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Des bouffons au Sénat — de qui se moque-t-on ? |
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Voici un témoignage, probablement maladroit, mais brut de pomme, de ce que Christian Vélot a vu au Sénat mardi 21 mars ; certaines accusations sont injustes, et ce texte n’aurait sans doute pas dû être publié tel quel : il y a une différence entre ce que l’on peut dire sous le coup de la colère et ce que l’on publie après réflexion. Cependant le fond du texte reste un témoignage intéressant et nous le publions, suivi de la réponse de D. Voynet
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Je faisais partie hier de la délégation de militants anti-OGM qui est allée au Sénat écouter les « débats » sur le projet de loi.
Je crois que je n’aurais pas dû. Alors que j’avais passé une bonne journée militante qui, comme à chaque fois, regonfle les batteries et redonne plein d’espoir, à commencer par un débat à 10h30 le matin sur i-télé aux côtés de Noël Mamère et face aux VRP de la transgenèse généralisée que sont Houdebine et Ledéaut, je suis rentré chez moi complètement abattu, désabusé, avec un étrange mélange de sentiment de révolte et d’envie de pleurer.
Aujourd’hui, je ne suis toujours pas remis et je n’ai que le clavier de mon ordinateur comme remède car j’éprouve un immense besoin de faire partager le triste spectacle auquel j’ai assisté hier dans l’hémicycle de la rue de Vaugirard.
Premier coup derrière les oreilles : le nombre de sièges vides. Sur 331 sénateurs, seulement 49 étaient présents en ouverture de séance, et il n’en restait plus que 35 après une demi-heure ! Je me dis alors qu’il doit au moins y avoir tous ceux qui sont (ou qui prétendent être) concernés par le sujet, et notamment qui sont censés défendre nos positions. On a bien cherché (c’était facile, ils n’étaient pas nombreux) : pas de Dominique Voynet, qui était pourtant venue le matin même faire de belles déclarations lors de la conférence de Presse ! Aucune présence non plus de Jean-Luc Mélenchon, proche de José Bové depuis la campagne contre le TCE, et pour lequel il est sans doute moins payant de venir faire son boulot au Sénat que se pavaner debout sur un banc du trottoir du boulevard Arago pour être certain de bien être remarqué pendant le passage de la manif anti-CPE de samedi dernier. Je l’ai d’autant plus amère qu’aux dernières sénatoriales (2004), j’ai fait partie, avec mon ami Raymond Leduc de la Confédération Paysanne, du comité de soutien de Jean-Luc Mélenchon (candidat en Essonne avec Bernard Véra et Claire-Lise Campion)...
Au delà de cet absentéisme pitoyable, reste le déroulement des « débats » : à pleurer (ou hurler mais on ne pouvait pas) ! Un brouhaha incroyable ! Personne ou presque n’écoute l’intervenant qui fait (ou plutôt qui lit) son discours. Chacun parle dans son coin avec ses voisins ou y va de ses petites activités personnelles. J’ai dix fois moins de bruit dans un amphithéâtre de 200 étudiants d’une moyenne d’âge de 20 ans, et sans que j’ai besoin d’ exercer la moindre autorité. L’intervenant pourrait s’adresser à la porte de ses chiottes, ça ferait le même effet.
Du balcon où nous étions situés, nous avions une vue plongeante sur les pupitres des sénateurs du groupe UMP. Pas un seul n’avait le projet de loi sous les yeux ! Raffarin et ses potes ont passé leur temps de présence (environ 30 minutes) à causer entre eux et se marrer, certains tournant carrément le dos à l’intervenant. D’autres remplissaient des dossiers, regardaient leur agenda. Deux sénatrices au fond de l’hémicycle (et donc juste en dessous de nous), après avoir regardé ensemble un album photo, s’ échangeaient leur permis de conduire, leur pièce d’identité, sans doute pour mieux constater sur leur face de rat les dégâts provoqués au cours du temps par les crèmes à l’ADN végétal de chez Dior. Un autre montrait à son voisin des photos d’une maison imprimées en couleur sur du papier A4, probablement la résidence secondaire qu’il vient de s’acheter avec les 120 000 euros annuels qu’il perçoit pour venir se gratter les couilles au Sénat, une autre encore réorganisait ses papiers et ses billets de 20 euros dans son portefeuille... Et le plus drôle (enfin, façon de parler), c’est qu’à la fin d’une intervention, et uniquement s’il s’agissait bien sûr d’un intervenant de leur groupe, ils applaudissaient comme des automates.
