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Compte rendu du procès en appel Agen 4 juillet 2007 |
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Rappel : Suite à l’assignation en référé du transgéniculteur Claude Ménara par les époux Coudoin, apiculteurs, le 21 mars 2007 [1], sur le fondement des articles 808 et 809 du nouveau Code de Procédure Civile et de l’article 544 du Code civil, par Ordonnance en date du 24 mai 2007, le Juge des Référés du Tribunal de Grande Instance de MARMANDE a :
déclaré irrecevable l’action de l’association BIO AQUITAINE, l’association CIVAM AGROBIO, le GDSA, faute d’intérêt à agir ;
déclaré recevables les autres demandeurs principaux ou intervenants volontaires ;
débouté les demandeurs principaux et intervenants volontaires de leurs demandes
débouté Monsieur MENARA de sa demande de dommages-intérêts non justifiée
condamné in solidum les époux COUDOIN, la Confédération paysanne, l’Abeille Périgordine, l’Abeille gasconne, le SNA, l’association BIO AQUITAINE, l’Association CIVAM AGRO BIO, le GDSA et la FNAB à payer à Claude MENARA la somme de 5000 euros sur le fondement de l’article 700 du NCPC.
Le compte bancaire de Maurice Coudoin a été saisi dés l’annonce de sa demande d’aller en appel. Cet appel se fonde sur les dispositions de l’article 917 du Nouveau Code de Procédure Civil et, sur la mise en péril des droits des demandeurs en raison de l’imminence de la floraison des cultures de maïs OGM MON 810 appartenant à Monsieur Claude MENARA (mi- juillet 2007) et au préjudice qui en résultera du fait de la contamination des produits de la ruche et des cultures conventionnelles avoisinantes par le maïs Bt par voie de pollinisation. Leur droit d’avoir du pollen et du miel exempts d’OGM, c’est-à-dire leur droit de choisir une activité apicole sans OGM, est clairement mis en danger.
La décision en première instance du Tribunal de Marmande crée de surcroît une restriction à la liberté d’entreprendre et d’aller et venir des apiculteurs appelants puisqu’elle leur interdit de disposer leurs ruches où ils le souhaitent. Le droit fondamental des apiculteurs est ainsi bafoué et il leur est demandé de veiller eux-mêmes à ne pas mettre leurs ruches à proximité des cultures GM tandis que dans le même temps ils ne savent toujours pas où sont localisées toutes les parcelles cultivées par Monsieur MENARA, celui-ci n’ayant pas informé ses voisins de l’emplacement exact de ses cultures OGM que ce soit sur la commune de GREZET CAVAGNAN ou d’autres communes avoisinantes. C’est pourquoi il est demandé à la Cour d’appel de bien vouloir réformer l’Ordonnance entreprise en l’état du dommage imminent caractérisé par la floraison du maïs transgénique MON 810 devant intervenir à compter du 15 juillet 2007.
Audience du 4 juillet 2007
La question de l’irrecevabilité de la demande d’assignation en référé de Claude Ménara par les associations Civam Agri Bio 47, Bio d’Aquitaine, et le GDSA 47 a tout d’abord été évoquée par Me Dorothée Le Fraper du Hellen, pour la défense des appelants. L’avocate a rappelé que le juge des référés a rejeté la participation de ces trois associations au motif que l’énoncé de leur statuts ne comprendrait pas dans leurs buts la formulation de l’intention d’ester en justice pour leurs membres. Elle a fait remarqué que la « défense des intérêts des membres » et la « défense des intérêts de l’agriculture biologique » faisaient bien partie des énoncés des statuts de ces associations et qu’en ce qui concerne le GDSA, la « sauvegarde sanitaire apicole » faisait partie de ses priorités énoncées dans ses statuts. Par conséquent, elle a insisté sur l’impossibilité de considérer comme irrecevable une demande émanant d’associations dont le but est bien de protéger l’agriculture bio, l’apiculture, et les membres qui les promeuvent, de la pollution génétique qui constitue une menace pour leur activité.
