|
Procès en appel des Faucheurs à Orléans le 15 mai 2006 - Témoins de la partie civile |
|
Le 15 mai 2006, se tient à Orléans le procès en appel des Faucheurs de Gréneville en Beauce et Neuville aux Bois. Après les trois premiers témoignages de la défense, les témoins de la partie civile sont entendus.
Un syndicaliste pro-OGM
Michel Masson, 47 ans, est agriculteur dans le Loiret.
Il veut se faire l’écho de l’opinion d’une majorité d’agriculteurs de la région. L’agriculteur a un métier difficile, il aime son travail et ne comprend pas les destructions du fruit de ce travail. Le traumatisme subi par les deux propriétaires des parcelles détruites est tel qu’ils ont préféré ne pas paraître au Tribunal. L’agriculteur est aussi un expérimentateur de nouveaux outils pour voir ce que ça peut lui apporter. Les Faucheurs ne sont pas des faucheurs, ce sont des destructeurs. Il y a une différence entre manifester et détruire.
Le maïs vient du Mexique, il ne peut se croiser avec aucune plante locale, il y a donc une sécurité maximale. Les maïs OGM sont d’une technologie qui, en évoluant, pourront consommer 3 fois moins d’eau et générer leurs propres pesticides. Les "vrais" agriculteurs souhaitent qu’on laisse les essais arriver à leur terme pour que la science progresse, pour qu’on démontre si c’est dangereux ou non, à charge et à décharge.
Quels sont les intérêts des essais en plein champ ? Il faut des essais en laboratoire. Ok, c’est fait. Il faut maintenant des essais en vraie grandeur, des essais sérieux, transparents. Il faut que la science française fasse la lumière sur le sujet. Alors qu’il rentre chaque jour dans nos ports des bateaux plein d’OGM, on interdit aux agriculteurs français d’en cultiver. Nous allons prendre un retard irrémédiable. La filière "soja de pays" est condamnée à cause des importations massives d’OGM.
Est-ce qu’une culture OGM en France sera moins chères ? Oui. C’est comme pour la télé couleur. Au début c’était très cher puis de moins en moins. Il y a les économies d’insecticides et de pulvérisateur pour lutter contre les ravageurs. Il y aura une deuxième génération d’OGM qui consommera moins d’eau, qui sera résistante à plus de choses, etc. Les Faucheurs obéissent à une idéologie sans fondement scientifique.
Quel est votre syndicat ? La FNSEA du Loiret. Dans ce syndicat, il y a des pour et des contre les OGM. Michel Masson parle au nom de la majorité des syndiqués de la FNSEA.
Le contrat de mise à disposition d’une parcelle pour essais s’appelle une prestation de service. Ça ne rentre pas dans la définition de l’exploitation agricole. Ce sont les mêmes conditions de travail que si la production était pour l’agriculteur. La destruction est tout aussi traumatisante.
Les accords internationaux interdisent la culture du soja en Europe. Il s’en produit dans le Sud-Est depuis 30 ans. Mais cette production est en voie d’extinction à cause de la concurrence des importations de sojas OGM.
Que cultivez-vous ? Du maïs non-OGM, du blé, de l’orge, du colza. Sur 100ha. Michel Masson est intéressé par l’outil OGM. Aucun essai n’a encore été fait sur ses parcelles mais il se déclare prêt pour la science.
Que fait-on si un essai se révèle offensif (par opposition à inoffensif), s’il y a dissémination ? Le pollen de maïs n’ira que sur du maïs, il ne contaminera pas les autres plantes.
Est-ce que Monsanto est français ? Non.
Y-a-t’il des plaignants de votre syndicat ? Un seul. Il est traumatisé, blessé psychologiquement.
Que pensez-vous des destructions de bureaux de fonctionnaires par votre syndicat ? De la destruction du bureau de la Ministre de l’Environnement ? Ce n’est pas la même chose, il s’agit d’actions syndicales. Un ministre, c’est différent d’un lampiste agriculteur. Les auteurs de ces actions ont été poursuivis.
Un semencier qui croit à la coexistence des cultures
Philippe Gracien, 58 ans, est directeur du GIPS (Groupement interprofessionnel des semences).
Il y a en France 80 entreprises qui font de la recherche sur les semences. Des entreprises familiales qui pratiquent la sélection, des coopératives et des filiales de groupes internationaux. Le but est de créer des variétés nouvelles de semences et de mettre à disposition des semences qui répondent aux besoins des agriculteurs traditionnels, des agriculteurs OGM et des agriculteurs bio. Avec l’espoir qu’il y ait coexistence de ces 3 types de cultures.
