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Le procès en appel des comparants volontaires du 15 mai 2006 à Orléans |
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Au nom de la séparation des pouvoirs de poursuite et de jugement, le Parquet enjoint le Tribunal de ne pas s’auto-saisir des demandes de comparution volontaire. Au nom de cette même séparation des pouvoirs de poursuite et de jugement, les avocats des Faucheurs accusent le Parquet de rendre la Justice...
Le 15 mai 2006, la Cour d’Appel d’Orléans examine le jugement de première instance concernant les fauchages de Gréneville et Neuville. Un second appel a été émis, concernant les 44 comparants volontaires déboutés le 17 avril 2005 et qui veulent toujours comparaître.
Le Président souhaite disjoindre les deux affaires. Les deux parties en sont d’accord, ainsi que le Ministère Public. L’affaire des comparants volontaires est examinée en premier.
Les 4 avocats de la défense, Maîtres Etelin, Comte, Roux et Susini, représentent les 36 comparants volontaires qui, un an après avoir été déboutés, réclament encore de comparaître devant la Justice. Le Président procède à l’appel des 44 noms. Une dizaine de comparants volontaires sont présents à l’audience dans le public. L’Avocate générale sollicite une suspension d’audience qui lui est accordée.
L’avocat de Monsanto, Maître Lebreton, s’en remet à la sagesse de la Cour. L’Avocate Générale reprend, en le simplifiant, le raisonnement du Procureur lors de l’audience du 13 avril 2005 (voir procès des Faucheurs du 13 avril 2005 ). Elle explique que les articles 388 et 389 du Code pénal cités par la défense ne s’appliquent pas. Le Tribunal ne peut statuer que sur les prévenus cités par le Ministère Public, et ceux qui "prétendent" avoir été coauteurs des faits de Gréneville n’ont pas été cités. Le Tribunal ne peut procéder à une autosaisine, ce serait contraire au principe de séparation entre l’autorité de poursuite et l’autorité de jugement, entre le Ministère public et le Siège. En conséquence, L’Avocate générale demande le rejet de l’appel.
Une difficulté de forme apparaît. Le Président s’inquiète de la validité de l’appel des comparants volontaires. Peut-on intervenir devant la Cour d’appel sur appel de tiers ? Personne ne semble avoir un avis fondé. D’autre part, les avocats de la défense ont en charge 42 comparants volontaires (dont 32 mandats écrits). Le Président, lui, a 44 noms. Qui sont les deux comparants inconnus des avocats ? Une plaisante ambiance d’improvisation s’installe pour un instant, rendant la Justice moins formelle, moins guindée, plus humaine... L’Avocate générale propose de statuer sur le fond avant de s’intéresser éventuellement à la forme... La Cour et la défense se rangent à cet avis.
Marie-Christine Ételin attaque le pouvoir du Parquet en France. C’est un pouvoir qui ne lui est pas conféré par la Loi mais qu’il s’attribue lui-même. Pour le moment, les Cours lui reconnaissent ce pouvoir. Mais, ça ne va pas durer, la Cour européenne, dès qu’elle sera saisie, va demander à l’État français de réduire les pouvoirs du Parquet. Il est logique que l’affaire de fauchage d’OGM révèle ce problème. Le Parquet a choisi de poursuivre un fait. Le Tribunal est saisi de ce fait. Ce fait a été commis en réunion. Est-il logique que le Parquet puisse disposer des suites de son choix en poursuivant et ne poursuivant pas qui il veut sur un mode discrétionnaire et sans explication ? À l’évidence, non. L’aspect discriminatoire des poursuites viole l’équité du procès et heurte la Convention européenne des Droits de l’homme.
François Roux se fait le porte-voix des comparants volontaires : "Nous voulons comparaître en même temps que les prévenus et être relaxés en même temps qu’eux". Il revient sur l’historique des Faucheurs comparants volontaires. Pour le fauchage de Menville, le Procureur de Toulouse a poursuivi 7 personnes en leur reprochant une destruction en réunion de plus de 400 personnes ! Et le Tribunal de Toulouse a alors donné raison aux comparants volontaires en les joignant à l’affaire. Le nombre de prévenus n’est pas indifférent à l’issue du procès. Ce n’est pas la même chose qu’une personne fauche 100 épis de maïs ou que 100 personnes fauchent chacune un épi de maïs. François Roux rend hommage au mouvement des Faucheurs, citoyens de toutes origines et de tous lieux. "On ne devient pas un désobéissant à la Loi par hasard". C’est pour cela que les comparants volontaires veulent s’expliquer. Certains, comme les fonctionnaires, risquent gros à vouloir comparaître. Question récurrente au Ministère public, pourquoi 44 prévenus au lieu de 88 ? De plus, le 27 octobre 2005, le Ministère public s’étant trompé dans la convocation de 5 des 49 prévenus, c’est au cours de l’audience que la situation de ces 5 personnes a été réglée... grâce à la comparution volontaire ! À propos de la Cour de cassation, il n’y a pas d’arrêt concernant les comparants volontaires. François Roux accuse le Parquet de vouloir instrumentaliser le Tribunal. Mais en final, c’est le Tribunal qui doit avoir, qui a le dernier mot, pas le Parquet.
L’affaire est mise en délibéré. L’arrêt sera rendu le 27 juin 2006.
Louis Amigo
Création de l'article : 25 mai 2006
Dernière mise à jour : 25 mai 2006
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Le Parquet rend la Justice
25 mai 2006, par
En écrivant cet article, je me suis rendu compte que les arguments des avocats des Faucheurs peuvent être expliqués avec des mots simples et compris par des non-juristes.
Le principe de base, comme souvent en démocratie, est la séparation des pouvoirs. Le pouvoir de poursuite est confié au Parquet qui obéit au Gouvernement. Le pouvoir de jugement est assuré par le Tribunal composé de juges du Siège qui obéissent à la Loi.
Dans l’affaire des comparants volontaires, le Parquet refuse de prendre en compte leur demande et de les citer à comparaître. De plus, le Parquet met en garde le Tribunal contre la tentation de s’auto-saisir des demandes de comparution volontaire. Le Tribunal enfreindrait alors la séparation et se transformerait en autorité de poursuite.
Mais il y a le raisonnement inverse... Le Parquet dispose des photos des comparants volontaires en action de fauchage à Gréneville, des relevés d’identité faits par la Gendarmerie, des demandes de comparution... Le Parquet choisit de poursuivre certains et de ne pas poursuivre d’autres, sur un mode apparemment arbitraire. Refuser de poursuivre les comparants volontaires, c’est une façon de les innocenter, de les absoudre, de prononcer une sorte de non lieu, c’est rendre la justice. Et là-aussi, il y a transgression de la séparation.
Alors, quelle est la pire des transgressions ? Que le Tribunal élargisse de lui-même le nombre de prévenus ? Ou que le Parquet, donc le Gouvernement, rendent la justice ?
À mon avis, c’est beaucoup moins grave que le Tribunal accède à la demande des comparants volontaires. Il est certain que la façon de s’en sortir honorablement pour tout le monde aurait été que le Gouvernement fasse preuve de responsabilité et ordonne au Procureur de poursuivre les comparants volontaires...
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