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Témoignage de Ahmed Chahid, le plus ancien prisonnier politique du monde arabe et d’Afrique |
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Avec l’avènement du 13/08/2004 nous avons achevé, Ahmed Chaîb et moi même (Ahmed Chahid), prisonniers politiques incarcérés au complexe pénitencier de Oukacha de Casablanca notre 21ème année de détention pour faire partie dorénavant des prisonniers politiques les plus anciens dans le monde Arabe et en Afrique, pour entamer notre 22ème année d’emprisonnement politique et de souffrance.
En effet, le 13/08/1983, j’ai été arrêté à la ville de Mohammedia pour avoir participé, avec des jeunes du groupe Islamiste 71 à la distribution de tracts qui dénoncent le régime marocain et critique sa politique vis-à-vis de la question palestinienne et sa relation avec les gouvernements américain et israélien, et en commémoration des événements de Casablanca 1981.
C’était le début des années 80. Les conditions politiques et économiques au Maroc étaient catastrophiques. Les oppositions partisanes et syndicales en ont souffert (truquage des élections de 83-84 arrestations des opposants USFP, enlèvement de militants, ...).
Après mon arrestation j’ai été détenu illégalement au centre de détention secrète de Derb Moulay Cherif où j’ai été torturé et privé de mes droits les plus élémentaires. Cette détention secrète a duré 6 mois : six mois de souffrance et d’isolement, mains ligotées et yeux bandés, avec des séances de tortures psychologiques et corporelles. L’enlèvement et la torture ont touché aussi ma femme qui a passé des jours dans le même centre de détention secrète, en vue de la terroriser.
Le 13/02/1984, j’ai été sorti de la prison secrète pour être présenté, la même nuit, avec le groupe 71 devant le Procureur Général et le Juge d’Instruction prés de la Cour d’Appel de Casablanca (qui était encadré par les tortionnaires) avec comme chef d’inculpation le complot contre le régime et d’autres accusations qu’on peut facilement coller à n’importe quel porteur d’idées, et ce, en absence d’avocat., directement après, j’ai été emprisonné à la prison - mouroir, Ghbiyla de Casablanca où la souffrance allait se perpétuer. Lors de ma détention préventive, s’est déroulé le procès fictif et marathon où n’existait aucune condition minimale pour un procès équitable puisque la cour a repoussé tous les vices de forme, et s’est basée sur les PV de la police judiciaire qui ont été effectués sous la torture et signés contre notre gré. La Cour a aussi confirmé l’arrestation abusive concernant la garde à vue et a dérogé à la publicité des séances. Le rideau est tombé à la fin du procès mascarade la nuit du 31-07-84 en prononçant des jugements iniques à l’encontre du groupe 71.
Nous avons été condamné à mort (Ahmed Chaïb et moi) avec 13 détenus. Le 01-08-1984 nous avons été transférés à la prison centrale de Kénitra au bloc des condamnés à mort (bloc B) où les moindres conditions de survie sont inexistantes, dans des conditions inhumaines avec une forte pression pour que nous soyons privés de nos droits à la récréation, à la nourriture saine et à la visite.
Pour protester contre ces conditions dérisoires d’emprisonnement, nous avons lancé plusieurs actions (pour repousser les exactions quotidiennes qui touchaient même nos familles) et dont la plus dangereuse était la grève de la fin illimitée en date du 14-09-1984 et dont certains prisonniers ont été victimes (plusieurs détenus politiques de différents groupes : groupe de Marrakech comme exemple..). A défaut de prise en charge médicale et alimentaire et de contrôle sanitaire, nous avons été victimes de plusieurs maladies chroniques : L’asthme, le rhumatisme, l’ulcère l’insuffisance rénal et oculaire étaient mon lot.
A l’opinion publique d’imaginer ma souffrance et celle de ma famille, souffrance matérielle et morale lors de ces actions militantes pour les droits les plus élémentaires.
La spirale d’exclusion et de marginalisation allait ensuite s’installer grâce royale après grâce (94, 98 et 2004). Sachant que toutes les organisations de défense des Droits de l’Homme nationales et internationales exigent ma libération et que mon nom a toujours été sur les listes présentées au Conseil Consultatif des Droits de l’Homme.
A la nouvelle ère dont les principaux slogans sont la modernité, la démocratie et la réconciliation, je pose la question suivant ; quand prendront fin ma souffrance et celle de ma famille ? Quand sera mis fin à ce processus d’exclusion infondé (si l’on se réfère aux critères pris en compte par le CCDH lors des précédentes libérations).
Sachant que mon affaire principale ne comporte aucun usage de la violence, ni appel à son utilisation et que le deuxième jugement à mon encontre pour tentative de fuite résulte des suites de la première affaire, ce qui n’a jamais été un obstacle devant ma libération vu les critères pris en compte lors des grâces précédentes (94, 98 et 2004).
