Compte-rendu des audiences des 7 et 21 mars 2005
Après les incidents dramatiques qui ont eu lieu à 4 heures de l’après-midi le 15 avril 2004 aux alentours des mines d’Imini à Ouarzazate et tout ce que s’en est suivi à commencer par un procès monté de toutes pièces par la direction de la mine contre 14 ouvriers affiliés à la CDT, la cours d’appel de Ouarzazate avait condamné arbitrairement, le 14 février 2005, six ouvriers parmi les quatorze inculpés à 10 ans de prison ferme pour chacun pour motif d’entrave à la liberté du travail et de coups et blessures entraînant la mort d’une personne sans intention de la donner. Parmi ces ouvriers condamnés figure le militant syndicaliste khouya Mohamed, membre de la section AMDH Ouarzazate et conseiller communal GSU à la commune d’Amerzgane.
Il est à rappeler que le 15 avril 2004 , la direction des mines avait formé une milice de plus de 120 personnes étrangères à la mine qui comptait dans ses rangs des chômeurs, des enfants mineurs, des vagabonds et des récidivistes. Cette milice a été mobilisée de Ouarzazate et transportée à bord d’un camion aux mines d’Imini dans le but d’agresser les 134 ouvriers CDT et casser le sit-in qu’ils observaient depuis le mois d’octobre 2002 en protestation contre l’institution du travail à temps partiel au sein de la mine.
Tout au long de ce long de ce procès, nous avons dénoncé énergiquement l’attitude des autorités judiciaires de Ouarzazate qui n’ont déployé aucun effort pour instruire l’enquête et aboutir à la vérité, tous les efforts qu’elles ont menés n’allant que dans le sens de l’accusation des ouvriers inculpés. Les droits de la défense ont été bafoués, les procédures judiciaires de fond ont été court-circuitées et téléguidées, des témoignages ont été produits et d’autres occultés, des témoins intimidés et interdits de s’exprimer.
Ce procès arbitraire revêt, de toute évidence, un caractère politique de persécution, d’oppression et d’intimidation à l’encontre du libre exercice des libertés démocratiques fondamentales et a pour but, entre autres, l’incrimination et le déboulonnement des dirigeants syndicaux à Ouarzazate. Il montre, en définitive, que notre système judiciaire navigue encore, toutes voiles dehors, dans la tourmente des années de plomb et que le patronat s’érigeant en gardien du temple, a encore du mal de se départir des vieilles méthodes barbares devenues une sorte d’obsession qui reviennent superbement à chaque fois qu‘il a affaire à un syndicat représentatif, puissant et organisé, le misérabilisme du syndiqué arriviste, du flic, du bureaucrate, du juge, et du politicard aidant. Certes, les bourreaux d’antan ont du mal à intégrer les nouvelles donnes. Et tels qu’ils sont, ils mettront encore des années pour crever, et comme tous les moribonds, ils ne manqueront pas de brandir leurs griffes et de porter, de temps à autres des coups dans tous les sens.
La méthode barbare adoptée par le patron de la SACEM pour mettre un terme au conflit social sévissant à la mine depuis plus d’un an au même titre que le procès injuste et inéquitable dont ont été victimes les six travailleurs des mines d’Imini incarcérés, ont été dénoncé avec vigueur et véhémence par les mass-médias nationaux et internationaux et par la plupart des organisations politiques, syndicales, culturelles, caritatives et de défense des droits de l’Homme au Maroc et à l’étranger. Un vaste mouvement de soutien et de solidarité a réussi à mobiliser corps et âme et à rallier autour des mineurs incarcérés et unir dans les faits, les militants de tous bords et de tous horizons, au-delà de leurs clivages idéologiques. Ainsi, des comités locaux et régionaux de soutien ont vu le jour à Lille, Bruxelles, Amsterdam, Ouarzazate, Casablanca, Rabat, Marrakech, Safi, Meknes, Khenifra, Midelt, Mrirt, Guercif, Fes, Agadir, Zagora, Skora, Kelaa Mgouna, Boumalene Dades, Tingir, etc. Des communiqués ont afflué de partout ; du Maroc, de la France, de la Belgique, de la Hollande, de l’Espagne, de l’Allemagne, de la Tunisie et de la Palestine, etc. Des actions militantes et contestataires ont été menées massivement dans différentes régions du monde ; criant à l’injustice, à l’intolérable et au scandale dans des rassemblements, meetings, sit-in, grèves, caravane solidaire, marches contestataires sous le même mot d’ordre : la liberté aux six travailleurs incarcérés !.
