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Lettre aux Faucheurs volontaires, prévenus, comparants et/ou relaxés involontaires |
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Chers amis
Tout d’abord le point des procédures.
Nous avons actuellement trois procédures en cours qui concernent les comparants volontaires :
Procédure de Toulouse : suite au Jugement du Tribunal Correctionnel qui avait accueilli les comparants volontaires, la Cour d’appel de Toulouse a donc décidé d’annuler ce Jugement pour « erreur de droit », de se saisir elle-même de l’affaire (on dit en droit, de l’évoquer) et de fixer l’audience des débats au 20 Septembre 2005 à 9 Heures, privant ainsi les 9 prévenus d’un degré de juridiction. Nous avons déposé un pourvoi en Cassation contre cette décision et demandé l’admission d’urgence de notre pourvoi, ce qui pourrait permettre à la Cour de Cassation de se prononcer avant l’audience de Septembre... à suivre !
Procédure de Riom : suite au Jugement du Tribunal Correctionnel de Riom qui avait lui aussi accueilli les comparants volontaires, le Procureur a fait appel et l’audience s’est tenue le 31 Mars dernier. A noter qu’à cette audience la Cour, après en avoir délibéré, a accepté que les comparants volontaires interviennent aux débats devant la Cour et nous avons donc assisté tout le monde, prévenus et comparants. La décision a été mise en délibéré et la Cour rendra son Arrêt le 19 Mai prochain. Votre présence n’est pas nécessaire à cette date : Maître Marc Guillaneuf nous représentera pour prendre connaissance de l’Arrêt. Ceux qui veulent s’y rendre le peuvent bien entendu.
Il est impossible à ce jour de dire si la date du 28 Juin, fixée par le Tribunal pour la poursuite du procès sera maintenue. A notre avis il est peu probable qu’elle le soit.
Procédure d’Orléans : après une audience qui a vu les 44 comparants volontaires être appelés à la barre par le Tribunal à la suite des 44 prévenus, ce qui était un pas de plus vers la reconnaissance des comparants, le Tribunal a choisi de se prononcer par Jugement sur l’ « incident de procédure » (c’est ainsi que le droit nomme cette discussion) relatif à la recevabilité des comparutions volontaires, donnant tort sur ce point au Procureur qui souhaitait que cet incident soit joint au fond et que le procès se poursuive immédiatement.
Par contre concernant la recevabilité des comparutions volontaires le Tribunal a rejeté nos demandes, à l’inverse des Tribunaux Correctionnels de Toulouse et de Riom. Nous avons fait immédiatement appel et déposé une requête d’appel auprès du président de la Chambre des Appels correctionnels qui doit décider si notre appel est immédiatement recevable ou si nous devrons le faire avec le Jugement au fond. Deux possibilités à ce stade :
- Ou le Président de la Chambre des Appels correctionnels rejette notre requête d’appel et dans ce cas la date du 27 Octobre fixée par le Tribunal sera vraisemblablement maintenue pour le procès au fond devant le Tribunal Correctionnel pour les 44 prévenus,
- Ou le Président accepte notre appel ; dans ce cas il fixe une audience devant la Cour et là, encore deux possibilités :
- Soit la Cour confirme le Jugement
- Soit la Cour infirme le Jugement
Dans les deux cas elle peut alors, soit renvoyer devant le Tribunal, soit se saisir elle-même du dossier (elle évoque) comme l’a fait la Cour de Toulouse.
Il est impossible dans ces derniers cas de figure de dire si la date du 27 Octobre sera ou non maintenue.
Voilà donc techniquement les différentes situations qui se présentent.
Qu’il me soit permis quelques commentaires.
D’abord vous remercier de la détermination et de la responsabilité dont vous avez fait preuve en étant présents aux audiences où nous demandions votre comparution. Nous pouvons vous assurer que cela a été très important vis-à-vis de la Justice et a largement contribué aux succès obtenus devant les deux premiers Tribunaux. Malgré le rejet de nos demandes à Orléans cette présence, actée aux débats sera également très importante pour la suite de la procédure.
Venons en à l’analyse de la stratégie utilisée depuis la première audience à Toulouse.
Je crois pouvoir affirmer que nous avons à ce stade, gagné notre pari : démontrer l’inéquité des procédures sélectives engagées par le Parquet.
Plus aucun Juge, ni homme politique, ni journaliste ne peut aujourd’hui ignorer le problème que représentent ces procédures sélectives, ces procès tronqués.
Problème d’équité, problème de droit. A cet égard, les deux décisions rendues par les Tribunaux de Toulouse et de Riom confirment s’il en était besoin que la question que nous avons soumise à la Justice était juste. Quoi qu’ait décidé la Cour d’Appel de Toulouse, quoi que décide la Cour de Riom, il restera toujours que deux Tribunaux, soit 6 Juges à ce jour ont considéré que la thèse juridique que nous avions développée était la bonne, contrairement aux affirmations du Procureur, et qu’il serait inéquitable et non-conforme au droit de ne juger de manière arbitraire que certains manifestants et pas les autres, dés lors que ceux-ci revendiquent leur participation à l’action.
