Retour au format normal
Echange libre La décroissance soutenable

Riche échange et débroussaillage sur la notion de décroissance soutenable. Celle-ci n’est en fait qu’un programme économique dont la mise en place revient à tout-e un-e chacun-e... Courage.

A la tribune : Jean-Claude Bessant-Gérard, Madeleine (directrice de publication de la revue Silence) Bruno Clémentin (Institut d’études économiques et sociales de la décroissance soutenable, casseur de pub). Dans la salle : au moins 200 personnes.

Ce débat, rapidement mis en place, nous a permis de dégager et d’éclairer un certain nombre de notions, concepts, voire de contradictions liés au mot d’ordre de décroissance soutenable. Il est impossible de retranscrire toute la richesse des échanges, nous nous en tiendrons à quelques éléments forts qui ont été soumis aux participants. Les propos rapportés n’engagent que leurs auteurs (ainsi que le rédacteur qui les a retenus bien sûr, et les participants qui les ont applaudis).

Déjà, une liste (non-exhaustive) de grands anciens a été énoncée :
Le Club de Rome, au début des années 1970, a alerté sur l’importance de stopper la croissance (ouvrage "Halte à la croissance") en particulier par le biais du "théorème du nénuphar" (sachant qu’une population de nénuphards croît du double en un jour, en combien de jour atteindra-elle la moitié de la surface d’un étang qu’elle couvrirait en 30 jours ? 29, il est donc temps d’agir). Il dénonce également la croyance de la possibilité d’une croissance infinie sur une planète finie.
La croissance économique est une notion récente (Marx, le capitalisme)
Un artiste écrivain anglais décrivit au 19e une utopie dans laquelle Londre se retrouvait sans pollution, dont les habitants vivaient en harmonie, et dont la production était moindre.
Il y a un siècle est née la notion d’économie distrbutive (c’est le consommateur qui déclenche l’acte de production). Cela amènerait la fin de l’économie de marché/profit.
"Small is beautiful", ouvrage de Schumacher (points Seuil).
Ivan Illich fut un ardent défenseur de la décroissance.
L’inventeur de la décroissance soutenable est le mathématicien devenu économiste Georgescu Röntgen.
En guise d’ancêtres de l’appel à la croissance, après la bible ("croissez et multipliez"), Francis Bacon a postulé : "avec la science, nous effacerons le péché originel" ; appuyant ainsi la nécessité (morale) du progrès scientifique (et technique).

Quelques éclairages sur le concept de décroissance soutenable

Dans son histoire et ses théories (néolibérale, classique, marxiste, ...), à aucun moment la science économique n’ pris en compte la biosphère (terme inventé par Vernadski dans les années 1920).
L’environnement n’existe pas, nous participons de la nature, elle n’est pas autour de nous.
De la même manière la vie ne saurait avoir un cadre (cadre de vie).
Dans le système, le prix de vente est toujours supérieur au prix de revient. Cela amène qu’à un instant donné, la production ne peut s’acheter elle-même. D’où le recours aux emprunts qu’il faut rembourser en produisant plus, ou les profits...
Le concept de développement a été mis au goût du jour par le président étatsunien Truman en 1947 lors de son discours sur l’état de l’Union. La traduction pourrait en être :"comment le capitalisme va faire ses choux gras dans le monde". Le néologisme qui en est dérivé est le terme de sous-développé qui a, dès lors, englobé 2 milliards d’êtres humains.
Enfin, l’appellation décroissance soutenable est, en partie, une opposition au "concept" de développement durable.
En effet, d’aucun(e) préféreraient "décroissance positive", permettant par exemple de signaler que le passage aux 35 heures, quelque forme qu’il prenne, est un gain... de temps. D’autre part, il s’agit de montrer que, d’une part le développement tel que vu par les économistes "patentés" n’est pas dissocié de la croissance économique (qu’il soit outil de cette dernière, lié à elle directement ou indirectement...), et que d’autre part soutenable s’oppose à durable, qui pourrait devenir insoutenable.
L’un des problèmes de l’obligation de croissance économique qu’on nous impose est que cette dernière mesure l’augmentation de la production (PIB) en tenant compte aussi bien les aspects positifs que négatifs. Par exemple, les déchets nucléaires et leur traitement, les réparations causées par la tempête de 1999 sont comptés comme autant de points de croissance. La décroissance soutenable, elle, propose de cesser de produire du nuisible et de l’inutile sous le chantage du revenu et de l’emploi.
Cette proposition est valable pour les 20% des pays qui consomment 80% des ressources de la planète. Nous ne saurons avoir vocation à décider comment doivent acquérir leur "humanité" les 80% de pays avec lesquels nous devons partager justement ces ressources (sans attendre qu’ils viennent nous réclamer leur part). Il est inimaginable de croire que tous les êtres humains pourront un jour bénéficier de notre niveau de vie.

Quelques pistes

Politique : il faut mettre en valeur la notion "d’objection de conscience au travail et à la consommation", réclamant une "simplicité volontaire" qui mettra un terme à l’imposition de consommation et de production sans consultation sur nos besoins fondamentaux. Cette piste sera développée dans le forum sur la désobéissance civile de samedi 09.
On continue de parler de croissance alors que tout concourt à montrer qu’elle baisse et va mourir. Et rien n’est fait pour qu’un autre système la remplace. Il faut agir (et donc informer à tout va) avant que la crise que cela poserait n’arrive.
Sobriété : l’un des principaux problèmes du système actuel est l’immense gaspillage qu’il génère. Il faut donc, dans les domaines de la consommation et du travail, dégager le nécessaire du superflu.
Relier aux mouvements sociaux de la rentrée une grève de la consommation (en plus de la journée sans conso du 24 novembre).
Donnons notre argent à ceux qui le méritent (les producteurs

Quelques citations à retenir, ou non pour les prochains échanges

Les économistes, moi je les appelle des "déconomistes"
Comment parler de décroissance contre le développement alors que nous visons à ce que notre mouvement se développe ?
Une décroissance insoutenable, ce serait le chaos (comme les écologistes arrivant au pouvoir demain par exemple)
Pour que chaque être humain vive comme un étatsunien, il faut demander au progrès scientifique et technologique de nous créer 3 planètes supplémentaires
Ici, à Larzac 2003, il y a un peu trop de marchandises, et d’automobiles
Paraphrase d’Illich : Si on met des millions dans l’éducation (millions retirés à l’armée par exemple) tant qu’elle a pour mission de "déséduquer", on court à la cata.
Dans la Nouvelle Bible, on ne dira plus "croissez et multipliez", mais : "décroissons et accomplissons-nous"
Commerce équitable : l’équité voudrait que le producteur ait le même niveau de vie que l’acheteur (et l’intermédiaire)
Commerce équitable (2) : c’est un processus d’aculturation (inculturation ?) qui pousse les producteurs à consommer "comme nous".
99% des découvertes scientifiques et techniques ont été faites à la bougie.
Rahbi : La dette du Tiers-Monde, faut pas l’annuler, faut la payer, parce que c’est nous qui la leur devons.
Donnons notre argent à ceux qui le méritent.
Ce débat était un début pour qu’aujourd’hui nous construisions le passé d’un avenir désirable.

A savoir :

Premier colloque sur la décroissance soutenable à Lyon, les 25 et 26 septembre 2003. Tout renseignement sur le site http://www.decroissance.org

Scientinelle

, 9 août 2003