Au regard de ce mouvement grandissant de soutien et de solidarité, et étant donnée la dégradation de son état de santé suite à sa grève ouverte de la faim depuis le 29 décembre 2004 et vu les appels successifs qui lui ont été adressées, entre autres, par le Comité national de soutien à Rabat et les différents Comités locaux, notre camarade Khouya Mohamed a suspendu sa grève de la faim le 13 février 2005 et a quitté l’hôpital provincial où il a séjourné pendant plus de 30 jours. Il faut rappeler que suite à sa grève de la faim le militant Khouya Mohamed a émis un communiqué où il proclame son innocence, décrit le contexte et les circonstances de son arrestation et dénonce l’arbitraire de sa détention. Dans ce communiqué, il demande également au Procureur Ggénéral de convoquer tous les témoins de sa défense et d’activer les procédures judiciaires relatives à deux plaintes restées sans suite, la première déposée à la Gendarmerie royale le 20 avril 2004 sous le numéro 721 par 23 personnes étrangères faisant partie du commando, pour escroquerie et abus de confiance contre le directeur local de la mines et ses compagnons et la deuxième plainte déposé par le CDT au procureur général sous le numéro 146/chin/b /2004 en date du 22 avril 2004. Malheureusement, ces deux plaintes traînent depuis presque un an entre les arrondissements de police sans jamais parvenir au tribunal !!!
Le procès en appel sur cette affaire a repris à la cour d’appel de Ouarzazate le 07 mars 2005 et une dizaine d’avocats de renom se sont inscrits sur la liste de la défense des ouvriers condamnés, de même qu’un second jury composé de cinq magistrats en poste, en plus du représentant du Parquet général, a été constitué. En revanche, il est toujours à craindre un scénario de capitulation ou de domination sur les ouvriers incarcérés, sachant bien que c’était le président de la cour d’Appel lui-même qui a présidé le jury au cours du procès antérieur. Ce dernier a excellé dans ses faux-fuyants durant l’audience du 13 janvier 2005, laquelle audience, selon les observateurs, est la plus fastidieuse qu’absurde dans l ’histoire des tribunaux de Ouarzazate.
Cependant, à première vue, la version égoïste, boîteuse et feutrée du patron sur laquelle le juge d’instruction est resté confortablement intransigeant et dans laquelle le président de l’ancien jury voulait absolument à travers une impertinente et spectaculaire mise en scène, engouffrer tout le monde, ne vaut plus un rouble et manque désormais d’aplomb à l’épreuve de deux nouveaux témoignages qui viennent réconforter la thèse des ouvriers CDT et contrebalancer tout ce qui a été dit dans le procès antérieur. Puisque, au cours de l’audience du 07 mars 2005 du procès en appel, deux individus qui faisaient partie de la milice patronale de casseurs de grève, se sont présenté volontairement à la cours et leur témoignage a fait ressortir des éléments nouveaux que les juges et quelques observateurs n’avaient jusque-là que soupçonné.
Ces deux témoins audacieux ont déclaré sous serment qu’après les tristes événements du 15 avril 2004, l’ex-directeur local les a conviés le 17 avril 2004 à un café au centre ville à Ouarzazate, eux et deux autres ouvriers UMT Jilali Brahim et Nahri Bourhim, en présence d’une personne syndiqué UMT Hamid Bentaleb, et de Oujra Haj Nacer chargé du comprass et il leur a proposé en guise d’avance une somme de 3.000 dirhams pour témoigner à faux que Khouya Mohamed était présent dans les lieux des affrontements le 15 avril 2004 et qu’il a agressé, à son tour, le feu Ahmed Berkoni. Ils ajoutent qu’ils ont refusé la proposition du directeur et que les deux ouvriers - les témoins de l’accusation dans ce procès - ont reçu l’argent et accepté de témoigner à tort contre Khouya Mohamed.
