Freud l’évoquait avec prudence, alors nous avons cru bon de l’oublier. Erreur ?
On le dit souvent l’histoire n’est jamais que la répétition de l’histoire. Avancer qu’un autre monde est possible devient alors d’une incroyable audace. N’y aurait-il pas dans cette affirmation déjà une forme de répétition de cette absolue façon dont les hommes font leur histoire : par la négation du passé. Révolution au sens littéral du terme et au détriment de l’évolution.
La psychanalyse nous apprend que la répétition est un souvenir des affects, des actes et des savoirs, qui ne peut s’épanouir, un souvenir entravé, inhibé dans son expression, un souvenir transformé en son contraire, elle est la mise en actes. Soit, notre société marchande en serait à ses passages à l’acte. C’est vrai qu’elle a grandi depuis le moyen-âge. A l’échelle d’une lecture temporelle rapportée à l’évolution d’un organisme humain, notre société deviendrait aujourd’hui tout juste pré-adolescente.
Le problème ne semble pas tant être le profit retiré que dans la plupart des cas le mode de production. Troubles du comportement dirons-nous ! Evidemment les deux sont liés. Regardons ces quarante dernières années la façon dont les hommes ont fait leur histoire. L’opposition n’a jamais été que duelle : bons contre méchants, gauche contre droite, blancs contre noirs...
Pourtant ce qu’il nous faut aujourd’hui appréhender, c’est qu’aux dires mêmes de Freud, nous nous trouvons face à l’exercice de trois forces en présence et non deux comme les raccourcis hâtifs nous l’ont fait comprendre :
la pulsion répétitive ("pulsion de mort" appelée également Thanatos)
la pulsion sexuelle ("pulsion de vie" appelée également Eros)
la force inconnue (la pulsion de perfectionnement que Freud n’a associé à aucun mythe)
Le présent est ainsi composé de la mémoire en tant que résistance à l’apparition du souvenir (Eros), une mémoire officielle et muséale d’Etat (Thanatos), mais irrigué en permanence d’un affect de nouveauté : la force inconnue.
Ce qui compte en définitive, ce n’est pas seulement ce que l’on a fait de nous, mais ce que nous faisons, nous, de ce que nous avons reçu.
Benoît COMTE Sociologue