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Le projet de loi sur la propriété intellectuelle sur les semences |
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Urgence ! Il faut stopper les textes de loi visant à modifier sans débat de société la propriété intellectuelle sur les semences !
Nous avons jusqu’au 7 mars pour stopper deux projets de loi qui ont déjà été débattus au Sénat.
En effet, le 2 février dernier, a été présentée au Sénat une loi modifiant le code de la propriété intellectuelle et le code rural relatif aux obtentions végétales (loi 145) et adoptant le régime UPOV 1991 (loi 144).
Par ailleurs, le ministre de l’agriculture souhaite faire adopter en urgence, le 23 février prochain, une loi prolongeant la période pendant laquelle un droit de propriété intellectuelle peut être exercé. Ce passage « en urgence » se justifierait pour une question de délais, puisque l’actuelle protection portant sur la pomme de terre se termine le 6 mars. Il ne s’agirait donc que de sauvegarder les bénéfices des firmes : ces variétés de pomme de terre (la « charlotte », par exemple), très largement distribuées, sont largement amorties depuis 20 ans. Rien ne justifie ce hold-up supplémentaire exercé sur les paysans, et, par voie de conséquences, sur les consommateurs.
Ce n’est pas un hasard si le ministre de l’agriculture a fait passer ces lois par la commission des affaires étrangères, où aucun sénateur proche des intérêts des paysans ne siège. Ce n’est pas un hasard non plus si ce texte est présenté alors que tous les yeux sont braqués sur le projet de loi traitant des OGM. Les agriculteurs sont en train de perdre le contrôle sur leurs semences, et nous, citoyens, sommes en train de perdre toute possibilité de contrôler ce que nous mangerons dans le futur.
Car celui qui contrôle les semences contrôle l’agriculture et la nourriture que nous mangeons.
Qu’est-ce que l’ UPOV ?
L’Union Internationale pour la Protection des Obtentions Végétales (UPOV) est un traité international signé pour la première fois en 1961, qui règle la rémunération des obtenteurs. Initialement, l’obtenteur devait recevoir des royalties sur la vente des semences pour une période limitée, après laquelle cette semence tombait dans le domaine public. Le traité a été révisé plusieurs fois au niveau international (les dernières fois en 1978 et en 1991), pour rapprocher de plus en plus le droit d’obtention végétale du brevet, et limiter progressivement le droit de l’agriculteur de ressemer sa récolte. Aujourd’hui, on nous présente donc comme un véritable risque le fait qu’une variété tombe dans le domaine public.
Au total, 31 États ont ratifié le régime UPOV 1991, tandis que dans 20 États, le régime UPOV 1978 est toujours en vigueur. La Norvège vient de rejeter UPOV 1991. Au Canada, les paysans ont fait campagne avec succès l’année dernière pour stopper à la dernière minute sa ratification.
Pourquoi beaucoup d’États ont signé UPOV 1991 sans que leurs Parlements l’aient ratifié ?
Jusqu’à aujourd’hui, la résistance des organisations agricoles et des consommateurs était telle que les lobbies des grandes firmes semencières n’ont pas réussi à imposer auprès des parlementaires une mesure aussi impopulaire.
Quelle est la différence entre UPOV 1978 et UPOV 1991 ?
La différence entre UPOV 1991 et UPOV 1978 réside dans le droit de l’agriculteur de ressemer sa récolte. Selon UPOV 1978, l’agriculteur conserve le droit de faire nettoyer et de conditionner sa récolte pour la réutiliser comme semence. Il n’a pas besoin de prouver chaque fois qu’il a acheté la semence. Il paie des royalties à l’obtenteur seulement la première année, à l’achat, et pas pour les générations suivantes. Mais cet état de fait ne convient pas aux semenciers, qui veulent récolter des royalties tous les ans. En France ils ont déjà réussi à imposer une « contribution volontaire obligatoire » pour le blé tendre, qui est prélevé sur toute récolte de blé vendue, et redistribuée aux semenciers.
