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Le plus grand défi de l’humanité |
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Notre planète a connu des périodes de glaciations et des périodes de réchauffements qui, dans l’état des connaissances actuelles, s’étalaient sur des dizaines ou des centaines de milliers d’années. Aujourd’hui, les activités d’une partie de l’humanité provoquent une accélération sans précédent du réchauffement climatique en seulement quelques décennies. Ceux qui avaient encore des doutes, en 1990, les perdent.
Tout le monde semble pris de cours par la proximité des catastrophes annoncées comme si on ignorait que le réchauffement accélère le réchauffement. Du même coup, le terme « écolo » péjoratif d’hier redevient écologiste, mais l’heure n’est plus à attendre que la conscience de chaque individu s’éveille simultanément partout sur la planète comme les fleurs des bambous. Les autorités de tous les pays vont devoir prendre immédiatement des mesures drastiques, faut dire que pour la première fois leurs propres enfants sont concernés par les échéances prédites par la communauté scientifique internationale.
On constate qu’un million de kilomètres carré du pergélisol (ou permafrost) de la plus grande tourbière gelée du monde, en Sibérie, est entrain de fondre, soit la surface de la France et de l’Allemagne additionnée. Naturellement, cette zone a ses habitants. Mais encore, la tourbe génère du méthane, un gaz à effet de serre (GES) vingt fois plus puissant que le dioxyde de carbone émis par les automobiles et, en dégelant, la tourbe libère son méthane dans l’atmosphère.
En Australie, la Grande barrière de corail blanchit. Le corail meurt sous l’effet du réchauffement. En Europe, on constate un recul de deux millions de kilomètres carré d’enneigement. Les responsables politiques font part de leurs inquiétudes pour la poule aux œufs d’or du tourisme australien et pour l’industrie européenne du loisir de montagne, mais en aucun cas pour la Grande barrière de corail et la montagne elles-mêmes.
Un rapport publié dans la revue américaine « Science » prévoit que les effets combinés de la sur-pêche, de la pollution et du réchauffement climatique, précipitent la disparition de toutes les espèces de poissons et de crustacés des océans à l’échéance de 2048. A cette même époque où les énergies fossiles seront épuisées (charbon, gaz, pétrole) et transférées dans l’atmosphère, nous aurons aussi vidé les mers.
La banquise des pôles fond, les ours blancs tombent à la mer et les Inuits meurent du cancer de la peau à cause du trou dans la couche d’ozone. La masse de glace des pôles fondue élèverait le niveau des océans de 120m. D’ici là, les grands deltas nourriciers des hautes densités démographiques, deltas du Nil et du Mékong pour exemples, seraient brûlés par le sel puis recouverts, enfin les mastodontes urbains côtiers seraient engloutis tout comme bon nombre de centrales nucléaires. Des populations considérables, refoulées, migreraient vers les villes d’altitude et les terres hautes ayant pris soudainement de la valeur. Le réchauffement climatique multiplierait les évènements naturels extrêmes ainsi que les microbes, bacilles, bactéries et virus en augmentant le potentiel des grandes pandémies. Quand on sait que l’inertie du réchauffement climatique est d’environ trois siècles, on peut prédire des bouleversements humains plus importants en un demi-siècle qu’ils ne l’ont été depuis cent mille ans. Aussi vrai que les Guerres mondiales et la Crise de 1929 seraient reléguées aux évènements mineurs, les grandes causes d’aujourd’hui deviendraient des faits divers.
Les résultats du Protocole de Kyoto ne peuvent pas être bons. Les Etats-Unis d’Amérique, premier pollueur du monde, ont boudé cet accord, alors qu’ils représentent presque un tiers de la pollution de la planète pour 4% de ses habitants. L’Inde et la Chine ont été exemptées de résultats au titre de pays en voie de développement. Dans quelques années, elles représenteront à elles seules près de la moitié de la pollution de la planète. Le Protocole de Kyoto suppose simplement que 36 pays industrialisés réduisent de 5% leurs émissions de GES en 2012 par rapport à 1990. Dans le même temps, ces pays auront vu leur pollution augmenter d’un pourcentage à deux chiffres, alors que les experts estiment qu’il est indispensable de réduire de 60% les GES d’ici 2050 pour éviter la grande catastrophe. Le Mécanisme de développement propre (MDP) du Protocole de Kyoto et la répartition inégale de ses investissements ont du mal à convaincre. Le mérite du Protocole de Kyoto tient dans une tentative d’amorcer la pompe de la réduction des GES, mais bien tard.
