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Que pouvons nous espérer des biocarburants ?

mardi 22 mai 2007, par Auteurs divers

Que pouvons nous espérer des biocarburants ?

Qu’est-ce qu’un biocarburant ?

Pendant quelques décennies encore, nous aurons du pétrole mais comme la demande explose et que l’offre ne suit plus, les prix vont inexorablement grimper. De plus, avec la signature du protocole de KYOTO, la France s’est engagée à réduire ses émissions de gaz à effet de serre. La Commission européenne vient de faire passer une directive obligeant l’utilisation de 5,75% de carburant végétal en 2010.
Le terme "biocarburant" est avant tout un raccourci commode pour ce qui devrait s’appeler "carburant d’origine agricole ". En effet, un "biocarburant" est un combustible liquide obtenu, à partir de cultures ou de végétaux non cultivés. Il existe classiquement trois grandes filières de biocarburants :
les combustibles obtenus à partir de cultures oléagineuses et qui sont essentiellement le colza et le tournesol.

les combustibles obtenus à partir d’alcools (méthanol, éthanol). Les cultures concernées sont toutes celles qui peuvent fournir des matériaux capables de fermenter pour donner un alcool : toutes les cultures sucrières comme la betterave, la canne à sucre... canne, mais aussi celles qui donnent de l’amidon comme le blé.

les combustibles obtenus à partir du méthane contenu dans le biogaz. Le biogaz est ce qui résulte de la fermentation, hors de la présence de l’air, de n’importe quel matériau organique : déchets alimentaires, déchets de bois, paille, et bien sûr produits des cultures.

Un petit calcul d’ordre de grandeur : qu’espérer de ces biocarburants dans la situation actuelle ?

En 2002, la France a consommé 95 millions de tonnes de pétrole, dont 50 millions sont allées aux transports .

Pour remplacer ces 50 millions de tonnes de pétrole, Jean Marc JANCOVICI, expert climatique indépendant, parle de 118% de la superficie totale de la France plantée en tournesol pour les produire, 104% pour le colza, 120% pour la betterave.

Mais la possibilité même de ce "remplacement" est discutable aujourd’hui. En effet :
- les "biocarburants" sont actuellement utilisés comme des additifs minoritaires aux produits pétroliers. Sans produits pétroliers, on ne peut même plus les utiliser sous leur forme actuelle
- les huiles, qui sont utilisables "tels quels", ont le plus mauvais rendement brut,
-pour utiliser de l’alcool pur, il faut modifier les moteurs : cela nécessite donc de remplacer progressivement le parc.

Et ailleurs dans le monde ?

Alors, ce qui n’est pas possible pour la France, qui est un petit pays à la densité de population importante, l’est pour le reste du monde. Au niveau mondial nous disposons actuellement de 1.400 millions d’hectares de terres arables (source FAO). Avec la correspondance de 1 tonne de carburant pour un hectare cultivé, nous voyons qu’en mettant toutes ces terres en cultures nous obtiendrions 1400 millions de tonnes d’équivalent pétrole, alors que le monde en consomme aujourd’hui.....3500 millions de tonnes. Bref, en ne mangeant plus, nous pourrions faire rouler 40% de nos voitures au biocarburant !
En affectant 10% des surfaces agricoles à des biocarburants, cela permettrait une production nette de l’ordre de 4% à 10% de la consommation actuelle de produits pétroliers ; rouler entièrement au biocarburant, ce n’est pas pour demain, il s’en faut de beaucoup.

Les biocarburants permettent-ils de rouler "sans gaz à effet de serre" ?

En matière de gaz à effet de serre, on est tenté de penser que le carburant issu de la biomasse n’engendre aucune émission de CO2 fossile et donc que ces carburants sont "propres". Actuellement rien ne saurait être plus faux . En effet :
- les consommations intermédiaires (tracteur, distillation) sont actuellement assurées avec des énergies fossiles, donc une production de CO2 ;
- si l’on fertilise les champs, ce qui est indispensable pour obtenir les rendements nécessaires, il faut fabriquer les engrais, or l’agrochimie, est une source de gaz à effet de serre ;
- l’épandage de ces mêmes engrais est une source de nitrate, gaz à effet de serre ;
si des prairies sont cultivées pour obtenir du biocarburant, cela conduit à une émission de CO2 par le sol ; en effet, un sol de prairie stocke 3 fois plus de carbone qu’un sol cultivé et qui dit carbone dit CO2.

