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Question Kurde ?

lundi 13 mars 2006, par Catherine

En tant que peuple, les Kurdes demeurent privés de toute reconnaissance officielle. Aucun pays n’est
désigné comme le leur. La langue et la culture kurdes demeurent encore principalement interdites, en
droit ou en fait, dans les quatre Etats où ils vivent (hormis dans les trois gouvernorats du kurdistan du
nord de l’Irak).

Démographie

Il n’existe aucun recensement fiable de la population kurde.
Les estimations varient entre 25 et 45 millions de personnes selon les sources.
Ils sont :
- plus de 50% en Turquie
- près de 25% en Iran
- plus de 15% en Irak
- 5% en Syrie
Ils sont quelques centaines de milliers dans les diasporas kurdes du Caucase, en Arménie, en Georgie, en Azerbeijan, en Russie, au Kazakhstan, au Liban et en Jordanie.
Ils sont plus d’un million en Europe (dont 550 000 en Allemagne), et 10 000 aux Etats-Unis.
C’est la plus importante communauté humaine au monde sans Etat.

Bref historique

Les kurdes vivent dans les pays du Proche Orient. Ils sont l’un des peuples les plus anciens d’Asie occidentale. Les avis diffèrent sur leur origine. Eux se considèrent comme les descendants des Mèdes de l’Antiquité.
La région kurde recouvre une superficie équivalente à celle de la France mais elle ne figure sur aucune carte. Il existe cependant un peuple, une langue et un pays.

Le terme « kurde » est employé dès le VIIe siècle. Le terme « Kurdistan » apparaît au 12e siècle, où il est reconnu comme pays pour la première fois par un sultan turc.
Les kurdes ont vécu sous forme de principautés autonomes jusqu’au milieu du 19e siècle entre les grands empires perses et ottomans, après avoir connu leur heure de gloire au 12e siècle, à l‘époque de Saladin, prince kurde qui a réuni le monde musulman proche-oriental contre les Croisés et repris Jérusalem.

Au milieu du 19e siècle, l’Empire ottoman a entamé une période de centralisation et de réforme qui a abouti à la suppression des principautés dans lesquelles les kurdes avaient vécu jusqu’alors. La deuxième partie du 19e siècle est ponctuée de révoltes kurdes pour retrouver les privilèges abolis et reconstituer des émirats indépendants du pouvoir central (ottoman et perse). Elles sont réprimées dans le sang. Naissent alors aussi progressivement des mouvements en faveur de l’indépendance du Kurdistan, mais en ordre dispersé (la seule grande insurrection qui ait englobé le Kurdistan d’Iran et ottoman a eu lieu en 1880-1881).

Lors de l’effondrement de l’Empire ottoman au lendemain de la Première Guerre mondiale et du partage qui s’en est suivi au Proche-Orient, le droit des kurdes à un Etat indépendant a été reconnu par le traité de Sèvres de 1920 signé entre les puissances alliées et la Sublime Porte. Humiliant les Turcs, il préconisait la création d’un Etat du Kurdistan, d’un Etat arménien et d’un Etat d’Arabie sur les dépouilles de l’Empire ottoman.
Trois ans plus tard, les français et britanniques ont redessiné la carte du Proche Orient avec les Turcs, sans tenir compte des populations locales. Le traité de Lausanne signé le 24 juillet 1923 a partagé en quatre la région du Kurdistan : entre la Turquie de Mustafa Kémal (le fameux Atatürk), l’Iran, l’Irak (Grande Bretagne) et la Syrie (France). Le traité n’a plus dit un mot des Arméniens et des Kurdes.
Mustafa Kémal s’est alors lancé à la fois dans une politique nationaliste farouche et dans la mise en oeuvre de réformes importantes (latinisation de l’alphabet...)
et de modernisation (suppression du califat, adoption d’un code civil, droit de vote des femmes...). Désormais, nul en Turquie ne peut être autre que turc, et s’ensuit une politique de « turquification ».
Les droits des minorités quelles qu’elles soient sont niés. En 1924, la langue kurde est interdite. S’ensuit une politique de négation de l’existence de la minorité kurde. Le simple fait de la mentionner en tant que telle a justifié de lourdes condamnations aux auteurs, journalistes ou hommes politiques qui en faisaient état jusqu’à une période très récente. En réponse à la guérilla du Parti des Travailleurs du Kurdistan (PKK), l’Etat d’urgence est déclaré dès 1990 dans de nombreuses provinces de l’est,
conférant tous pouvoirs aux gouverneurs et empêchant la population kurde de revendiquer ses droits.
La situation a depuis progressivement évolué positivement, bien que la politique de la Turquie reste fondamentalement nationaliste et que les droits des minorités soient encore bafoués. Les territoires où vivent les Kurdes sont de vastes régions sur-militarisées et sous pression.
L’intensité des affrontements en Turquie a considérablement chuté depuis 1996, mais la situation est encore loin d’être normalisée.
Les négociations actuelles de la Turquie avec l’Union Européenne sont un espoir pour les Kurdes. Quelques timides avancées sont survenues.
Ceci dit, l’Union européenne n’a pas porté ses exigences très loin dans la reconnaissance du peuple kurde et le chemin est encore long pour espérer une transformation de fond au sein d’une société très militarisée et très nationaliste.

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Ce bref historique a été rédigé à partir du document Enquête sur les populations victimes de déplacements et mission d’observation à la fête du Newroz - Collectif méditerranéen pour le respect des droits de l’Homme en Turquie. Ouvrage collectif sous la direction de Sophie ROUDIL. 100 pages. 8 € (contact pour
commande : .

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