Pour rappel, mon dossier est actuellement entre les mains de l’Instance Equité et Réconciliation que j’appelle à remettre les choses à l’ordre et de mettre fin à cette suite d’exceptions parce que je fais partie des plus anciens détenus politiques dans le monde arabe et en Afrique, et parce que les conditions politiques au cours desquelles j’ai été emprisonné étaient exceptionnelles et font partie du legs du passé que l’on doit tous dépasser comme c’est le cas dans toutes les démocraties modernes.
De nouveau, nous saisissons l’occasion de cette émission de France 2, pour relancer notre appel et nous sommes convaincus que tant qu’il y a de l’espoir, notre voix trouvera écho, et nous sommes persuadés à continuer notre marche afin de faire entendre notre voix, malgré les écueils et parvenir à asseoir la démocratie tant recherchée, la vraie démocratie à laquelle nous aspirons tous ; celle qui confère au peuple marocain le droit et le pouvoir de s’autogouverner ; une démocratie qui rend hommage à tous les militants qui ont payé cher pour nous faire jouir d’un avenir meilleur sous le ciel marocain, et en particulier les détenus politiques dont nous faisons partie, mon camarade Chaïb et moi, en plus des membres du « groupe de marrakech 1985 » : Aïssa Saber, Abdelwahab Nabet et Mimoun Nabet, ainsi que le groupe de Rabat : Abdelkader El Amrani, Mohamed Bourroiss, Khalid El Idaoui, El Wassini Chaja’, Abderrahim Karyouh, Abdesslam Boutchich et Lakhdar Benchaâou, ainsi que le Groupe de Fès : Abdeslam Guerwaz, Abderrahmane Boujdli et Kamal Benakcha.
L’ensemble des détenus sus-cités souffrent de différentes maladies et sont privés des soins nécessaires. Sans oublier le retour des exilés à leur mère patrie.
Tout cela, pour ériger un Maroc dépourvu de toute détention politique et pour un monde arabe dans lequel les geôles n’accueillent point de détenus politiques.
Aux associations internationales de défense des Droits de l’Homme, à l’ensemble des forces démocratiques dans le monde, à tous ceux et celles qui œuvrent pour le respect des droits humains au Maroc, nous leur demandons d’être nos ambassadeurs pour demander notre libération et celle de l’ensemble des prisonniers politiques au Maroc, aidez-nous à sortir de cette prison pour enfin vivre libres auprès de nos familles.
Prison Civile de Oukacha - Casablanca, le 13 avril 2005
Signé : Ahmed CHAHID.
Auteurs divers
Création de l'article : 19 avril 2005
Dernière mise à jour : 17 avril 2005
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Témoignage de Ahmed Chahid, le plus ancien prisonnier politique du monde arabe et d’Afrique
24 mars 2007, par
Gap, le 21 mars 2007
Lettre ouverte au Premier Ministre et au Ministre de la Justice du Maroc
Non à l’arbitraire !
Les deux plus anciens prisonniers politiques du Maroc ont interrompu leur grève de la faim à Salé au 44ème jour après avoir obtenu la promesse de retrouver les droits qui leur avaient été supprimés (visites, soins médicaux), et de pouvoir choisir la prison pour attendre leur libération, au plus tard à la fin de leur 25ème année de détention.
Ahmed Chaïb a quitté la prison de Salé le 1er février. Il a été transféré à la prison de Bourkyz, près de Fès, conformément à son souhait, pour être plus près de ses parents. Il est satisfait de sa situation, les promesses ont été tenues, ses amis peuvent lui rendre de longues visites. Il faut cependant souligner qu’il n’a pas encore pu récupérer toutes ses affaires, dont des notes, irremplaçable fruit de ses recherches durant ses longues années de détention.
Ahmed Chahid a pris le risque de retourner à Oukacha, la prison la plus proche du domicile de sa famille, pour ne pas lui imposer encore de longs déplacements. Depuis son arrivée, le 5 février, il recommence à subir brimades et humiliations de la part de la direction qui ne tient aucun compte de ce qui a été négocié entre les prisonniers et les responsables du ministère de la justice, à savoir « veiller à ce que leurs acquis accumulés en 23 ans et demi pendant presque un quart de siècle de détention et de souffrances soient respectés en attendant leur libération ».
Le droit de visites n’est pas respecté en dehors de la famille proche, qui est soumise à la fouille du « panier », traitement qu’elle n’a pas connu les jusque là ; d’autres tracasseries rendent ces visites humiliantes. Les amis ne sont pas admis. Le droit aux soins n’est pas respecté : Ahmed a beaucoup de problèmes de santé, mais aucun rendez-vous n’a pu être pris avec un médecin. La nourriture qu’on lui fournit n’est pas compatible avec le régime alimentaire qu’exige son état de santé fragilisé par 24 années de détention et 44 jours de grève de la faim.
Pourquoi les accords signés à l’issue de la grève de la faim ne sont ils pas appliqués à la situation d’Ahmed Chahid qui a mis sa vie en danger pour obtenir ces garanties ?
Pourquoi tant d’arbitraire ?