Le Professeur PIMENTEL, de l’Université de CORNELL (ITHACA- NEW YORK ) a prouvé, depuis plusieurs années, que le bilan énergétique de la production d’éthanol est négatif car la production de maïs (par exemple) a un coût réel ( intrants, pesticides, travail...). Bref, selon le Professeur PIMENTEL, le carburant végétal réchauffe davantage la planète que l’essence !

Enfin si on généralisait ce système on serait tenté de faire des cultures aussi intensives que possible, ce qui ne pourrait qu’accroître les autres inconvénients de l’agriculture sur l’environnement, par exemple à travers les pesticides ou l’érosion des sols .

Mais nous allons y revenir.

Une vraie marge de manœuvre pour les agriculteurs

Les chiffres ci-dessus montrent que l’on peut néanmoins envisager quelques millions de tonnes de biocarburants en France sans inconvénient ingérable. En sachant que la consommation de produits pétroliers de l’agriculture est de l’ordre de 4 Mtep dans le pays, pourquoi ne pas affecter prioritairement ces biocarburants pour faire rouler les tracteurs ? On pourrait ainsi partiellement protéger la profession des agriculteurs qui est souvent financièrement tendue avec les soubresauts du marché pétrolier.
On achèverait ainsi de traiter ce dossier des biocarburants au moins aujourd’hui : il vaut bien mieux commencer par faire de sérieuses économies d’énergie pour s’affranchir du pétrole que de tout miser sur un "pétrole vert.

Bilan négatif de l’éthanol

- Pour produire 1 litre d’éthanol, il faut transformer 2,37 kilos de maïs, brûler 500 grammes de charbon et utiliser 4 litres d’eau.
- Pour produire un kilo de maïs, il faut au moins 500 litres d’eau. Cela signifie que la production d’un litre d’éthanol avec du maïs demande au moins 1200 litres d’eau !
- Pour produire un kilo de blé, il faut 1000 litres d’eau et 3 kgs de blé pour un litre d’éthanol, c’est donc 3000 litres d’eau qui sont nécessaires pour la production de 1 litre d’éthanol. - Pour transporter les matières premières vers les usines de fabrication de l’éthanol et pour importer l’éthanol des pays du Sud, il f audra consommer des quantités importantes d’énergies fossiles.

Et la facture cachée ?

- Les agro- carburants vont accélérer la destruction des écosystèmes en répandant encore plus d’intrants dans les sols, dans l’atmosphère et dans les eaux.

Actuellement 2,6 milliards d’humains n’ont pas d’ assainissement, 1,3 milliards d’humains n’ont pas accès à l’eau potable et 3800 enfants qui meurent tous les jours de maladies liées au manque d’eau potable. L’agriculture consomme 90 % de l’eau douce du monde. Voulons-nous augmenter encore cette catastrophe humanitaire ?

Colonialisme vert- Conséquences

Si une grande partie de ces agrocarburants consommés dans le Nord est (ou sera) produite dans le Sud, l’augmentation de la demande en carburants végétaux va alors s’ajouter à la pression foncière déjà existantes dans les pays du Sud où les monocultures sont déjà en pleine expansion pour fournir les marchés du Nord (coton,cacao,café, cellulose,soja, huile de palme...).

Au Brésil, la culture de la canne à sucre attire des spéculateurs . « Les agrocarburants sont une bombe écologique à retardement . Les choix qui sont faits aujourd’hui pourraient accélérer la déforestation en Amazonie » précise Sylvain ANGERAND, responsable Forêt aux Amis de la Terre.

Certaines organisations parlent de catastrophe humanitaire : quelque 200 000 migrants coupent à la machette la canne à sucre, 12 heures par jour dans des conditions de température torride et pour un salaire de misère. La nuit, ils sont entassés dans des baraquements sordides. Tous les ans, des migrants meurent de chaleur ou d’épuisement. Ce sont les dommages co-latéraux de la fièvre de l’or vert.

En Indonésie, le gouvernement prévoit de détruire 16,5 millions d’hectares de forêt tropicale pour planter des palmiers à huile ( cela représente le tiers du territoire français) ! En Malaisie, ce sont 6 millions d’hectares. En septembre 2005, les Amis de la Terre ont publié un rapport sur les impacts de la production d’huile de palme : entre 1985 et 2000, ces plantations ont détruit 87% des forêts en Malaisie. Des milliers d’habitants de ces régions ont été expulsés de leurs terres et près de 500 Indonésiens ont été torturés lorsqu’ils tentèrent de résister.