L’expérimentation fait partie d’un programme de recherche. C’est une étape nécessaire pour confirmer ou infirmer les résultats du laboratoire. La directive 2001-18 fait obligation des expérimentation en plein champ pour les tests de dissémination. Les expérimentations d’OGM en plein champ sont très encadrées. Les experts de la CGB (Commission du génie biomoléculaire) donnent aux pouvoirs publics un avis sur les conditions dans lesquelles l’expérimentation est réalisée (barrière pollinique, destruction des essais). Les expertises se font sur le terrain par des ingénieurs de terrain. C’est le Ministère de l’agriculture qui décide de l’opportunité de l’essai. La firme fait un rapport aux pouvoirs publics des résultats de l’expérimentation. Tout cela est donc parfaitement encadré. De plus, la réglementation européenne fait obligation d’étiquetage des produits OGM pour informer le consommateur.
Existe-t-il des OGM inscrits au catalogue des semences ? En Europe, il y a 25 sortes de maïs OGM BT, tous résistants à la pyrale.
Sont-ce des cultures dangereuses ? Les Pouvoirs publics estiment que non, ni pour l’environnement, ni pour la santé. La loi doit prévoir les conditions de culture pour garantir la coexistence des cultures OGM et non-OGM. La coexistence est garantie s’il y a moins de 0,9% d’OGM dans les cultures non-OGM.
Les conditions de culture OGM sont-elles suffisamment sécurisées ? Avec la directive de 2001, c’est la première réglementation qui est aussi complète et sécurisante.
La sécurité des essais est confiée au SRPV (Service régional de la protection des végétaux). Le Conseil d’État a considéré que l’enquête du SRPV était insuffisante, donc que tous les essais sont illégaux. Ceci concerne les essais pluriannuels parce que la firme ne donne pas l’implantation géographique des essais de l’année n+1 et n+2.
Sur les 25 variétés de maïs OGM, combien sont françaises ? L’OGM appartient à une société américaine.
Que se passe-t-il si un essai se révèle offensif pour l’environnement ? Chaque essai est un cas particulier.
Si l’OGM est disséminé, qu’est-ce qu’on fait ? L’essai concerne la plante, pour voir comment elle réagit.
Y-a-t-il danger de prolifération ? C’est une conséquence, pas un danger. Ça dépend des conditions...
Est-on sûr à 100% qu’il n’y a pas de danger ? Non.
Est-ce que les essais sont assurés ? C’est la responsabilité des sociétés.
Sous serment, savez-vous s’il est possible de s’assurer ? Les sociétés ont une assurance en responsabilité civile.
Et pour les essais seuls ? Philippe Gracien ne sait pas. François Roux sait : les compagnies d’assurances refusent d’assurer les essais.
Le directeur scientifique de Monsanto
Yann Fichet, 50 ans, est directeur scientifique de Monsanto France. Il est ingénieur agronome, a exercé dans les domaines de l’agronomie, de la génétique, de la biologie transgénique, dans l’évaluation des risques. Il était responsable de l’expérimentation de Monsanto au moment des faits.
L’expérimentation de Greneville concernait le maïs NK603, l’autorisation date du 1er juin 2004. Monsanto a mis en oeuvre des pratiques plus contraignantes que celles imposées par le Ministère de l’agriculture. Ainsi, 400m de séparation avec le maïs conventionnel au lieu de 200, barrière antipollinique de 8 rangs de maïs conventionnel au lieu de 4, mode opératoire pour manipuler les semences, procès verbaux de destruction des échantillons et des récoltes, mode opératoire amélioré, traçabilité, etc. Les essais étaient inspectés souvent par l’autorité publique. En résumé, Monsanto agit dans le cadre de la loi, dans la transparence et va au-delà de ce qui est exigé.
Le maïs NK603 est une culture sans risque pour l’environnement. 10 millions d’hectares de NK603 ont été cultivés dans le monde en 2005, c’est 3 fois la surface de maïs cultivée en France. Il n’y a eu aucun effet inattendu pendant 6 ans. Les autorisations d’importation, de stockage, de transformation et de consommation ont été obtenues. L’évaluation du risque a été confirmée a posteriori. L’objet de l’essai était de tester le NK603 dans les conditions françaises, évaluer l’impact des aléas climatiques.
L’évaluation des risques se fait au cas par cas. Le maïs NK603 ne peut se croiser avec une autre plante que le maïs. Il n’y a pas vraiment de risques puisque le NK603 est autorisé pour la consommation. Le mouvement de pollen est faible et le seuil de 0,9% permet la coexistence des deux cultures. Le rapport de l’Institut technique du maïs espagnol conclut que 10 à 20m de sécurité autour du champ suffisent pour rester en-deçà des 0,9%. Un rapport de l’Union européenne conclut que la coexistence entre les plantes OGM et les plantes traditionnelles est assez facile.
