Piste : la simplicité volontaire... |
La décroissance peut se traduire dans sa vie personnelle par le choix de la simplicité volontaire. Une démarche individuelle qui entraîne des actions collectives...
Présentation résumée par sousmarin vert d’un article de Serge Mongeau, son initiateur, d’un mouvement qui prend une belle ampleur au Québec ! l’article intégral en ligne
Devant les problèmes de notre planète, la décroissance n’est pas une option parmi d’autres, elle est nécessaire. Nous ne pouvons imposer à une planète fermée et limitée, la Terre, une croissance illimitée, or déjà nous dépassons ses capacités de production.
Nous consommons le capital terrestre au lieu de nous contenter de ses fruits... Nous polluons gravement le sol et les eaux. Résultat : l’équilibre de la planète se trouve menacé à très court terme.
Vingt ans, cinquante ans, avant que les désastres ne frappent ? La plupart des gens voient cela comme loin, alors qu’ils sont déjà directement ou indirectement touchés dans leur vie. Et nos gouvernements poussent la machine à pleine capacité : « Il faut maintenir une croissance continue pour créer des emplois et supporter une augmentation constante de la consommation. »
La décroissance choisie ou imposée ? Nous nous trouvons à une croisée de chemins. La croyance dans les pouvoirs de la science et de la technologie à reculer indéfiniment les limites de la consommation n’est qu’un mythe dangereux. Verrons-nous nos enfants se mettre à engendrer des monstres à cause de toutes ces substances mutagènes qu’ils absorbent dans l’air qu’ils respirent, l’eau qu’ils boivent et la nourriture qu’ils ingèrent ?
Les changements climatiques transformeront-ils nos pays en déserts ou en marécages ? La nature envahie par des OGM sabordera-t-elle les cultures séculaires qui assurent notre nourriture ? Les populations du tiers monde de mieux en mieux informées de leur appauvrissement décideront-elles de se faire justice ?
Si rien n’est fait, et rapidement, viendra le moment où il sera péremptoire d’agir. Face aux catastrophes, les gouvernements n’auront pas le choix. Mais quel type de société ? Des sociétés autoritaires où l’on imposera des mesures restrictives à la majorité ; mais décidées d’en haut, qui épargneront les puissants. Notre société inégalitaire risque de le devenir plus encore...
Heureusement, au Nord comme au Sud, des femmes et des hommes ont compris que nous faisions fausse route, que la mondialisation libérale "inéluctable" nous mène à la catastrophe. Ils n’attendent rien de nos gouvernements compromis et asservis au pouvoir de l’argent.
Nos soi-disant démocraties occidentales n’ont rien de démocratique. Quand nous a-t-on consultés avant d’envoyer nos soldats bombarder l’Irak ? Avant de laisser les aliments issus d’OGM envahir les tablettes de nos épiceries ? Avant de changer les règles de l’assurance-chômage ? Avant de prendre toutes ces décisions qui touchent directement nos vies ?
La population accepte la situation, elle s’est laissée subvertir par sa puissante machine idéologique, ses médias et ses divertissements, ses vedettes et leurs paillettes, le crédit qu’elle rend accessible, la consommation qu’elle permet.
Note grainvert : Plus fort que le bruit des bottes, le silence des chaussons...
Le plus grand danger qui nous menace actuellement est la passivité. On nous présente la mondialisation comme inévitable, après l’échec du socialisme, le capitalisme serait l’unique voie possible. Rien de cela n’est vrai.
Sans connaître toutes les solutions, sans avoir une vision précise de ce que serait la société idéale, il est possible de progresser vers une écosociété, où les humains vivraient en harmonie entre eux et avec la nature. En somme, il s’agit d’abolir la soumission à l’économie de marché pour nous favoriser le bien-être complet de tous ses membres.
Comment opérer ces changements ? Je n’ai pas la prétention de connaître LA stratégie pour nous amener à cette société : où toutes et tous puissent vivre convenablement, dans des communautés solidaires, sachant que leurs enfants pourront aussi vivre plus tard. Mais ma longue expérience de militantisme, mes nombreuses lectures et mes longues heures de réflexion m’ont amené à la stratégie suivante. Il faut engager des actions portant sur trois fronts, qui sont intimement liés :
1) Se libérer du système : à chacun sa voie pour se sortir de la chaîne surconsommation-nécessité, de gagner de l’argent-stress et de la fatigue-passivité. La simplicité volontaire est une voie qui permet de retrouver du temps pour vivre et pour agir.