Les deux témoins ont apporté aussi leurs témoignages sur les événements du 15 avril 2004, ils ont révélé à la cour que le commando comptait plus de 120 personnes mais qui étaient, à priori, payés pour venir participer au tournage d’un film sur demande du directeur local et ses compagnons et avec l’approbation des autorités locales. Mais quand ils ont débarqué aux abords de la mine, le directeur local et ses compagnons les ont incités à agresser les ouvriers CDT et leurs familles dans le but de casser le sit-in. Ces deux témoins ajoutent que c’est les 7 ouvriers UMT en plus du directeur local des mines et le secrétaire général UMT-Ouarzazate qui ont commencé l’assaut en jetant des pierres sur les femmes et les enfants et que Khouya Mohamed n’était pas présent du tout dans les lieux des affrontements. Pour les circonvenir, un des deux témoins a précisé que le Secrétaire général UMT-Ouarzazate l’a invité lui et beaucoup de personnes ayant assisté aux événements du 15 avril 2004 , à dîner chez lui le soir la nuit du 16 avril 2004.
Le jury après discussion les a jugés crédibles et a aussitôt levé l’audience pour convoquer l’ex directeur local Nasset El Houcine, Hamid Ben, Hamden Ahmed, Jilali brahim, Nahri Bourhim et Oujra Nacer qui devraient se présenter à l’audience qui aura lieu le 21 mars 2005.
A la lumière de ces deux nouveaux témoignages poignants et implacables, il ne fait pas l’ombre d’un doute qu’un complot a été prémédité, exécuté et financé par la Direction des Mines contre les mineurs en sit-in et que ce procès prend acte d’un règlement de compte de la Direction des Mines avec le syndicaliste Khouya Mohamed et ses camarades de lutte longtemps inscrits dans son tableau de chasse. Le reste n’est qu’une parodie de justice... !!!
Le 21 mars 2005, un nombre impressionnant de personnes a assisté à l’audience, dont on cite les mineurs d’Imini en grève ce jour là et beaucoup de militants et d’observateurs nationaux et étrangers issus des différents comités locaux et régionaux. A cette audience, toutes les personnes convoquées à la cour étaient présentes en plus des six ouvriers incarcérés et plus de 12 témoins de la défense, à l’exception de l ’ex-directeur local Nasset El Houcine, de Jilali Brahim et de Bentaleb Hamid. Les avocats de la défense ont critiqué vivement l’attitude irresponsable et arrogante de ces personnes et le président du jury a émis en conséquence un mandat d’amener à leur encontre pour la prochaine audience qui aura lieu le 18 avril 2005.
Nous dénonçons encore fois l’attitude du tribunal d’appel de Ouarzazate qui n’a manifestement pas fait une véritable enquête et qui a pour conséquence une grave affaire non résolue et des mineurs en détention injustifiée en violation flagrante des droits de l’Homme, alors que les vrais coupables continuent à avoir pignon sur rue sans être nullement inquiétés. Avec les deux nouveaux témoignages, on ne comprend plus ce qui pourrait justifier ces détentions et qui en plus sont d’une durée plus longue !
Au demeurant, la mort de Berkoni Ahmed conserve encore tout son mystère ! L’affaire prenant des proportions, la justice doit prendre ses responsabilités en ouvrant une enquête sérieuse sur cette affaire et parce qu’aussi il y a des fortes présomptions sinon des preuves que Ahmed Berkoni est décédé pour cause de négligence suite à l ’opération chirurgicale qu’il a subie le 16 avril 2004 à l ’hôpital provincial de Ouarzazate, sachant bien qu’il a été opéré par le médecin soignant sans se soucier de sa glycémie qui était de 3.35 mg/l comme le montre noir sur blanc sa fiche médicale de dépistage. Cette affaire est donc loin d’être finie et pourrait connaître encore des rebondissements.