En ce qui concerne les interventions elles-mêmes, les âneries de ceux qui défendaient le texte étaient à la hauteur de leur méconnaissance du dossier. Quand à ceux qui étaient censées intervenir dans notre sens, il est clair que je ne les choisirais pas comme avocats, à moins que je ne souhaite être assuré de faire de la prison à vie : mous du genoux sur le fond, monocordes et sans aucune conviction sur la forme. Eux non plus n’avaient probablement pas lu le projet de loi, ...à moins qu’ils n’aient tout simplement pas vraiment envie de s’y opposer.
Bref, à pleurer vous dis-je ...
Peut-être suis-je trop naïf, ou peut-être ai-je tendance à prendre les choses trop à coeur ? Je ne sais pas. Toujours est-il que n’y tenant plus, au bout d’une heure j’ai décidé de partir, l’âme en peine, avec le profond sentiment d’avoir été brusquement télé porté plus de deux siècles en arrière, et de savoir de moins en moins ce que signifie « démocratie ».
Christian Vélot
la réponse de Dominique Voynet
Réponse de Dominique VOYNET à Christian VELOT
Bonsoir,
Je viens de lire ton long message, désabusé quant au fonctionnement du Sénat. Pour ma part, je ne suis pas mécontente que tu aies pu constater par toi-même la façon dont ça se passe. Même s’il y a aussi des gens qui font correctement leur boulot, à gauche et même... à droite. Tu as été choqué de constater qu’il y avait peu de sénateurs dans l’hémicycle. Certains ne sont jamais là (et ils ne sont guère respectés par ceux qui font leur boulot), d’autres cumulent ou ne viennent qu’une semaine sur deux ou trois (ceux des DOM/TOM). Mais la plupart sont présents, et plus actifs qu’on ne le dit (même les Pasqua et autres Dassault, hélas...). Seuls sont généralement présents en séance publique les membres de la commission qui a examiné et amendé le projet de loi, article par article, ligne à ligne. Pendant que la séance se tient, il y a plein d’autres réunions, examinant des projets de loi inscrits au programme de travail des autres commissions, et des auditions, et des commissions d’enquête, et des groupes de travail... Ainsi hier, je devais être à dix heures en commission des affaires étrangères (pour une audition du chef d’état-major des armées sur la présence française en Afrique subsaharienne). Puis j’ai reçu les élus du conseil général de Seine-St-Denis (dont le budget explose en raison de l’augmentation de "bénéficiaires" du RMI). Je suis ensuite allée à la réunion de la mission sénatoriale sur la politique de la ville et les quartiers en difficulté. Puis j’ai rédigé une question au gouvernement sur un projet d’exploitation d’une mine d’or en Guyane, j’ai envoyé un message de soutien aux élus mobilisés contre la construction d’un incinérateur d’ordures ménagères à Fos sur Mer. Sans oublier la réponse à la demande de France Nature Environnement sur la gouvernance du secteur nucléaire. Pendant ce temps, il y a des lycées occupés dans mon département (j’imagine que d’autres militants d’Attac se demanderont ce que je pouvais bien faire de si important au Sénat, qui justifie que je ne sois pas "sur le terrain") et des sans papiers raccompagnés à la frontière (les démarches auprès des préfets sont hélas de plus en plus souvent inefficaces...). Tu noteras que je ne me plains pas : j’explique.
Concernant les Verts, tu ne le sais peut-être pas, mais nous ne sommes que quatre, pour couvrir le programme de travail des six commissions. Nous n’avons personne à la commission des affaires sociales. Ca ne m’a pas empêchée de passer des jours et des nuits en séance pendant l’examen du projet sur "l’égalité" des chances. Hélas, c’étaient les vacances scolaires et il n’y avait pas grand monde dans les tribunes ! Nous avons quand même tenu dix jours (et presque autant de nuits !) et ça a peut-être permis d’attendre que les jeunes se mobilisent.
Tu l’auras compris, comme la tâche est lourde, nous essayons de nous répartir intelligemment le suivi des principaux textes. Ainsi, pour les Verts, c’est Jean Desessard qui a été chargé de suivre le projet de loi sur les OGM, et qui s’est vu accorder un temps de parole dans le débat. Mais comme je me suis bien débattue, j’ai fini par obtenir 6 minutes de temps de parole, qui m’ont été confirmées... vers 13 heures mardi ! Je me suis donc enfermée dans mon bureau, après le "pique-nique" anti OGM" dans le jardin du Luxembourg, pour rédiger mon intervention, avec un oeil sur la télé interne. Ca m’a permis d’écouter le ministre et le rapporteur. Et de leur répondre d’une façon assez directe.
Ci-joint mon intervention, qui a été appréciée par la Confédération paysanne et Greenpeace. Mais pas par toi puisque, si j’ai tout compris, tu avais jeté l’éponge à ce moment là. Pour faire bonne mesure, je te joins aussi une partie de mes interventions sur le projet de loi sur la transparence nucléaire. La loi qui a été votée dans l’indifférence générale aurait, elle aussi, mérité une mobilisation des réseaux militants...
