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Monsanto pourrait commercialiser Terminator |
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Le géant de la biotechnologie revient sur son engagement relatif à la technologie de stérilisation des semences alors qu’une alliance mondiale en exige l’interdiction.
21 février 2006
Monsanto, la plus grosse firme de semences et d’agrobiotechnologie au monde, s’est engagée publiquement en 1999 à ne pas commercialiser la technologie Terminator - la modification génétique des plantes pour rendre leurs semences stériles. Monsanto déclare maintenant qu’elle pourrait après tout développer les semences suicides ou les utiliser. Selon l’engagement révisé, la société pourrait utiliser les semences Terminator pour des cultures non alimentaires, n’écartant pas la possibilité de les utiliser à d’autres fins à l’avenir. [1] Cette nouvelle position de Monsanto est révélée à l’heure où l’industrie des semences et de la biotechnologie doit affronter les agriculteurs, les paysans, les peuples autochtones et leurs alliés, dans une lutte sur le sort de Terminator qui atteindra bientôt son point culminant aux Nations unies.
En 2000, la Convention des Nations unies sur la diversité biologique (CDB) a adopté un moratoire de fait sur les technologies de stérilisation des semences, connues sous le nom de technologies de restriction génétique ou GURT. À la rencontre de haut niveau qui se tiendra bientôt à Curitiba, au Brésil (du 20 au 31 mars), l’industrie de la biotechnologie va pourtant redoubler d’efforts pour renverser ce moratoire de fait adopté il y a 6 ans.
En réaction, plus de 300 organisations ont déclaré aujourd’hui qu’elles appuient l’interdiction mondiale de Terminator, estimant que les semences stériles constituent un danger pour la biodiversité et qu’elles vont détruire le gagne-pain et la culture du 1,4 milliard de personnes qui ont besoin des semences prélevées à la récolte pour survivre.
« Les agriculteurs et les peuples autochtones du monde entier ne peuvent pas se fier à Monsanto », déclare Alejandro Argumedo, d’Asociación ANDES - Potato Park à Cuzco, au Pérou. « La promesse non tenue de Monsanto est une trahison mortelle, parce que la conservation des semences est un élément vital de la sécurité alimentaire et de l’autodétermination des agriculteurs et des peuples autochtones. »
Développée à l’origine par le département de l’Agriculture des É.-U. et la firme semencière Delta & Pine Land, la technologie Terminator empêche les agriculteurs de conserver et réutiliser les semences prélevées à la récolte, pour les forcer à acheter de nouvelles semences à chaque saison de culture [2].
Devant le tollé mondial, Monsato s’est engagée publiquement en octobre 1999 à ne pas commercialiser les semences Terminator. Le P.D.G. de l’époque, Robert Shapiro, affirmait alors dans une lettre ouverte à la Rockefeller Foundation : « Je désire vous informer que nous nous engageons publiquement à ne pas commercialiser les technologies de stérilisation des semences, dont celle que l’on appelle Terminator. »
Monsanto revient sur cet engagement, le limitant aujourd’hui aux seules cultures alimentaires. On pourrait donc utiliser les gènes de stérilité de Terminator pour le coton, le tabac, les cultures et graminées pharmaceutiques. Citant les nouvelles versions de GURT, Monsanto tient maintenant ce discours : « Monsanto n’exclut pas la possibilité de développer et d’utiliser l’une de ces technologies à l’avenir. La société continuera d’étudier les risques et les avantages de ces technologies au cas par cas. »
« Cette nouvelle version de la promesse de Monsanto évoque l’intervention récente d’une poignée de pays riches qui ont fait la promotion de Terminator à l’ONU », souligne Chee Yoke Ling, du Third World Network. « Il semble que Monsanto et d’autres grandes firmes tirent les ficelles de la stratégie favorable à Terminator présentée aux prochaines rencontres de la CDB. »
Cette position de Monsanto fait partie des manoeuvres de l’industrie en vue de miner le moratoire de fait. De concert avec l’industrie de la biotechnologie, les délégués du Canada, de l’Australie et de la Nouvelle-Zélande ont profité depuis un an des rencontres de l’ONU pour introduire un nouveau libellé qui sera étudié le mois prochain à la rencontre de la CDB au Brésil [3]. On y recommande d’étudier les technologies Terminator selon une « évaluation des risques au cas par cas », les termes utilisés par Monsanto dans sa nouvelle promesse.