Pour fêter la naissance de Lalla Khadija, la fille du couple royal, une importante amnistie a été déclarée, en particulier pour 8800 prisonniers ayant accompli les 4/5 de leur temps.
Ahmed Chahid et Ahmed Chaïb remplissaient largement cette condition. Après une semaine d’attente impatiente il a fallu se rendre à l’évidence : une fois de plus l’espoir est déçu. Selon une réponse obtenue au ministère de la justice : ils n’ont pas eu de chance, ce sera peut-être pour la prochaine fois.
L’amnistie ressemblerait donc à un tirage au sort ?
Nous, associations signataires, protestons contre l’arbitraire dont sont encore victimes ces deux hommes épuisés physiquement et moralement par 24 ans de vie en prison.
Premières associations signataires :
Solidarité Maroc 05 (SM05 - France)
Comité de Défense des Droits de l’Homme au Maroc (CODDHOM - Thionville - France)
Centre Marocain des Droits de l’Homme (CMDH - Maroc)
Action des Chrétiens pour l’Abolition de la Torture (ACAT - France)
Ennassir pour le soutien des détenus islamistes au Maroc
Forum Marocain Vérité et Justice - France (FMVJ-France)
Comité pour la libération d’Ahmed Chahid et Ahmed Chaïb et du reste des prisonniers politiques
Association Marocaine des Droits Humains (AMDH)
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Liberté pour Chahid et Chaib, 24 ans d’emprisonnement c’est trop...
4 février 2007, par
Ahmed Chahid et Ahmed Chaib ont arrêté la grève illimitée de la faim. Ils ont tenu 45 jours. Ils ont bénéficié de la commutation de leur peine de la perpetuité à 25 ans. Il leur restera un an et demi à passer encore en prison. Ceci est inacceptable pour des prisonniers d’opinions. Cependant, on peut considérer cette commutation comme une partie d’une victoire qui est l’aboutissement d’une longue et épineuse lutte à laquelle ont participé les deux prisonniers politiques eux-mêmes, épaulés par leurs familles et soutenus par des ami(e)s, des associations de défense des droits de l’homme au Maroc et dans le monde. Un morceau manque au puzzle qui constitue l’essentiel de cette lutte : c’est leur libération définitive après avoir passé presque un quart de siècle derrière les barreaux. Pour cela, nous appelons toutes les forces démocratiques à l’intérieur du Maroc comme à l’extérieur d’agir pour, enfin les deux AC retrouvent leur liberté et ainsi être auprès de leurs familles en signant la pétition "Liberté pour Chahid et Chaib" au : www.PetitionOnline.com/4libery/petition.html. Pour avoir plus d’informations, s’adresser au : cod.hom57100_3Lb_hotmail.fr ou solidarite.maroc.05_3Lb_tele2.fr ou au 06.76.08.71.70 Merci pour les deux AC, Fouad, Président du CODDHOM - Thionville France
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Témoignage de Ahmed Chahid, le plus ancien prisonnier politique du monde arabe et d’Afrique
25 décembre 2006, par
Ahmed Chahid est en danger. Son état de santé se dégrade du jour en jour. Avec son camarade Ahmed Chaib, ils ont entamé une grève de la faim illimitée. Ils sont considérés comme les plus anciens prisonniers politiques en Afrique et dans le monde arabe. Des associations de défense des droits de l’homme dans le monde se mobilisent pour libérer les deux AC. Nous avons besoin de votre soutien pour libération en m’adressant votre soutien au : fouadfourji_sCa_hotmail.com. 06.76.08.71.70 Fouad FOURJI Président du Comité de Défense des Droits de l’Homme au Maroc (CODDHOM - Thionville France). Merci pour les deux AC
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> Témoignage de Ahmed Chahid, le plus ancien prisonnier politique du monde arabe et d’Afrique
7 mai 2005
tenez bon cher ahmed chahid, le vent qui a soufflé sur tazmamartet, derb moulay chrif et d’autres endroits de la honte sous le régime de basri et de son roi, va soufflé sur votre prison afin de liberer tous les prisoniers politiques qui souffrent encore.
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> Témoignage de Ahmed Chahid, le plus ancien prisonnier politique du monde arabe et d’Afrique
13 mai 2005, par
Bonjour, Tout d’abord je remercie monde solidaire de nous avoir permis de dialoguer. Merci pour ces mots pour Ahmed Chahid et je vous informe qu’un comité international pour sa libération vient de voir le jour. Pour contacter ce comité :
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> Témoignage de Ahmed Chahid, le plus ancien prisonnier politique du monde arabe et d’Afrique
21 mai 2005, par
On ne m’a pas permis de rencontrer Ahmed Chahid à la prison d’Oukacha, je suis alors allée à Sidi Bernoussi rencontrer sa famille et j’ai été émue par leur accueil chaleureux, leur courage,leur dignité et le soutien sans faille qu’ils ont toujours apporté à Ahmed.Il n’est pas possible d’imaginer ce que représente pour une mère, une épouse et des enfants une séparation de 22ans...
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