A ta disposition si tu souhaites poursuivre cet échange. J’espère que tu voudras bien relayer ma réaction aux membres de ton réseau ? Je veux bien prendre des coups quand je fais des conneries (ça m’arrive aussi) mais pas quand je bosse.
Dominique Voynet
Auteurs divers
Création de l'article : 27 mars 2006
Dernière mise à jour : 27 mars 2006
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Des bouffons au Sénat — de qui se moque-t-on ?
28 mars 2006, par Pitchounet
Bonjour, je ne voudrais pas paraitre pessimiste, mais dans un autre domaine, pour ne pas le nommer, celui de l’internet et donc au sujet du DADVSI, on peut avoir exactement le même sentiment d’incompétence de la part de nos élus, et de méconnaissance des dossiers ...
Non, non, vous ne rêvez pas, nous sommes bien en France, pays "Des mots cratiques", dont la plupart des élus savent juste suivre ce qu’on leur dit de faire .... et en l’occurence les directives des grands groupes d’affaires.
Tout le monde sait cela, mais visiblement, la grande majorité de nos concitoyens semblent être indifférents ou fatalistes face à ça.
Révolution ? Inutile vous diront certain, impossible penseront d’autre.
Aller voter ? ça sert a rien pensent un nombre de plus en plus important.
Mais que faire alors ? Euh, bin tu te vautre sur ton canapé devant tf1 en mangeant des chips ogm et tu réfléchis plus. De toutes façon on réfléchit à ta place ... Non, non, je déconne (O_-) ....
Plus sérieusement, j’ai une piste, petite mais ..., et à mettre en oeuvre avec d’autre bien sur : agissons directement sur la consommation, mais de façon beaucoup plus incisive que cela est fait actuellement.
Comment ? En boycottant au maximum tout ce qui est issu des grandes sociétés qui tentent d’imposer leur loi. Des petits exemples, au hasard :
Informatique : n’utiliser que linux et les logiciels libres ou des produits issus de petites sociétés.
Alimentation : s’interdire les supermaché et les grandes marques
Textiles : s’interdire les marque et produits importés dans des conditions inhumaines
Culture : se détourner des produits ostensiblements commerciaux
Déplacements : transports en commun, vélo, marche à pied, etc ...
Energie : favoriser les énergies alternatives, et surtout, limiter au maximum sa propre consommation
Médias : couper le cordon de sa télé, des radios commerciale, des journaux dominants ...
Gadget : ne plus avoir de portables, d’ipod, d’appareil photo numérique, organizeur en tout genre, etc ...
Finalement, en s’attaquant directement au portemonnaie des multinationales, et en se réorientant vers des structures à échelle plus humaines et plus éclatées, et même si cela prends un certain temps, il est possible que les élus soient plus sensible à certaines revendications ...
Et si nous réinventions une autre société dans les actes de tous les jours ?
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Des bouffons au Sénat — de qui se moque-t-on ?
23 mars 2006, par
En Moselle,nous avons rencontré les 5 sénateurs (3 PS- 1 UMP :président du Conseil général de Moselle-1 divers droite). Chacun a été sensible à nos arguments disant qu’ils interviendraient pour "relayer notre position" - "soyez assurés de la plus grande vigilance en la matière, afin que le projet de loi apporte une réponse sanitaire, environnementale et scientifique responsable, transparente et pragmatique" nous a écrit M.LEROY,président du C.G. de Moselle (UMP). Sans nous faire beaucoup d’illusions et compte tenu des échanges nous espérions un autre visage que celui relaté par Ch.Vélot au Sénat. Ca me fait flipper de voir, à l’heure où j’écris ces lignes, l’état de notre démocratie, la duplucité, la "menterie", les visages de ces faux-culs. J’ai plus de 65 ans, ça fait plus de 40 ans que je milite. Mais pour quoi ? pour qui ? Suis-je naïf au point de croire encore que quelque chose est possible ? Est-ce un mauvais rêve à 10h.41 ce matin ? Tant d’énergie dépensée,tous ces déplacements, tant d’acharnement pour avoir ces rencontres avec des fantôches qui n’auraient fait que du paraître ? J’ai la colère d’avoir passer 2 mois avec un copain de la Conf. pour "vendre" notre "marchandise"aux 15 parlementaires mosellans. Si la même chose arrive à l’Assemblée nationale ?... j’aurai la colère d’avoir été abusé à ce point. Toutes ces bonnes paroles, ces flatteries, ces flagorneries. Où achète-t-on une tour d’ivoire ? Jean Marie MIRE ;
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