La réaction que l’on observe aujourd’hui au niveau de la Cour de Toulouse et aussi du Tribunal d’Orléans est très intéressante : Les Procureurs, sentant le danger des comparutions volontaires pour ces actions ainsi que pour d’autres ont décidé de situer le débat sur le terrain de la séparation des pouvoirs entre l’Accusation et les Juges et ont tenu à rappeler aux Juges que ce sont eux , les Procureurs , qui doivent avoir le dernier mot en matière de poursuites, ce que les Juges doivent à tout prix respecter faute de quoi, a dit le Procureur aux Juges d’Orléans « vous perdriez votre qualité à juger ». Lourde menace ! Et d’ailleurs leur a -t-il dit en substance, si vous les acceptiez comme comparants volontaires, je ne prendrai pas de réquisitions contre eux, ce qui est une manière aimable de dire aux Juges, je me moque bien de votre décision. Les Juges d’Orléans se sont notamment basés sur cette dernière affirmation pour juger que les comparants volontaires n’étaient donc pas recevables... à l’exact opposé de ce qu’avaient dit leurs collègues des Tribunaux de Toulouse et de Riom !
C’est dire d’une part que le débat juridique est loin d’être tranché et les analyses loin d’être unanimes, et d’autre part que vous avez mis le doigt sur un problème juridique et de principe de première importance relatif aux rôles respectifs du Parquet (donc du Ministre de la Justice) et des Juges.
Le premier estime qu’il a une absolue liberté de traduire qui il veut devant le Tribunal, même dans une action collective, les seconds, les Juges du siège, sont divisés : les uns estiment qu’il a raison ; les autres considèrent à l’inverse qu’une fois qu’ils sont saisis par le Procureur de faits consistant en une action collective indivisible, c’est eux et eux seuls qui sont compétents pour décider de juger toute personne revendiquant sa participation à cette action.
Quand on sait que le Procureur est statutairement soumis à l’autorité hiérarchique du Ministre de la Justice, autorité politique, tandis que les Juges sont indépendants, on mesure aisément le conflit de pouvoirs que soulève cette question, que vous avez bienheureusement portée, tant devant les Tribunaux que devant l’opinion publique.
C’est pourquoi je dis que vous avez déjà gagné, quelles que soient les décisions à venir. Plus personne ne pourra éluder ce débat qui entraîne pour le Ministre de la Justice des conséquences inattendues. Comment peut-il justifier devant l’opinion publique à qui il avait promis des sanctions sévères contre les faucheurs d’OGM, que la Justice ayant été saisie par plus de 400 faucheurs volontaires qui se sont auto- dénoncés, elle les a laissé repartir faisant d’eux des « relaxés involontaires » !
D’aucuns parmi vous s’inquiètent du glissement des procès vers cette question des comparants volontaires au préjudice du débat de fond sur les OGM, et les mêmes s’inquiètent des conséquences de cette stratégie qui conduit aujourd’hui ceux de Toulouse devant la Cour d’Appel sans avoir eu de procès devant le Tribunal, leur faisant perdre un degré de juridiction.
Les deux questions sont liées me semble-t-il.
Tout d’abord, imagine-t-on aujourd’hui, après ces débats et succès devant les deux premiers Tribunaux que l’on aurait pu se passer de nos demandes de comparutions volontaires et accepter d’emblée les procès tronqués que le Procureur tentait de nous imposer ? Imagine-t-on le procès de Toulouse se tenant en Novembre dernier avec les seuls prévenus, laissant à la porte 222 faucheurs ? Impensable non ?
Je dirai ensuite qu’on n’est jamais loin des OGM quand on parle des comparants volontaires puisque cette question est posée très clairement aux Tribunaux à partir d’un arrachage collectif d’OGM lequel puise sa force à la fois dans le mode d’action (non-violent, à visage découvert), dans le nombre des faucheurs, et dans la détermination individuelle qui s’exprime contre les essais en plein champ. Nous avons d’ailleurs chaque fois largement abordé la question de fond devant les juridictions pour justifier la nécessité d’accueillir les comparants volontaires et avons d’ores et déjà développé un certain nombre d’arguments que nous reprendrons lors du débat de fond.
D’autre part l’enjeu de la reconnaissance de l’action collective, reconnaissance maintenant acquise quoiqu’il en sera in fine de la recevabilité juridique des comparants volontaires, valait bien selon moi le « risque » de se voir priver d’un degré de juridiction, sachant en outre que cette privation nous donne un moyen de droit supplémentaire devant la Cour Européenne.
Car, et c’est par là que je terminerai, il est clair que ce débat des comparants volontaires ne fait que commencer ; il sera nécessairement débattu devant la Cour de Cassation et surtout, par la suite, devant la Cour Européenne qui devrait être d’autant plus intéressée que ce débat repose à nouveau la question du rôle du Procureur en France, question que nous lierons au débat concernant le droit des citoyen(ne)s de revendiquer jusque et y compris devant les Tribunaux, leur participation active à une action de désobéissance civique. Vous le voyez, le débat est loin d’être terminé et nul doute qu’il restera présent lors des procès au fond devant les Cours et Tribunaux même lorsque ceux-ci auront cru devoir s’incliner devant la position du Procureur.
François ROUX Avocat
Le 20 Avril 2005
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