution et le terrorisme
Les mot et expressions terrorisme / menace terroriste / attaque terroriste / prévention du terrorisme reviennent 10 fois dans la texte de la constitution dans 6 articles différents : I-43, III-160, III-271, III-276, III-309, III-329. (la fraude, elle, n’est évoquée que 7 fois dans 2 articles différents : I-53, III-415.)
Pourquoi cette obsession pour le terrorisme ? C’est vrai que c’est le combat actuel des Etats-Unis et l’Europe compte beaucoup d’atlantistes, de pro-américains...
J’y vois une autre explication... Il ne faut pas sous-estimer les néolibéraux, ce sont des gens très forts, très patients et aux moyens démesurés. Leur révolution conservatrice dont la constitution européenne est une pierre angulaire, ils la fomentent depuis 60 ans... et ils ont réussi... Donc, leurs théoriciens, leurs lobbyistes, leurs politiques ce sont des monstres froids qui pensent dans le long terme. (je parle des vrais néolibéraux, pas des benêts qui ont découvert le marché il y a peu et jouent aux économistes pragmatiques en trahissant leurs électeurs). Si la constitution européenne est validée, avec sa partie III qui fige les politiques économiques et sociales, elle ne permettra plus d’alternative au néolibéralisme. Quels que soient les résultats des futures élections, la politique sera libérale puisque ce sera inscrit dans la constitution. Autrement dit, la souveraineté aura été retirée au Peuple. Et que se passe-t-il dans ces cas-là ? L’histoire nous enseigne que la privation de démocratie a tendance a générer de la violence révolutionnaire..., voire nihiliste... donc le terrorisme.
Ma thèse est donc que nos constitutionnalistes et leurs complices ont prévu que l’application de leur texte générerait du terrorisme. Et qu’il faut que la constitution prévoie les mécanismes de "solidarité" entre Etats membres pour lutter contre. En plus du désastre social, nous est explicitement promis un régime policier, totalitaire...
Le meilleur des mondes
Je suis très intéressé par cette constitution et les analyses qui en sont faites. Intéressé, mais aussi très inquiet. Au temps de ma jeunesse, j’ai été marqué par des oeuvres qui me sont apparu lumineusement prophétiques. C’était L’homme unidimensionnel de Marcuse, c’était Le meilleur des mondes d’Huxley... C’était aussi un film, Soleil vert, terrifiant de réalisme anticipateur. Je ne comprenais pas à l’époque que ces oeuvres, même prophétiques, me fissent tant peur, protégés que nous étions par tout un système social et politique qui semblait indestructible. Depuis, j’ai guetté les signes qui nous rapprocheraient de cette impasse de l’humanité, les chaînons manquants. L’allégeance massive des sociaux-démocrates au néolibéralisme dans les années 80, à la suite de Pinochet, Reagan et Tatcher, a été un des chaînons. La constitution européenne qui graverait dans le marbre tout ce qui délite le lien social et favorise la prédation écologique est aussi un chaînon vers ce Brave new world, puisqu’il nous faudra aussi parler en anglais...
A qui profite cette constitution ?
Les enquêteurs de la littérature policière se posent toujours la question "A qui profite le crime ?". Essayons avec la constitution européenne...
On a par ailleurs désigné les grands bénéficiaires de la constitutionnalisation de l’Europe ultralibérale : les transnationales, les financiers, les atlantistes, les étatsuniens, les néolibéraux, les actionnaires, les rentiers, les paradis fiscaux, les mafias... Cette constitution leur assure un avantage définitif sur l’Etat social, sur l’Etat providence, sur la solidarité ouvrière, etc.
Mais cette constitution en satisfait d’autres, plus inattendus : ceux qui veulent assurer leur position politique et sociale en interdisant définitivement toute contestation de leur statut, tout dépassement par la gauche de leur "systéme de pensée". Ce sont bien sûr les caciques socialistes et certains syndicalistes. Après l’adoption de cette constitution, toute position plus à gauche que celles de Strauss-Khan, Aubry, Lang, Hollande relèvera de l’utopie gauchiste. Ces gens-là ont sciemment abandonné le positionnement social-démocrate qui se situera hors du champ politique permis par la constitution pour le positionnement (oxymorique) social-libéral. Bravo les artistes, bravo les machiavels, bravo les traîtres...
En résumé, cette constitution est bain béni pour les socialistes et les syndicalistes qui veulent tuer leur aile gauche...
L’urgence comme technique de vente...
Un "bon vendeur" qui tente de fourguer un produit, surtout si le produit est une grosse daube, met toujours en avant l’impérieuse immédiateté de transaction, il crée de l’urgence pour affoler le client qui perd de son sens critique, qui a peur de passer à côté d’une bonne affaire s’il réfléchit trop longtemps...
Pour la constitution européenne, c’est pareil. Il n’y a aucune vraie urgence, et, même si elle est approuvée, la constitution n’entrera pas en application avant 2009... Il vaut mieux prendre le temps de réfléchir..
Pour résister aux Etats-Unis
Résister au bloc américain, c’est une impérieuse nécessité, non seulement pour les Européens eux-mêmes mais aussi pour les autres peuples qui croient encore en l’Europe pour se protéger de l’impérialisme étatsunien. Chirac et Shroeder avant la guerre préventive de Bush contre l’Irak, c’est ça la résistance. Le discours de Villepin à l’ONU, ça avait de la gueule non ? C’est ça qu’attendent les pays qui croient encore à l’Europe...