Me Le Fraper a ensuite attiré l’attention du juge sur l’évolution de la situation depuis l’audience du 5 avril. Au moment de cette audience, les semis n’avaient pas encore eu lieu. La demande portait donc sur l’interdiction de semer. Depuis, les semis ont eu lieu et, à ce jour, l’emplacement exact des parcelles semées demeure toujours inconnu. La floraison est imminente, et avec elle, la contamination génétique irréversible. De plus, le 5 avril, le contrat de Mr Ménara a été produit et il est alors apparu qu’il s’apprêtait à semer non seulement sur la commune de Grezet Cavagnan, mais aussi sur d’autres communes, dont Ste Marie. Or, Mr Coudoin est titulaire d’un contrat l’engageant à mettre ses ruches sur la commune de Ste Marie. Mr Coudoin est donc tenu de mettre ses ruches sur la commune de Ste Marie sans savoir où se trouvent les cultures transgéniques de Mr Ménara et, dans le même temps, il se trouve débouté en première instance par le tribunal qui lui dit qu’il aurait du mettre ses ruches à plus de 1 200 mètres de ces cultures dont il ignore l’emplacement. Cette évolution de la situation justifie que la demande ait elle aussi évolué et qu’elle s’étende maintenant à la destruction de toutes les cultures de MON 810 de Mr Ménara.
Me François Roux a ensuite pris la parole en posant la question : « Où sont donc les parcelles de Mr Ménara semées après le référé ? » Mr Ménara ayant entendu les débats contradictoires lors de l’audience du 5 avril, en toute connaissance de cause, a décidé de semer du Bt sachant pourtant qu’il allait engendrer la contamination. Mr Ménara a par ailleurs produit un contrat mentionnant 48 ha alors qu’il a affirmé dans la presse en avoir semé 100.
Me Roux a alors sorti un ordinateur portable connecté à Internet et engagé la Cour à vérifier que sur la page www.ogm.gouv.fr sur laquelle aurait du se trouver le Registre National des cultures GM, il ne se trouvait...rien ! Aucune localisation d’aucune parcelle.
La tentative des apiculteurs de discuter avec Mr Ménara en 2006 n’avait rencontré qu’un refus hautain. Son refus également de participer à l’expérience contradictoire qui, sous contrôle d’huissier, a révélé la contamination grave des ruches (jusqu’à 30%), et qui a prouvé que les abeilles, contrairement aux affirmations des transgéniculteurs, butinent bien sur le maïs et ramènent du pollen contaminé dans les ruches, était une déconvenue supplémentaire pour Mr Coudoin et les associations. Début 2007, Mr Ménara s’est vanté à la presse en disant « je vais recommencer à semer des OGM cette année », Mr Coudoin et les associations ont alors convenu de saisir le référé si le transgéniculteur mettait ses dires à exécution.
Selon sa première réaction, la juge en première instance indiquait que nous aurions assigné en référé « trop tard ». Pourtant le contrat de Mr Ménara est signé du 15 mars 2007 : cette date est donc la seule date à laquelle il était possible avoir la certitude que Mr Ménara allait bien semer. Dans un second temps, elle a indiqué que, si loin de la floraison, « c’était trop tôt ». Trop tard ou trop tôt ? Il faudrait s’entendre.
Donc la Cour doit considérer la demande de recevabilité des associations d’une part, et d’autre part, Me Roux s’est adressé personnellement au juge en lui disant : « rendez-nous justice face à une puissance financière, face à des lobbies organisés qui veulent faire passer en force les OGM. Il a souligné que dans la situation présente, même les politiques ne sont plus en mesure de résister à ce pouvoir financier et que le dernier recours est donc le droit et la justice, la possibilité d’appliquer la loi qui est faite pour défendre le faible contre le fort.
Il a apporté des détails sur les agissements de Monsanto envers les agriculteurs en soulignant que le but des firmes est bien de prendre le contrôle de l’alimentation mondiale. Mr Ménara dans ce cadre n’est qu’un acteur qui pour l’instant, pour l’instant seulement, bénéficie des avantages de son rôle. Me Roux a ajouté que cela pourrait changer et exposer Mr Ménara à des déconvenues. Il a également rappelé que le jugement allemand venait de discréditer le MON 810.