Cette formule au cas par cas revient à accorder à Terminator le même statut qu’à toute autre culture génétiquement modifiée. Cela ne tient pas compte de l’impact particulièrement dévastateur de la stérilisation génétique des semences sur l’ensemble de la société.
« Terminator menace directement les agriculteurs et les peuples autochtones, ainsi que la souveraineté alimentaire et le bien-être de toutes les populations rurales, surtout les plus pauvres », fulmine Chukki Nanjundaswamy, de l’Inde, représentant La Via Campesina, une organisation regroupant des dizaines de millions de petits agriculteurs dans le monde. « Si Monsanto force la main de l’ONU et qu’on autorise l’évaluation au cas par cas de Terminator, on va voir les agriculteurs quitter leurs terres, un cercueil après l’autre. »
« Ces firmes veulent purement et simplement qu’on ne puisse plus cultiver quoi que ce soit sans détenir une licence de Monsanto ou d’un autre maître de la stérilité et de la reproduction », explique Benny Haerlin, de Greenpeace International. « Elles poussent leur stratégie étape par étape, au cas par cas, selon leurs termes actuels. Si les États cèdent à Monsanto à la CDB et qu’ils affaiblissent le moratoire sur Terminator, c’est nous qui devrons en payer le prix - avec pour dommage collatéral l’intégrité de la nature et sa fertilité. »
La campagne Interdire Terminator dévoile aujourd’hui le nom de plus de 300 organisations qui exigent l’interdiction de Terminator - voir la liste à : http://www.banterminator.org/appuis.
Représentant toutes les régions du monde, elles rassemblent mouvements paysans et organisations agricoles, peuples autochtones, groupes de la société civile, groupes de défense de l’environnement, syndicats, groupes confessionnels, organismes de développement international, mouvements de femmes, organismes de protection des consommateurs et réseaux jeunesse.
« Le plus inquiétant, c’est que la promesse révisée de Monsanto n’écarte plus la possibilité de commercialiser cette technologie dangereuse », prévient Lucy Sharratt de la campagne Interdire Terminator. « Nous exhortons les États à rejeter les tactiques de Monsanto pour adopter plutôt une interdiction totale de Terminator.
Nous invitons toute la société civile et tous les mouvements sociaux à se joindre à nous dans la bataille contre Terminator qui aura lieu le mois prochain au Brésil. »
FIN
Notes
[1] On peut consulter le nouvel engagement de Monsanto en ligne : http://www.monsanto.com/monsanto/co.... Pour voir le texte intégral de l’engagement initial et sa version révisée : http://www.interdireterminator.org
[2] Delta & Pine Land présente Terminator comme un système de protection de la technologie (SPT). Terminator est actuellement testé en serres et Delta & Pine Land promet de le commercialiser d’ici quelques années.
[3] En février 2005, lors de la réunion à Bangkok de l’Organe subsidiaire de la CDB chargé de fournir des avis scientifiques, techniques et technologiques (OSASTT), des délégués du Canada ont tenté dans une manoeuvre surprise de renverser le moratoire en autorisant les essais en champ et la commercialisation de Terminator.
Le mois dernier, lors d’une autre rencontre préparatoire à Grenade, en Espagne, du Groupe de travail sur l’article 8 (j), l’Australie a elle aussi attaqué le moratoire, sur les conseils d’un représentant du département de l’Agriculture des É.-U. Voir à ce sujet le communiqué de presse du 27 janvier 2006 : http://www.interdireterminator.org
Auteurs divers
Création de l'article : 5 mars 2006
Dernière mise à jour : 3 mars 2006
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Monsanto pourrait commercialiser Terminator
13 mars 2006, par
Concraitement, pouvons nous faire quelque chose pour éviter que Monsanto ne finisse par tous nous écraser ? Des pétitions, des tracts, une mobilisation ? Je suis aveyronnaise et je suis tombée par hasard sur votre article... Sans lui, je n’aurais pas été alarmée. Que conseillez vous de faire aux citoyens qui sont motivés pour transmettre l’information ?
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