La primatologue Emmanuelle GRUNDMANN a dénoncé récemment le scandale de la culture du palmier à huile en Indonésie. Elle vient de publier un ouvrage "Ces forêts qu’on assassine" aux Editions Calmann-Lévy.

Ethanol et crises alimentaires

Au Guatemala le prix de la tortilla (aliment traditionnel à base de maïs) a augmenté de 80 %. La situation est identique au Mexique. L’augmentation de 40 à 100 % du prix de la tortilla entraîne de sérieuses émeutes dans tout le pays. Des milliers de paysans sont tombés en faillite à cause de la concurrence du maïs OGM en provenance des E. U.

Aux USA, en 15 mois, le cours du maïs a augmenté de 115% . Il a atteint en mars 2007, son plus haut niveau depuis plus de dix ans, dopé par une demande croissante d’éthanol. Le"BUSHELL " (25 kgs) de maïs est passé de 1,85 dollar à 4,05 dollar .

Cette augmentation a une répercussion sur le prix des denrées alimentaires. Le coût d’un poulet, par exemple, est constitué à 40 % par le prix du maïs.

Ces cultures d’exportation entrent donc en concurrence avec les cultures vivrières et menacent la souveraineté alimentaire des pays du Sud. Cette expansion des monocultures s’accompagne d’une concentration des terres qui va bloquer encore plus les processus de redistribution des terres et de réforme agraire.

Au Brésil, cette concentration existe dans de grandes propriétés appelées « fazendas » : 46% des terres agricoles sont en possession de seulement 1% de la population rurale. Les populations rurales sont expulsées de leurs terres et ont dû migrer vers des zones forestières ou dans les ghettos à la périphéries des grandes villes.

On peut être inquiet lorsqu’on sait que la quantité de céréales pour remplir un réservoir de 4x4 suffit à nourrir un être humain pendant un an.

L’hégémonie de certaines multinationales

Mme Dilma ROUSSEF (chef du cabinet civil brésilien) affirme que les carburants végétaux sont l’expression du « mariage de l’industrie agricole avec l’industrie pétrolière ». En réalité, les groupes pétroliers se sont alliés aux groupes de l’agro-alimentaire, de la chimie et des semenciers pour lancer ces produits. Ils tentent de tranquilliser le citoyen en prétendant que les carburants végétaux ne représentent aucune "concurrence pour les filières alimentaires" !!!
La société pétrolière BP vient de s’associer à la société de la chimie et de biotechnologie DuPont de Nemours. En 1999, Dupont de Nemours a racheté la société PIONEER HIBRED, productrice de semences OGM. DuPont est actuellement la seconde multinationale de la semence derrière Monsanto.

Car Gill, la grande multinationale de l’agro-alimentaire s’est lancé dans la production de diesels végétaux...

Les chimères génétiques au renfort des carburants végétaux

Les grands gagnants de cette « production verte »sont bien sûr les multinationales "transgéniques" : Monsanto- Syngenta- Dupont de Nemours.

S’il est plus profitable de produire des carburants végétaux que des aliments, le grand capital s’orientera vers les carburants végétaux.

Les agrocarburants risquent d’intensifier l’état de famine de la planète.

Alors les BIOCARBURANTS

Bios veut dire vie.

Augmentation effrénée des intrants (pesticides- OGM) - Utilisation exponentielle d’eau - Exploitation humaine pour ne pas dire nouvel esclavage des ouvriers de ces nouvelles productions - Atteinte à la souveraineté et à la sécurité alimentaire.

Peut-on encore parler de Biocarburants après ce qui vient d’être dit ?
Est-ce que le terme de nécro carburants ne serait pas plus approprié ?

Quelques mesures

- Réduire radicalement la consommation des 15% de la population mondiale qui utilisent 60% des ressources énergétiques mondiales.
- Amplifier les mesures de diminution et de sobriété dans la consommation de l’énergie à usage domestique et professionnel.
- Limiter la publicité pour les voitures les plus énergétivores.
- Réduire la surconsommation de produits qui ont un coût énergétique élevé comme le papier, l’aluminium ( à usage d’ emballage intempestif ), l’alimentation animale.
- Réduire le transport des marchandises par les gros camions notamment par la relocalisation des productions.
- Renforcer le transport public en commun et les formes alternatives de transports pour diminuer le transport par des véhicules individuels.
- Repenser l’urbanisme des villes.


Un appel à un moratoire sur les "bio"-carburants a été lancé : http://www.moratoire-agro-carburant...

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