Pour camper le problème au niveau juridique, il a présenté la situation ainsi : d’un côté se trouve Mr Ménara qui a le droit et la liberté d’entreprendre. De l’autre, Mr Coudoin qui a le droit et la liberté d’entreprendre. C’est-à-dire qu’on a deux droits équivalents de part et d’autre. La décision qui sortira de ce tribunal sera par conséquent très importante.
Les éléments juridiques apportés par Mr Ménara se résument à : « j’ai toutes les autorisations, je suis en règle ». Mais les acteurs du sang contaminé, des farines animales, eux aussi avaient toutes les autorisations et étaient en règle ! Le titulaire d’un permis de construire est aussi en règle lorsqu’il entame ses travaux. Il ne peut pas pour autant imposer à ses voisins de s’éloigner pour pouvoir les réaliser, ni créer de dommages qui les pénalisent.
D’ailleurs, lorsque Mr Ménara affirme qu’il est tout à fait en règle, cela n’est pas tout à fait exact, mais cela ne dépend pas de lui. La France en effet n’a pas encore à ce jour transposé intégralement la Directive de l’UE 2001/18. Les cultures OGM ne sont donc pas dans la légalité mais dans une zone de non-droit puisqu’il n’existe pas d’encadrement législatif.
Si l’on s’en tient à la loi, celle du 4 Février 1976 est donc celle qui doit nous servir ici. Or, que stipule cette loi ? Que « l’utilisation sur les plantes de produits et traitements dangereux pour les abeilles sont interdits pendant leur floraison ». Effectivement, il est impossible d’imaginer une agriculture sans les abeilles et le législateur a donc sagement prévu leur protection. Les hécatombes actuelles dans les ruchers aux États-Unis et dans d’autres pays doivent nous faire réfléchir.
L’importance des abeilles est d’ailleurs si reconnue que Mr Coudoin est titulaire d’un contrat d’agriculture durable avec la Préfecture du Lot et Garonne et perçoit des subventions pour transhumer dans l’intérêt du territoire.
A ceci, Mr Ménara oppose qu’il se trouvait là « avant ». Il oublie de préciser qu’ « avant » il cultivait certes du maïs, mais pas des OGM. Mais que se passe-t-il pour l’activité de Mr Coudoin s’il est forcé à s’en aller ? Un agriculteur a demandé à Mr Coudoin de mettre des ruches sur son tournesol, mais ce tournesol est à côté d’un champ de Mr Ménara. Ce n’est donc pas sa seule liberté d’entreprendre sans être contaminé qui est remise en cause, mais la possibilité même d’exercer son activité. Que peut-il faire dés lors ?
Les abeilles existaient avant Mr Ménara et le contrat de Mr Coudoin (2005) est antérieur aux cultures transgéniques de Mr Ménara.
Invoquer l’antériorité ici est donc un « abus de droit ».
De plus, Mr Ménara n’est pas assuré pour ses cultures GM parce qu’aucune Cie d’assurance n’accepte de couvrir de tels risques. Ces risques commencent à apparaître comme étant si considérables qu’une Cie d’assurance de la région du Centre a écrit à toutes les cantines de la région en leur disant qu’elles ne seraient pas assurées si elles servent des repas contenant des OGM. On mesure ainsi le risque que font peser ces cultures...
Me Maï Le Prat, avocate de Mr Ménara, a alors pris la parole en affirmant : « il n’y a pas de débat de fond à avoir en appel d’une procédure en référé ».
Concernant l’irrecevabilité de la demande des associations, la jurisprudence de la Cour de cassation indique que la possibilité d’agir en justice doit figurer expressément dans les statuts et qu’il est possible de constater que cela n’est pas le cas.