Il existe de nombreuses études (230) sur l’alimentation animale, notamment sur l’alimentation avec des OGM résistants au RoundUp. Ces études concluent à l’innocuité.
Les expérimentations de Greneville et de Neuville ont été faites dans le cadre de la loi, le NK603 est autorisé en Europe. La vandalisation des essais s’est donc faite sans raison.
Admettez-vous la contamination ? Il n’y a aucun danger, ni pour l’environnement, ni pour la consommation. Mais le 0% réclamé par l’agriculture bio est impossible et non pragmatique.
Que se passe-t-il si le seuil de 0,9% est dépassé ? En-deçà de 0,9%, la présence d’OGM dans la culture traditionnelle est dite "présence fortuite". Au-dessus de 0,9%, le pollué est obligé d’étiqueter sa production comme étant OGM.
En 2004, la Direction des fraudes a trouvé 36% des semences contaminées mais non étiquetées OGM.
Est-ce que les essais de Gréneville et Neuville sont concernés par la décision du Conseil d’État ? Oui.
Y-a-t-il un risque que les cultures bio contaminent les cultures OGM ? Oui.
Est-ce que ça remettrai en cause l’étiquetage OGM ? Non.
Comment sont assurés les essais en plein champ ? Monsanto est son propre assureur.
Est-ce que les compagnies d’assurance assurent les essais en plein champ ? Non.
Avez-vous suivi les travaux de la Commission parlementaire sur le sujet ? Oui mais pas sur le volet des assurances.
Est-ce que Monsanto est assuré pour ses risques professionnels ? Yann Fichet ne sait pas.
Y-a-t-il un transfert de la plante vers la micro-flore du sol ? On n’a jamais vu des micro-organismes devenir maïs. De plus, le transgène du NK603 vient d’une bactérie du sol. Quelle importance si le transgène y retourne dans le sol ? Les études en champ réel ont montré que l’effet potentiel sur les micro-organismes du sol sont négligeables. L’EFSA (l’Autorité Européenne de Sécurité des Aliments) estime que la fréquence du transfert horizontal (transfert de gènes entre espèces différentes) est très faible et sans risque.
Est-ce que le témoin a la qualification pour traiter cette question de transfert horizontal ? Non. Yann Fichet travaille sur l’évaluation du risque, la préparation des dossiers réglementaires. La question assurancielle n’est pas non plus dans ses compétences.
Revues scientifiques sérieuses ? Oui, ce sont des revues à comité de lecture.
Des titres ? Yann Fichet ne les sait pas par coeur.
ASGROW a été condamnée pour avoir vendu des semences OGM. Est-ce qu’ASGROW appartient à Monsanto ? Oui.
Daniel Evain et François Dufour sont appelés à la barre :
Est-ce que la culture bio contaminée à 0,3% est toujours bio ? Daniel Evain : La Commission européenne souhaite que le seuil de contamination de la culture bio soit porté à 0,9%. Pour le moment, il est interdit au transformateur des produits bio de commercialiser des produits bio qui ont la moindre trace d’OGM. François Dufour : pour le moment, en France, le seuil est à 0% pour les cultures bio.
Est-ce qu’un agriculteur bio s’est déjà retourné contre Monsanto ? François Dufour : les Faucheurs interviennent pour éviter cette situation.
Daniel Evain : C’est vrai que Monsanto va au-delà de la réglementation lors de ses essais en plein champ. C’est parce que si Monsanto se contentait de respecter la réglementation, la contamination serait trop forte.
L’ancien directeur scientifique de Monsanto
Stéphane Pasteau, 39 ans, est gérant d’une société de conseil. Il a été directeur scientifique de Monsanto pendant 8 ans, jusqu’en 2005. Il est docteur vétérinaire et docteur en génie génétique, il a travaillé au CNRS sur la cancérologie. Il fait actuellement du conseil en stratégie de recherche. Ses clients appartiennent à la grande distribution. Monsanto est parmi ses clients. Il témoigne souvent dans des conférences. Il a été témoin auprès de la mission parlementaire.
La polémique sur les essais en plein champ a démarré en 1996. Il y avait alors plus de 1000 parcelles d’essais OGM, essais menés par des opérateurs privés et publics (l’INRA). Aujourd’hui, il ne reste que 30 parcelles d’essais, la moitié des opérateurs privés sont partis. Entre temps, il y a eu 400 millions d’hectares cumulés de réalisations OGM ailleurs, des milliers d’expérimentations produisant des masses de données. Il y a eu une perte d’expertise en France. L’INRA fait autre chose, les programmes de recherche sont ailleurs, la dépendance en terme de propriété intellectuelle s’aggrave... À cause de l’incapacité à faire des essais en France, à cause des destructions.