Par ailleurs, au cours de ces derniers mois, la SACEM sans doute fragilisée à cause de cette affaire, a connu une véritable période d’instabilité au niveau de sa direction, avec le licenciement de l’ex-directeur Nasset El Houcine au motif de malversations et d’opérations frauduleuses, c’est le tour du PDG Kettani Abdou, ce général sans troupe longtemps courtisé par les autorités provinciales de Ouarzazate, ce vieux patron partisan de l’action violente envers les mineurs de la mine et adepte de l’incrimination de l’action syndicale, puisque le conseil d’administration de la SACEM a dû le suspendre de ses fonctions de PDG. Malgré ce remue-ménage, la direction continue sur la même ligne qu’avant, puisque nous venons d’être informés qu’elle vient au cours de ce mois d’intenter à l’encontre du militant Khouya Mohamed et deux autres syndicalistes en liberté, deux actions judiciaires en cascade pour des motifs non fondés de vol. Nous pensons que ce remaniement au sein de la direction et ces nouvelles manœuvres diffamatoires et calomnieuses portées contre les syndicalistes pour les intimider et leur imposer le silence, ne feront pas blanchir la direction de sa responsabilité pénale dans les événements du 15 avril 2004. Tant qu’elle ne manifeste pas une volonté réelle pour une vraie justice et ne prend des dispositions concrètes en faveur d’un retour à la confiance et à la négociation avec les dirigeants syndicaux des mineurs d’Imini, la position de la SACEM ne cessera pas d’être compromise davantage.
Les mineurs d’Imini et leurs familles continuent de vivre sous le traumatisme des événements du 15 avril 2004, les forces auxiliaires sont toujours en poste dans les lieux et les travailleurs continuent de vivre dans la crainte de perdre leurs postes de travail. Après l’arrestation de leur conseiller communal, tous les habitants du village de Boutazoulte - plus de 100 familles - ont été déportés de force de leurs maisons et contraints à vivre au village de Timkit dans une concentration de baraques humiliantes qui donnent en plein sur les fumées de manganèse qui émanent à quelques dizaines de mètres de l’unité de traitement.
En l’absence de couverture médicale, la situation sanitaire des mineurs et de leurs familles est alarmante et nous avons appris qu’au cours des deux derniers mois, deux mineurs sont décédés par cause d’absence de soin médical sur place et un autre mineur est dans une situation de santé très critique.
Nous menons le combat depuis presque un an pour la liberté des 6 travailleurs incarcérés des mines d’Imini et l’amélioration des conditions de travail et de vie des mineurs d’Imini et nous portons ces informations à la connaissance des organisations ouvrières, syndicales, politiques et associatives pour les inciter à développer et à élargir la compagne que nous menons et à prendre toute initiative qu’elles jugeront adéquates visant à apporter le soutien militant à nos camarades en prison et à leur combat.
Nous vous invitons à prendre position, à les multiplier et à adresser de vos organisations vos réactions aux autorités marocaines et nous faire parvenir une copie au comité national de soutien à Rabat :
Gouverneur de Ouarzazate : 00 212 44 88 25 68
Ministre de la justice : 00 212 37 72 37 10
Ministre de l’Intérieur : 00 212 37 76 74 04
Ministre de l’énergie et des mines:0 37 77 95 25
Ministre du travail : 00212 37 76 92 60
Premier Ministre : 00 212 37 76 86 56
Secrétariat du palais Royal : 00212 37 76 01 93
Comité national de soutien aux mineurs des mines d’IMINI-OUARZAZATE :
Abderrazak Drissi : Tél : 0021263686797. abderrazzakdrissi@yahoo.fr
Khouya Mhamed : GSM : 0021268963390. khouya_mhamed@yahoo.fr