Concernant l’évolution de la demande, en première instance il s’agissait d’empêcher Mr Ménara de semer des OGM. Aujourd’hui la demande porte sur la castration ou la destruction du maïs, sans précision de localisation. Cela démontre que l’on veut faire croire que l’on cherche à empêcher des dommages localisés, alors qu’en fait on cherche à prendre la place du législateur et à empêcher Mr Ménara de semer n’importe où en France, et pourquoi pas aussi à l’étranger ?
Le souci de localisation des parcelles de Mr Ménara est très étonnant puisque la pseudo expérience « scientifique » en 2006 avait bien su trouver où elles étaient, et Mr Ménara a eu un champ marqué d’une croix par Greenpeace puis fauché. Les parcelles de Mr Ménara sont donc parfaitement connues. L’assignation en référé de Mr Coudoin n’est donc qu’un prétexte pour obtenir une interdiction plus large.
L’imminence de la floraison induirait une « urgence » ? Il faudrait alors que le demandeur justifie sa carence inexpliquée à avoir saisi la justice plus tôt alors qu’il connaît depuis septembre 2006 l’intention de Mr Ménara de semer à nouveau des OGM en 2007. Pourquoi avoir tant attendu ?
Nous devons donc nous en tenir à l’article 809 sur les dommages imminents et les troubles illicites. Y a-t-il un quelconque dommage ? Une seule étude, non fiable, a été produite, sans état d’expertise. Celle-ci a seulement révélé le pourcentage d’OGM dans le pollen de maïs sans qu’il soit possible de déterminer le pourcentage d’OGM dans le pollen récolté. Il n’y a aucune assurance que le seuil de 0,9% a été dépassé et que l’étiquetage soit requis. Le préjudice n’est donc pas prouvé et aucune conséquence économique n’apparaît dans le dossier. Le pollen n’est par ailleurs pas soumis à étiquetage puisqu’il s’agit d’un produit animal.
L’apiculteur, par ailleurs, déplace ses ruches en fonction du but qu’il recherche. S’il veut du miel de châtaignier, il place ses ruches près des châtaigniers. La période de pollénisation du maïs est très courte. Il y a donc eu intention manifeste d’être pollué. La contamination a été recherchée. Un apiculteur qui préfère ensuite la lavande aux châtaigniers ne va pas demander la destruction de tous les châtaigniers au prétexte que ceux-ci ne lui conviennent pas.
Un courrier du 1er juin 2007 fait état d’un « refus d’information sur la localisation des parcelles » alors qu’il a été répondu qu’il suffisait de consulter le Registre National ou de demander au Ministère. Si le Ministère n’a pas répondu pourquoi ne pas avoir saisi la CADA ?
Il n’y a donc pas de trouble du voisinage ni de préjudice. Un coq peut être interdit en ville mais autorisé à la campagne. S’il y a « gêne », elle doit être persistante. Or la pollénisation ne dure que 8 jours dans l’année. Même en retenant la notion de gêne, l’antériorité ne permet pas d’appliquer le trouble du voisinage. Enfin, il s’agit bien d’un « trouble recherché par la victime ».
S’il y a eu saisi des comptes de Mr Coudoin, c’est bien entendu parce qu’il y a eu refus de paiement de celui-ci....
Le jugement a été mis en délibéré et sera rendu le jeudi 12 juillet 2007.
Il ressort donc de cette audience que :
Mr Ménara a bien semé des OGM après avoir entendu les arguments des associations et des apiculteurs, en dépit du fait qu’il savait donc mettre leur activité en péril.
Sa défense n’a pas varié d’un iota et persévère à maintenir ce procès au niveau d’une simple affaire de préjudice économique qu’elle ne reconnaît pas, sans égard pour les conséquences des cultures de Mr Ménara sur la biodiversité, et la liberté d’entreprendre de ses voisins.
Enfin, elle maintient son respect de la légalité sans convenir que celle-ci ne lui donne pas la légitimité de nuire. La décision de ce tribunal dira donc si « la loi du plus fort » est ou n’est pas celle de notre pays.
S. Escazaux, 8/07/07
Notes
[1] Compte-rendu du procès de Marmande
Auteurs divers
Création de l'article : 9 juillet 2007
Dernière mise à jour : 9 juillet 2007
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