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Action anti-OGM du 4/11/2006 : un témoignage |
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Je témoigne de ce que j’ai vu ce samedi.
Aux environs de 13 heures, j’étais devant les deux silos. Je venais de faire passer ma bouteille d’eau noircie. Bien noire, au brou de noix. Bravo. Je fus producteur de noix !
Des personnes en arrière crient : "voilà le propriétaire qui arrive ! Il est bien pressé ! Ca fume !" En effet la poussière volait. Il arrivait par les champs de l’autre côté de la route. Je reculais et je vis son 4X4 blanc arriver en trombe dans la cour, s’arrêter près de ma voiture. Une femme grande et assez jeune en descendit. Puis il continua pour se garer au fond de la cour à gauche des silos.
J’étais contre la grosse citerne (de gaz ?) à gauche des manifestants. Tout d’un coup je le vis surgir devant moi, apparaissant de derrière la cuve.
Je lui barrais le passage. Il tenait un fusil à deux coups, vieux apparemment. Il s’arrêta face à moi à quatre mètres environ. Je vis le canon face à mon ventre. Il brandissait son fusil et nous cria : "Foutez le camp. Partez tout de suite." Il le répéta deux fois. Nous étions entre trente et cinquante en arrière des silos. Les autres étaient montés ou entre les silos. Il ne les voyait pas. Nous étions éparpillés. Il comprit ou vit la banderole et des gens sur la passerelle. Il pointa son fusil au-dessus de ma tête et tira. Comme je tournais le dos au silo je ne puis dire s’il tira au-dessus ou en dessous du toit. A mon avis il visa sous le toit. Plusieurs personnes photographiaient.
La femme était près de lui. Le temps qu’il arrive avec son fusil, elle écrivait des numéros de véhicules. Elle téléphonait aussi. Elle s’approcha de lui. Tout d’un coup, un faucheur surgit de ma gauche et bondit sur lui. Il agrippa le fusil et tenta de le lui prendre. Une lutte s’en suivit. Le faucheur, moins costaud ne put le lui prendre. Il fut repoussé et le fusil braqué contre son ventre. La femme s’entreposa, à mon avis aida et défendit l’homme, peut-être son père, et s’opposa au faucheur. Elle lui laissa le fusil. Pour moi, elle était bien avec lui et non entre eux.
Il pointa plusieurs fois son fusil face au ventre de faucheurs qui s’approchaient de lui, parfois le fusil était à trente centimètres. Trois fois je le vis pointer sur moi, face à moi. Je le fixais dans les yeux, mais lui ne me regardait pas. Il avait le regard hagard. Il dut mieux voir en haut du silo, s’habituant à la pénombre sous le toit. Alors il s’approcha de moi, s’arrêta à deux mètres, visa le haut du deuxième silo vers la passerelle et tira. Juste au-dessus de ma tête. Le coup fit moins de bruit que le premier. L’amorce de la cartouche fut percutée mais la cartouche resta intacte.
Je lui barrais le passage vers les silos. Il fit le tour derrière les manifestants et revint en courant vers l’échelle entre les silos, le fusil toujours à la main. Mais il n’y avait plus de cartouche. Plusieurs faucheurs se jetèrent alors sur lui, le faisant tomber. Ils réussirent à lui arracher son fusil. Un ou deux s’enfuirent vers la droite, vers la voie ferrée avec le fusil pour le cacher et surtout le mettre hors de portée.
L’homme se releva, s’éloigna des silos. Plusieurs faucheurs l’interpellaient. Puis, il sembla découvrir le tuyau bleu d’eau. Il comprit qu’on arrosait le maïs en haut du silo. Furieux, il se jeta sur le tuyau et tenta de fermer la vanne. Puis voulut arracher, débrancher le tuyau. L’eau gicla. Je fus aspergé, moins que les plus près, lui aussi. La femme observait de plus loin et téléphonait. Il réussit à la deuxième tentative à débrancher le tuyau et à fermer la vanne. Quelques faucheurs l’abordèrent. Je n’entendais pas. Il me sembla qu’il appelait ou nommait José Bové.
C’est alors que la première voiture de gendarmes (deux !) arriva. Des faucheurs les emmenèrent retrouver le fusil. Ils n’étaient pas présents au moment des coups de feu et ne peuvent donc dire qu’il ne tira qu’un coup de feu. J’ai bien entendu le deuxième. Un temps qui me parut bien long, je le crus pour moi. Je n’avais pas peur, il me visait le ventre, à deux mètres. Il ne pouvait pas passer à cause de moi. S’il tirait, il était alors facile à désarmer, le fusil ne contenant que deux cartouches. Etait-ce mon jour, mon destin ? Non.
Les faucheurs descendirent de la passerelle et de l’échelle. Ils comprirent alors le danger. José et d’autres essayèrent de s’expliquer avec lui. Il ne semblait pas entendre, comprendre. Il s’éloigna vers la gare, rejoint par la femme.
Plusieurs dirent qu’il fallait porter plainte. Deux autres gendarmes arrivaient. La décision fut prise de notre départ. Tout le monde remontait dans les voitures. La mienne était garée au milieu devant la cabine du pont bascule à côté d’une autre. Plusieurs étaient garées sur la gauche, les autres le long de la route. Une route secondaire que j’avais prise en septembre. J’avais remarqué ces bâtiments et les silos juste avant la voie de chemin de fer. Je lus sur la boîte "SARL Euro-Lys" ( je ne suis plus sûr si c’est sarl ou scea).