2 ) S’unir pour faire plus avec moins : en développant nos communautés locales, on se donne des services qui permettent de vivre mieux à moindre coût et qui répondent davantage à l’intégralité des besoins (1).
3) Se donner des organisations nationales et internationales efficaces qui feront entendre nos voix haut et fort pour empêcher nos gouvernements de poursuivre dans la voie néolibérale. Ne nous faisons pas d’illusions, le capitalisme ne cédera pas facilement la place. Au pouvoir de l’argent, nous devons opposer les pouvoirs du nombre, de l’imagination et de la ténacité.
Je n’ai pas l’intention ici de développer les deux dernières actions ; mais ne croyez pas que je les juge moins importantes.
L’expression « simplicité volontaire » a été popularisée aux Etats-Unis par Duane Elgin dans son livre publié en 1981 ; d’après un concept de Gregg, un adepte de Gandhi qui avait écrit en 1936 un article portant ce titre. J’ai écrit une première version de La simplicité volontaire en 1985, dans le cadre d’une collection sur la santé ; ma réflexion m’avait amené à conclure que dans nos pays industrialisés, la plupart de nos problèmes viennent de notre surconsommation. Notre quête de la santé devrait nous amener à un style de vie plus sobre, j’y disais : « La simplicité n’est pas la pauvreté ; c’est un dépouillement qui laisse plus de place à l’esprit, à la conscience ; c’est un état d’esprit qui convie à apprécier, à savourer, à rechercher la qualité ; c’est une renonciation aux artefacts qui alourdissent, empêchent d’aller au bout de ses possibilités ».
Dans une réédition en 1998 (2), j’insistais davantage sur les effets sociaux et écologiques de notre surconsommation :
« Aujourd’hui, la voie de la simplicité volontaire ne constitue pas seulement le meilleur chemin pour la santé de ceux qui l’empruntent, mais qu’elle est sans doute l’unique espoir pour l’avenir de l’humanité ».
La voie de la simplicité volontaire est une démarche d’introspection : il s’agit pour chacun de trouver qui il est et comment répondre à ses vrais besoins ; au delà des besoins physiques de base, à ces besoins sociaux, affectifs et spirituels. Qu’est-ce qui me permet de m’épanouir pleinement, dans toutes mes dimensions et capacités ?
Il faut choisir ; non plus sous l’influence de la mode, de la publicité, du regard des autres. Quand on commence à choisir, on consomme moins ; l’on a moins besoin d’argent. On travaille moins et l’on peut faire tout cela qui est essentiel à notre épanouissement : réfléchir, parler avec nos proches, manifester notre compassion, s’aimer, jouer... et aussi répondre par soi-même à une partie de ces besoins que nous tentons de combler des achats, ce qui nous rend toujours plus dépendants. C’est là la dimension essentielle de la simplicité volontaire : le temps retrouvé, qui permet la conscience.
Prendre le temps de vivre, de penser, c’est jouir du moment présent. Quand on vit en courant, dans le stress, on se laisse entraîner par les circonstances et la volonté des autres. Reprendre le contrôle de sa vie, ce qui permet de se libérer véritablement, d’aller au delà de l’information superficielle, en dehors des courants s’il le faut. Modeler sa vie, la vivre comme on veut.
S’engager aussi. Lorsqu’on réfléchit, qu’on s’informe, on ne peut accepter le monde tel qu’il est, on essaie de le changer. La simplicité volontaire nous donne un levier ; c’est un refus de la consommation aveugle, un cheminement vers une consommation éclairée, responsable, sociale, un refus du libéralisme qui ravage la planète.
C’est là une démarche difficile, car nous vivons dans un monde piégé, peuplé de rapaces qui cherchent à nous exploiter pour leur profit personnel :
en s’accaparant nos capacités et en les exploitant à leur profit, dans le monde du travail de la majorité ;
en nous manipulant pour que nous leur déléguions nos pouvoirs : c’est le monde politique ;
en nous faisant miroiter toutes sortes de bienfaits pour que nous achetions leurs produits ou leurs services, grâce à quoi ils s’enrichissent.