Aucun problème de sécurité alimentaire n’est apparu. Il n’existe pas de publication sérieuse démontrant le danger des OGM.
La directive 2001-18 ? Il existe un cadre réglementaire en France depuis 1990. De plus, Monsanto applique les directives européennes.
Pourquoi les Pouvoirs publics tardent à transposer la 2001-18 ? peut-être par manque de courage politique...
Y-a-t-il un risque de transfert de gène du maïs transgénique aux bactéries du sol ? Un transfert complet et opérationnel n’a jamais pu être observé.
Le Président lit un paragraphe des attendus du jugement de 1ère Instance : "Attendu que les débats devant le Tribunal ont mis en évidence que la dissémination de maïs génétiquement modifiés en plein champ, selon la terminologie administrative, s’accompagnait d’une diffusion incontrôlée de gènes modifiés dans l’environnement ; Que cette diffusion secondaire des gènes modifiés intervient soit par la pollinisation de plants de la même espèce, originairement non transgéniques, soit par un transfert de gènes au profit d’une espèce apparentée, soit encore par un transfert de gènes au profit d’une bactérie ou d’un champignon du sol ; Que si le risque d’une transmission génétique directe au profit d’une plante apparentée ne peut être retenue pour le maïs, sans espèce sauvage parente en raison de sa provenance géographique, la preuve de la diffusion par pollinisation au préjudice du maïs non transgéniques ou par échange avec les bactéries ou champignons du sol est établie ; Que, spécialement, sur ce dernier point, à l’occasion de la table ronde contradictoire sur Le thème “les enjeux environnementaux des 0GM” (Rapport Assemblée Nationale, n° 2254, tome 2, procès-verbal de la séance du S février 2005), Monsieur Pierre-Henri GOUYON, membre de la Commission de biovigilance, Directeur du laboratoire UPS-CNRS d’écologie, systématique et évolution et professeur à l’université Paris-Sud, a rappelé que la preuve d’un transfert horizontal, c’est à dire de la récupération d’un transgène présent dans une plante par une bactérie du sol, à partir d’une expérimentation en plein champ, avait été rapportée par le laboratoire de Lyon, il y a deux ans, et publié ?dans Applied and Environmental Microbiology, sous la signature de Pascal SIMONET". Stéphane Pasteau : Ce sont des fragments de gènes, pas des gènes opérationnels.
Y-a-t-il danger ? Non.
Le Président : Est-ce que quelqu’un dans la salle peut expliquer pourquoi c’est dangereux ? François Roux : nos experts seront là demain. Jean-Pierre Masson : Les Faucheurs sont des lanceurs d’alerte.
Le Président : Devant la Cour d’appel, il faut apporter la preuve du danger imminent. François Dufour : Comparaison avec l’ESB en 1990. Stéphane Pasteau : Avec l’ESB, il y avait conscience d’un risque. Avec les OGM, il n’y a pas cette conscience. Le transfert du transgène aux bactéries du sol, ce n’est qu’un retour à l’envoyeur. La probabilité de transfert d’un gène de résistance aux antibiotiques est de 10 puissance moins 16. Les gènes utilisés en thérapeutie sont interdits dans les PGM.
Qu’est-ce qu’un gène stabilisé ? Stéphane Pasteau : C’est un gène introduit dans un plantule et qui est toujours présent plusieurs générations après.
Est-ce que la mission parlementaire a évoqué l’obligation d’assurer les essais ? Stéphane Pasteau n’en a pas de souvenir.
Y-a-t-il des compagnies d’assurance qui acceptent d’assurer les essais ? Stéphane Pasteau ne sait pas.
Monsanto est-il assuré pour ses essais ? Stéphane Pasteau ne sait pas.
La décision du Conseil d’État ? Elle concerne les Landes.
Elle concerne aussi les essais en cause. Stéphane Pasteau dit qu’il n’est pas juriste.
Stéphane Pasteau sera-t-il là demain pour se confronter aux experts de la défense ? Non.
Un agriculteur qui croit aux OGM
Jean-Louis Manceau, 49 ans, est agriculteur exploitant dans le Nors-Est du Loiret, administrateur du Groupement des producteurs de maïs.
Il craint la diabrotica, un coléoptère dont la larve s’attaque au maïs. Il pense que la solution est le maïs OGM.
Louis Amigo
Création de l'article : 30 mai 2006
Dernière mise à jour : 21 juin 2006
Fatal error: Call to undefined function mois() in /homepages/16/d242024401/htdocs/spip/ecrire/public.php(177) : eval()'d code on line 589
|