Avec UPOV 1991 l’agriculteur perd le droit de ressemer. L’obtenteur reçoit le « droit exclusif de produire, reproduire, conditionner aux fins de la reproduction ou de la multiplication, offrir à la vente, ou commercialiser sous toute autre forme, exporter, importer ou détenir à une des fins ci-dessus mentionnées du matériel de reproduction ou de multiplication de la variété protégée ». La Convention internationale laisse à la discrétion des États le fait d’introduire un privilège de l’agriculteur pour ressemer sa récolte. Selon la loi française (loi 145) accompagnant la ratification de UPOV 1991, et notamment dans l’article 16 (L 623-24-1), les agriculteurs peuvent obtenir une dérogation au droit exclusif des obtenteurs de reproduire la semence sur les espèces énumérées par un décret du conseil d’État. Cela signifie que les agriculteurs dépendront du bon vouloir du Conseil d’État pour pouvoir ressemer la récolte de certaines espèces, déterminées par décret, et donc sans procédure de débat démocratique. Ce qui est jusqu’à ce jour un droit deviendrait une exception à la règle. De plus, l’agriculteur qui ressèmerait sa récolte sous dérogation devrait « une indemnité » à l’obtenteur.
Pourquoi priver les agriculteurs du droit naturel de ressemer leur récolte qu’ils exercent à notre profit depuis des millénaires ?
Il n’y a pas d’autre raison que le désir des firmes semencières d’augmenter leurs bénéfices, sur le dos des agriculteurs et du contribuable qui subventionne l’agriculture. La raison donnée officiellement pour adopter UPOV 1991 est que les obtenteurs européens craignent la concurrence des firmes biotech américaines et européennes, qui vont insérer des gènes protégés par un brevet dans leurs variétés. Mais avec la nouvelle loi, qui stipule que les obtenteurs gardent un droit sur une variété dans laquelle un gène a été inséré (« variétés essentiellement dérivées »), les obtenteurs et les firmes biotech pourront se partager les dividendes, en faisant payer l’agriculteur deux fois : pour le COV et pour le brevet.
Comment ce nouveau droit de l’obtenteur est-il imposé ?
Le droit de l’obtenteur est imposé par des mécanismes draconiens. L’agriculteur qui ne se conforme pas aux obligations imposées par cette loi est poursuivi pour contrefaçon. De même, les prestataires de services de triage deviennent de vrais policiers qui feront appliquer cette loi.
Que gagnent les firmes semencières ?
Elles gagnent un droit exclusif sur les semences.
De plus, les firmes semencières obtiendraient avec cette loi le droit de poser un certificat d’obtention végétale sur des variétés qu’elles n’auraient pas sélectionnées elles-mêmes, mais qu’elles auraient tout simplement découvertes et « développées » (c’est à dire rendues homogène et stable conformément aux exigence pour obtenir un COV). Une variété ou population « découverte » dans le champs d’un agriculteurs traditionnel, par exemple, serait concernée (art 3/ art L 623-2). Dans le même temps, les tentatives pour créer un catalogue alternatif pour les variétés et populations paysannes ( dites « variétés de conservation »), qui les protègerait de l’appropriation par les grands semenciers, sont au point mort [1]. Cette nouvelle loi ouvre donc grand la porte à l’expropriation des agriculteurs de leurs droits traditionnels de ressemer. Elle vise à permettre une appropriation par les semenciers des variétés non inscrites au catalogue officiel du fait qu’elles ne sont pas génétiquement homogènes, et possèdent une variabilité beaucoup plus grande que les variétés commerciales.
Pour la commission OGM d’ATTAC,
Birgit Müller
Notes
[1] La personne responsable pour rédiger au niveau européen un projet de loi pour protéger la biodiversité agricole par un catalogue alternatif a été démise de ses fonctions.
Auteurs divers
Création de l'article : 12 avril 2006
Dernière mise à jour : 3 avril 2006
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