À part que ce n’était pas l’Europe qui parlait, c’était la France et l’Allemagne en tant que telles. Imaginons ce que ça aurait pu donner si l’Europe avait parlé d’une seule voix, (comme elle sait le faire à l’OMC quand il s’agit de piller le Sud)... Vu que parmi les 25, il y a une majorité de carpettes atlantistes... Vous comprenez... Si on veut résister aux Etats-Unis, il ne faut surtout pas approuver cette constitution...
Le diable est dans les détails...
La partie III du texte qui fige à jamais la politique ultralibérale de l’Union Européenne si le OUI l’emportait, est, parait-il, la reprise et la mise en ordre des articles des traités précédents (Rome, Acte unique, Maastrich, Amsterdam, Nice).
Oui, à quelques détails près. Par exemple : L’article 110 du Traité de Rome : En établissant une union douanière entre eux, les Etats membres entendent contribuer, conformément à l’intérêt commun, au développement harmonieux du commerce mondial, à la suppression progressive des restrictions aux échanges internationaux et à la réduction des barrières douanières. L’article III-314 de la Constitution européenne qui le "remplace" : Par l’établissement d’une union douanière conformément à l’article III-151, l’Union contribue, dans l’intérêt commun, au développement harmonieux du commerce mondial, à la suppression progressive des restrictions aux échanges internationaux ET AUX INVESTISSEMENTS ETRANGERS DIRECTS, ainsi qu’à la réduction des barrières douanières ET AUTRES.
Voyez-vous les changements subreptices et vicieux ? Les investissements étrangers directs, c’est le retour en catimini de l’AMI, l’Accord multilatéral sur l’investissement, que le gouvernement Jospin avait repoussé en 1998. Quant à l’ajout de "et autres", ça confère l’universalité à un article que les législateurs d’origine avaient imaginé limité.
Il faudrait examiner, article par article, ce que ces golpistes de constitutionnels giscardiens ont magouillé dans les textes d’origine pour nous berner.
Un texte constitutionnel devrait être suffisamment simple pour être compris par tout citoyen moyennement éduqué. Nous en sommes loin, non ? Cette Constitution, ce sera la fortune des cabinets d’avocats anglosaxons...
Les principaux arguments contre le traité constitutionnel
le texte de la constitution et ses annexes fait 852 pages, c’est un texte pour juristes, c’est un déni de démocratie.
une fois approuvé, ce texte est inmodifiable puisqu’il faudrait l’unanimité des 25.
les polititiques néolibérales de l’Union y sont constitutionnalisées dans la partie III, interdisant toute alternance politique future.
la Chartre des droits fondamentaux de la partie II est en recul par rapport à notre préambule de 1946 et la Déclaration des Droits de l’Homme de 1948. Les droits sociaux ont disparu.
l’émergence d’une Europe économique puissante est impossible à cause de la politique monétariste constitutionnalisée, pas de leviers économiques pour rivaliser avec le dollar, pas de grands projets européens, etc.
l’émergence d’une Europe politique puissante est impossible par l’obligation d’unanimité pour les affaires diplomatiques.
l’émergence d’une Europe militaire indépendante est impossible à cause de la référence à l’OTAN.
l’émergence d’une Europe sociale est impossible à cause de la sanctuarisation du libéralisme dans tous les articles.
la protection sociale solidaire (sécurité sociale, retraites, indemnisation de chômage) est attaquée par les multiples interdictions d’harmoniser et la consécration de la concurrence marchande.
le droit du travail est attaqué, pour les mêmes raisons qui organisent un dumping fiscal et social.
les Services Publics sont niés, et leur avatar, les SIEG sont mis en situation de concurrence, ce qui signifie leur fin programmée.
la suprématie du pouvoir économique sur le pouvoir politique est gravée dans le marbre de la constitution. Le pouvoir à l’économie, c’est le pouvoir à l’argent, c’est la fin de la démocratie effective, même s’il reste une démocratie formelle.
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Louis Amigo
Création de l'article : 19 mars 2005
Dernière mise à jour : 11 mars 2005
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Un quizz et un jeu
21 mars 2005, par Louis Amigo
N’oubliez pas de jouer avec le quizz sur la constitution européenne : quizz sur la constitution
et de vous moquer avec nous des socialos-ouïstes : jeu pour moquer les socialos-ouïstes
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> Courts textes qui disent NON à la constitution européenne
20 mars 2005, par
merci de m’en apprendre un peu sur la constitution européenne,je me rends compte une fois de plus, que je suis vraiment pris pour un boeuf.Et si avant de voter il n’y avait qu’une chose à retenir, ce serait : quelqu’un des braves gens qui nous gouvernent et ne veulent que notre bien,a t il pris le soin de m’expliquer un petit peu le contenu de cette constitution,et en quoi et jusqu’ou elle nous engage ? Oui, je sais, ces gens là sont débordés et puis se mettre à mon niveau c’est pas facile.Il vaut mieux leur faire confiance.
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> Courts textes qui disent NON à la constitution européenne
23 mars 2005, par
Bonjour,
Le contenu de la constitution ?
Je viens de mettre en ligne un site qui permet la recherche textuelle et l’établissement de correspondances entre les articles du Traité Constitutionnel, afin que la lecture en soit facilitée.
Voir : http://noriaweb.free.fr
Cordialement,
jcm
Traité constitutionnel Européen
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