La plupart d’entre nous sommes tombés dans le piège et avons perdu la maîtrise de nos vies. La simplicité volontaire m’apparaît comme un instrument essentiel pour arriver à se libérer.
On va me dire : oui, mais c’est un chemin individuel et même égoïste. Individuel d’une certaine façon, mais non individualiste, car la voie pour s’en sortir, même si elle part d’une démarche personnelle, aboutit rapidement au collectif : nous ne pouvons nous libérer seuls. Nous sommes des êtres sociaux et avons besoin du soutien de notre communauté, de la reconnaissance des autres ; c’est essentiellement ce qui donne un sens à notre vie.
Pour vivre convenablement, nous avons besoin de services collectifs : des villes plus conviviales, des transports collectifs efficaces, des services publics variés... Pour notre survie sur cette planète, nous avons besoin d’entreprendre des actions collectives significatives. Pour moi donc, adopter la simplicité volontaire n’est pas se retirer du monde, tirer son épingle du jeu pour jouir égoïstement de la vie. Oui, il y a une dimension épicurienne à la simplicité volontaire, mais projetée dans le long terme, notre vie ne peut s’envisager séparément de l’évolution du monde. Je ne peux faire ma petite vie seul en me foutant du reste du monde : la pollution, l’effet de serre, la violence... me rejoignent partout ou peuvent le faire à tout moment.
L’importance stratégique : On arrive à la simplicité volontaire pour différentes raisons, mais on s’y retrouve vite sur la même route. On s’engage dans la voie de la simplicité volontaire pour l’un ou l’autre ou plusieurs des motifs suivants :
parce que notre situation financière n’a plus de sens, que nous n’arrivons pas joindre les deux bouts ;
parce que notre vie vie passe en coup de vent, sans temps pour en prendre conscience et pour faire ce qui pourrait réellement lui donner un sens ;
lorqu’on se préoccupe de l’environnement, la prise de conscience du gaspillage qu’entraîne notre mode de vie devient insuportable ;
parce que l’on sent le vide de leur vie meublée par la consommation, sans place pour développer notre spiritualité ;
La simplicité volontaire constitue actuellement un mouvement de société qui gagne chaque jour en importance. Aux Etats-Unis, on estime que de 12 à 15 % de la population aurait déjà pris cette orientation.
Les chiffres pour le Québec ne sont pas connus, mais ils ne sont pas inférieurs à ceux-là. Depuis plus de deux ans, mon livre La simplicité volontaire, plus que jamais... est un best-seller et je suis appelé à prononcer de nombreuses conférences, devant des auditoires considérables. Les médias s’en font l’écho... Il existe un Réseau québécois de la simplicité volontaire (3) qui regroupe déjà plus de 400 membres. En Suisse, Pierre Pradervand anime depuis quelques années des ateliers qui aident les personnes intéressées dans cette voie. En France, il est question de lancer une organisation nationale...
Je suis engagé dans l’action sociale depuis bientôt cinquante ans, je n’ai jamais vu un courant social qui se développe si rapidement. La simplicité volontaire offre la rare opportunité, dans notre monde si individualiste, de faire deux choses souhaitables en même temps : travailler à son propre épanouissement tout en agissant pour le bien de la collectivité. Je crois aussi que la simplicité volontaire s’inscrit dans un courant social de fond : les citoyens ont perdu confiance en leurs gouvernants et ils comprennent que s’ils veulent que quelque chose change, c’est à eux à le faire.
Comme l’écrit Gustavo Esteva : « Cette classe de mécontents, qui pressent qu’il existe une manière plus sensée de penser, reconnaît que poser des limites politiques aux desseins technologiques et aux services professionnels ne peut se formuler, s’exprimer ou se faire que sur la base de décisions et d’initiatives personnelles, librement consenties, et grâce à des accords communautaires. Leur point de vue s’est donc graduellement déplacé : au lieu de prendre comme référence l’ensemble de la société, ils reconnaissent désormais que cette orientation intellectuelle et politique cache un piège dangereux. C’est pour cela qu’ils concentrent leur réflexion et leurs efforts sur le plan local, dans leurs espaces concrets, sur leur sol. Ils ont commencé finalement à savoir sur quel pied danser et à faire confiance à leur nez » (4).