A Nairobi, au Kenya, où se trouve le célèbre Kilimandjaro qui perd ses dernières neiges éternelles à cause du réchauffement climatique, les grands pays industrialisés vont demander aux pays en voie de développement de réduire aussi leurs émissions de GES. Ces derniers solliciteront les grands pays industrialisés de les aider. En échange des aides, les pays industrialisés achèteront les tickets correspondant au cota du droit à polluer des pays en voie de développement et on risque de tourner en rond encore longtemps à cause des grands intérêts financiers. Pour preuve, le seul endroit où les émissions de dioxyde de carbone (CO2) ont baissé (de -37%) depuis 1990, c’est en Europe centrale et en Europe de l’est à cause de l’effondrement économique, tandis que celles des autres pays industriels ont progressé de 11%. Mais la réduction des GES n’implique aucunement effondrement économique et pauvreté, elle suppose simplement l’utilisation d’énergies naturelles douces canalisées par des technologies adaptées capables de les rendre satisfaisantes. Pour l’instant, la plus grande tare du soleil c’est d’être gratuit.
Lorsqu’on songe de nouveau à l’inertie climatique de trois siècles, on comprend que le mal est déjà fait en grande partie. Alors, existe-t-il des solutions ?
Durant un temps, les propositions avancées étaient moquées. Aujourd’hui, devant le manque de solution, on les reconsidère.
L’une d’entre elles, portée par le Pr. Roger Angel de l’Université d’Arizona -sommité en sciences optiques- propose de déployer d’immenses pare-soleil dans l’espace. Un bouclier d’une surface de 2000 km de côté comprendrait six miroirs à inclinaisons variables permettant de renvoyer de la terre vers l’espace une part du rayonnement solaire et de réduire ses effets de 2% de façon à corriger une partie des émissions de GES coupables du réchauffement de la planète. L’Institute for Advanced Concepts (Niac) de la NASA demande au Pr. Angel de préciser son projet dans les détails. Son concepteur estime le coût à 3000 milliards de dollars, moins de 2% du PIB mondial... rien du tout en comparaison des coûts prévisibles du réchauffement climatique. En effet, le colosse de l’assurance Swiss Re a déjà estimé, à la demande de l’ONU, que les seules catastrophes naturelles imputables au réchauffement climatique reviendraient à plus de 300 milliards de dollars chaque année en ne considérant que ce qui est assuré ou assurable.
Une autre idée proposée par le Hollandais Paul Crutzen, Prix Nobel de chimie 1995 et spécialiste du trou dans la couche d’ozone, serait de lâcher du dioxyde de soufre (SO2) dans l’atmosphère afin d’affaiblir les rayons solaires qui touchent la Terre. Seulement, au bout de quelques temps, ces corpuscules reviendraient vers nous, mais le temps de leur suspension dans la circulation stratosphérique permettrait de faire office de paravent refroidisseur. C’est une idée issue de l’éruption du Pinatubo aux Philippines en 1991. Durant deux ans, les cendres disséminées ont entraîné une baisse de la température de 0,5°C sur la Terre.
Il y a aussi l’idée de doper la production de phytoplancton dans les océans en l’alimentant avec des particules de fer de manière à lui faire absorber l’excès de dioxyde de carbone (CO2), principal GES. Des petits essais ont été faits dans l’Océan Arctique, Pacifique équatorial et Nord. Effectivement, le planton prolifère. Mais il y a trop de méconnaissances des courants et des espèces touchées. Le Pr. Bard, du Collège de France, pense que le CO2 ne restera pas stocké dans le plancton et pourrait être de nouveau libéré dans l’atmosphère ou dans les océans en les asphyxiant. Un remède pire que le mal, la prolifération d’algues qui produiraient du dioxyde d’azote (NO2), GES plus puissant que le CO2 !
Entre l’Odyssée de l’espèce et l’Odyssée de l’espace, les hommes ont démarré leur péril infernal.
André Bouny
Note : Communiqué Associated Presse, vendredi 03/11/2006
« Les Etats-Unis ont obtenu vendredi une nouvelle dérogation pour produire et utiliser des milliers de tonnes de pesticides à base de bromure de méthyle nuisibles pour la couche d’ozone.
Les Etats membres du protocole de Montréal réunis à New Delhi ont épargné aux USA les fortes réductions recommandées par les techniciens de l’organisation chargée d’éliminer les substances nocives pour la couche d’ozone.
En 2008, les agriculteurs américains pourront donc utiliser 5900 tonnes de ce produit sur les cultures de fraises, de poivrons ou de tomates. En dépit des stocks américains existants, bien plus importants que cette quantité, les fabricants américains auront également le droit de produire 5000 tonnes supplémentaires, a annoncé le porte-parole du sommet Michael Williams.
Les Etats-Unis avaient signé en 1987 le protocole de Montréal, qui prévoyait de mettre fin à l’utilisation du bromure de méthyle dans les pays développés pour 2005. Les Etats-Unis n’ont pas respecté cette date et ont obtenu des dérogations depuis, comme d’autres pays, mais pour des quantités plus réduites. Les pays en voie de développement disposent d’un délai plus long pour éliminer ce pesticide.
« Cet accord est une mauvaise nouvelle pour la couche d’ozone et une mauvaise nouvelle pour notre santé », a réagi David Doniger, responsable des politiques climatiques au sein du Conseil de défense des ressources naturelles, un groupe de défense de l’environnement qui demande l’arrêt de toute production. » AP
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André Bouny
Création de l'article : 14 novembre 2006
Dernière mise à jour : 9 novembre 2006
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