D’autres gendarmes étaient-ils arrivés ? Peut-être. Je commençais à reculer pour sortir lorsque je vis le 4X4 blanc arriver du fond de la cour à gauche et foncer sur la portière avant de la voiture la plus près de lui. Il l’enfonça. Puis il recula et s’apprêta à nouveau à foncer. La voiture qui était à ma gauche avait plus reculé que moi, j’étais ainsi seul face à lui. Mais il choisit le gros véhicule blanc qu’il tamponna par derrière violemment. Celui-ci percuta la voiture devant lui, celle marquée Sud-Ouest, et rebondit pour s’enfoncer dans le fossé devant un container avec une grande antenne. Le 4X4 recula, se tourna vers nous. Pas moyen de sortir de là. Il allait nous rentrer dedans en travers contre ma porte. Il hésita. La voiture bleu marine à ma gauche fonça devant moi, passa à ma droite sur le pont bascule. Ma voiture fut alors seule, isolée. Allait-il choisir la bleue ? Il nous sembla que oui, car il fonça de l’autre côté du bâtiment de la bascule. La bleue passa. Nous la suivîmes et nous arrêtâmes à cent mètres sur le bord de la route vers la droite. Ouf de soulagement des quatre occupants de la voiture. Une bonne poussée d’adrénaline. Plusieurs gendarmes étaient arrivés. Fin du tamponnage. Il était entouré. Par des gendarmes et par des faucheurs.
Pas de blessés. De la peur. Nous nous réunissons. Nous demandons aux gendarmes de constater les accidents. Ils prirent des notes. Qu’ils le fassent souffler dans le ballon ! Oui, mais répondirent-ils, que les propriétaires des véhicules accidentés soufflent aussi ! Nous demandons qu’ils enregistrent notre plainte pour tentative d’homicide volontaire. Nous remplissons des feuilles avec notre nom notre adresse et notre signature. Je la remplis. Le numéro de ma voiture a certainement été relevé. Je témoignerai. Un gendarme demande les pièces d’identité. J’allais présenter la mienne de citoyen du monde, mais le gendarme abandonna.
Nous montâmes dans nos voitures pour partir lorsque quelqu’un cria de revenir. José ou d’autres nous demandèrent de tous nous rendre à la gendarmerie de Belin-Béliet pour porter plainte, pour les véhicules accidentés et pour la tentative d’homicide. Surprise, on nous annonce que les accidentés et les trois autres plaignants sont gardés à vue. Nous étions moins d’une centaine alors. Plusieurs vont barrer la nationale. Puis nous apprenons que seul José est gardé à vue. Il y a beaucoup de voitures qui circulent. La décision est prise de faire un barrage filtrant. Presque chaque conducteur baisse sa vitre et nous pouvons expliquer ce qui se passe. D’autres font du bruit devant la gendarmerie. Et d’autres vont surveiller l’arrière de la gendarmerie au cas où José serait emmené ailleurs.
A sept heures du soir, j’envisage de rentrer. Nous repartons à deux, laissant plusieurs collègues sur place.
C’est arrivé à Hostens que j’appris pourquoi nous venions. Nous devions rendre impropre du maïs OGM en silo. Chez un agriculteur. Jusqu’alors les fauchages avaient lieu chez des non particuliers, des institutions ; les gens concernés étant des salariés, ils n’allaient pas se sentir attaqués personnellement. Un agriculteur, propriétaire ou non, est très sensible à son œuvre, à ce qu’il a cultivé, entretenu, récolté. Qu’il réagisse en prenant le fusil ne surprend pas les agriculteurs. Beaucoup le disent, disent qu’ils feraient pareil. Pour eux c’est une atteinte à la propriété, à la propriété privée, à leur liberté. Ils ne voient pas qu’ils n’ont pas beaucoup de libertés par ailleurs (interdiction d’abattage à la ferme - loi de 1961, interdiction de faire ses propres semences - loi de 1986, interdiction de passer ses savoirs - purin d’ortie, obligation de déclarer toutes ses bêtes, ses récoltes, interdiction de cultiver des mélanges,...). Les contraintes de la PAC, les oublient-elles ? Et les contrôles ? Lorsqu’un militaire - donc un tueur par définition - reconverti en assureur, tua deux contrôleurs, beaucoup en profitèrent pour se plaindre de l’excès des contrôles. Et la liberté du voisinage ? Les OGM concernent les agriculteurs voisins, et les plantes. Et tout le monde, les humains et toute la nature. Que l’on supprime les brevets et le problème des OGM est terminé ! Que l’on supprime pareillement les droits d’auteurs. Et que l’on s’attaque au sacro-saint droit de propriété. Recréons les communaux, les sectionnaux, des fermes-relais, créons des SCIC foncières. Les kolkhozes ne faisaient que continuer les Mirs.
Le 23 septembre nous manifestions à Biscarosse contre le M51, une bombe atomique. On demande à la Corée et à l’Iran de ne pas en fabriquer. Que fait la France ? Régulièrement des avions militaires passent au dessus de ma tête, en Sarladais ; la France en a vendu et les pilotes des pays acheteurs viennent les essayer. Qui, quel candidat, proposera d’interdire la fabrication et la vente des armes, l’armée destructrice par définition. Les soldats ont toujours été les ennemis des paysans. Les deux tiers des révoltes des paysans, des croquants l’ont étés contre les soldats. Brigade, brigadier, brigand.
A qui profite cette manifestation ? Aux anti-OGM ? Aux pro-OGM ? A José Bové ? Aux partisans de la "sécurité" (plus de caméras, de policiers, de lois liberticides,..).
La lutte n’est jamais finie.
R.C.
Auteurs divers
Création de l'article : 10 novembre 2006
Dernière mise à jour : 8 novembre 2006
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