La popularité du commerce équitable, des SELS, de l’agriculture soutenue par la communauté (les AMAP et les CIGALEs en France) et de combien d’autres initiatives enracinées localement montre bien la vivacité de cette tendance. Mais au milieu de tout cela, il me semble que la simplicité volontaire occupe une place spéciale pour les raisons suivantes :
1) Pour libérer des militants et militantes qui puissent s’engager à fond dans l’action sociale.
La société de consommation repose sur la routine métro-boulot-dodo ; il ne reste plus de temps pour l’activité citoyenne, la participation à des associations, l’organisation de son quartier... La simplicité volontaire permet de retrouver du temps et aussi, pour plusieurs, de l’argent pour investir dans les causes qui leur tiennent à coeur.
2) Pour explorer des façons de vivre autres.
Il faut trouver d’autres voies pour répondre aux besoins humains qui permettent une vie épanouissante tout en respectant les capacités de la planète.
3) Pour reconstruire au plus tôt nos communautés de manière à ce qu’elles répondent plus économiquement à nos besoins fondamentaux. Ce faisant, les gens qui ont choisi « volontairement » de diminuer leur niveau de vie permettront à ceux qui sont « involontairement » dans la pauvreté de mieux vivre. Par exemple, le développement de bons systèmes de transport collectifs bénéficie à tous.
Pouvons-nous espérer réussir à répondre au défi que pose la nécessité de la décroissance ? Certainement pas si nous n’essayons pas. La simplicité volontaire permet à chacun de nous de commencer à agir ici et maintenant et déjà d’y trouver son propre profit ; peut-on demander mieux ?
Serge Mongeau
Auteur de nombreux livres, un des fondateurs des éditions Ecosociété au Québec. Site ouebe www.simplicitevolontaire.org
(1) Voir Marcia Nozick, Entre nous. Rebâtir nos communautés, Editions Ecosociété, Montréal, 1995.
(2) La simplicité volontaire, plus que jamais... Editions Ecosociété.
(3) CP 185, succ D, Montréal, H3K 3G5, tél canada : 01 514 937 3159, site ouebe www.simplicitevolontaire.org
(4) Wolfgang Sachs et Gustavo Esteva, Des ruines du développement, Editions Ecosociété, 1996, p. 133.
Décroissance, simplicité volontaire sur le Ouèbe
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P.S.
RQSV : Reseau québécois pour la simplicité volontaire :
1710, Beaudry Montréal QC H2L 3E7
Jacinthe Laforte bureau ouvert du lundi au mercredi (514) 937-3159
Le RQSV est un organisme sans but lucratif réunissant des personnes qui veulent vivre et promouvoir la simplicité volontaire comme moyen d’améliorer leur propre vie et de contribuer à l’édification d’une société plus juste et plus durable. Vous pouvez en apprendre plus sur nous en visitant notre site : www.simplicitevolontaire.org
Vous pouvez soutenir le RQSV en devenant membre. La cotisation annuelle de 25$ vous donne droit au bulletin Simpli-Cité (trois fois par année). Un chèque à l’ordre du RQSV peut être envoyé au 1710, Beaudry, Montréal, H2L 3E7.
sousmarin vert
Création de l'article : 26 octobre 2003
Dernière mise à jour : 26 octobre 2003
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> Piste : la simplicité volontaire...
28 janvier 2004
Bonjour,
dans le cadre de la philosophie de simplicité volontaire, peut-être une notion à prendre en compte en plus : le temps, c’est-à-dire prendre le temps, de vivre, d’apprécier, de rencontrer.... de respirer.
Dans une société où tout doit aller de plus en plus vite, une méthode de résistance passive est de ralentir et de prendre le temps de regarder autour de soi : il n’y a rien d’urgent. (en particulier tout ce qui concerne les introspections, les découvertes sur soi-même, la connaissance de soi)
Ne plus être rapide, c’est ne plus être rentable pour la société actuelle (à court terme), c’est au contraire être rentable pour soi et pour autrui (à long terme). Et surtout, c’est diminuer le stress, qui restreint le champ de perception de ce qui se passe autour de soi et l’analyse de ces informations perçues.
Bonne réflexion....
COUCOU
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