Pour un pacifiste convaincu, aller à Verdun ce week-end, fusse sur Garonne, a été un vrai parcours du combattant (toute proportion gardée bien sûr). Errant sur les routes et les chemins, nombreux sont ceux que j’ai rencontrés et qui voulaient tout simplement faire comme moi, rejoindre le site.
J’ai en mémoire une dame de l’Aude qui finalement repartira effrayée vers sa terre ; un couple avec un bébé dans un sac à dos qui une fois houspillé, a disparu aussi. Disparu également toutes ces voitures qui s’arrêtaient un peu partout et où après un regard inquiet, le chauffeur ou le passager demandait : « Vous êtes pro ou anti ? ». Puis, « Comment on fait pour entrer ? ».
Oui, pour être resté jusqu’au soir, je peux attester qu’il aurait dû y avoir beaucoup plus de monde.
Mais où était le problème alors ?
Voilà quelques années que les uns et les autres tentons d’infléchir la volonté d’un petit nombre de nous imposer les ogm. Que d’heures, de kilomètres, de tension, de peur mais aussi de joie, de fraternité, de solidarité et d’espoir !
Et là, comme cela s’est passé plusieurs fois dernièrement, des gens se sont proclamés justiciers et ont voulu nous empêcher par la violence de nous réunir.
De plus, voilà plusieurs fois que je me fais traiter d’obscurantiste, de fainéant, d’écolo, de chevelu, de voyou, de terroriste. Je ne sais d’ailleurs toujours pas si fainéant n’est pas plutôt une qualité et à quoi je devrais rougir d’être écolo mais...
Mais à mon tour d’utiliser les mots maintenant !
Mais, sur le pont de Verdun, j’ai bien failli me faire lyncher et cette fois sans excès dans le mot. « On va te couper les cheveux ! » crachaient certains. Probablement les mêmes qui à la libération ont enlevés, lorsque les Américains étaient à quelques kilomètres, leur francisque pour la remplacer par un brassard FFI et tondre celles et ceux sur qui leur jugement tombait. « Va bosser fainéant ! » Lançaient d’autres sans se préoccuper de savoir le nombre d’heures sup. que je n’arrive pas à poser et qui se comptent en jours maintenant ! Un geste menaçant, comme une gifle, s’est arrêté à quelques millimètres de mes yeux. Certainement un plus courageux que les autres qui est prêt à frapper quelqu’un à condition d’être entouré de cent personnes. Le même qui courageusement met un bulletin Front National en disant qu’il n’est que de droite, espérant par là que d’autres assouvissent pour lui ses plus bas instincts. Un autre criait : « Mais pourquoi on le laisse repartir ? ». Très courageux lui aussi en a appelant à ce que d’autres fassent ce que lui avait peur de commencer !
La foule ! Le nombre et ses plus basses pulsions !
Beaucoup de gestes très menaçants, de paroles, de tension mais on ne m’a pas touché. Pourquoi ? Pour rien, juste de la chance ou la présence ma compagne car il est clair que ce jour-là les viandards étaient de sortie ! La petite centaine qu’ils étaient voulait bouffer du faucheur volontaire et ils étaient venus pour ça comme en témoigne les images de télévision et les propos qu’ils y ont tenus. Je ne suis pas sûr qu’à l’intérieur du site les camarades aient pris la réelle dimension de la tension qui régnait autour.
En lien avec ces comportements, j’entends que tout aussi courageusement, cinq gros bras ont été menacer très violemment un camarade chez lui, à la tombée de la nuit. Encore d’autres ont été auprès d’un représentant syndical avec l’intention de lui faire un sort. Les médias répercutent qu’un sous-préfet, en mal de promotion sans doute, aurait fait un marché avec ces mêmes viandards : « Rentrez sur vos terres et protégez les ». Est-ce un appel aux milices ? Est-ce un appel à l’autodéfense ? De combien d’autres violences ou menaces aux personnes je n’ai pas connaissance ?!
Allons, j’essaye de me décaler un peu de toute cette confusion et je me dis.
Je me dis que de simples fleurs ne méritent pas une telle tension. Que le débat sur cette violence qui monte n’est même pas sur la question du pour ou contre les ogm.
On est entré depuis peu dans un espace nouveau où nous sommes directement menacé physiquement. Menacé et pas seulement par de simples et simplets viandards prêts à mettre deux coups de fusil au triple zéro à un faucheur volontaire comme il le ferait à une alouette de 20 grammes mais aussi et surtout par leurs représentants locaux et nationaux. Ces menaces, mêmes pas voilées, sont comme des blancs seings à celui qui commettra un jour ou une nuit l’irréparable.
Et nous ? Quelle est la menace que nous faisons peser pour générer autant de haine de ce tout petit groupe ?
Il y a probablement quelques chauds parmi nous mais jamais, même dans la confidentialité d’une réunion ou d’un verre pris en commun, je n’ai entendu quelques menaces de violences sur les pros ogm ! Aucun agriculteur non ogm, bio ou apiculteur n’a jamais menacé celui qui produit des ogm et qui pourtant l’envahie dans sa production, sur sa propriété, elle aussi privée. Jamais depuis toutes ces années un agriculteur pro ogm n’a eu à subir une violence ni même une menace. Même à Lugos, alors qu’il venait très clairement de tenter de tirer sur quelques-uns, l’agro manager qu’il était n’a eu à subir notre vindicte. Nous l’avons tout simplement désarmé, sans geste inutile, sans un coup alors que certains avaient frôlés la mort ! Même Monsanto que nous accusons de tous les maux n’a eu de menaces et encore moins de locaux dégradés. Des épis, rien que des épis de maïs ogm...
Pouvons-nous tout simplement laisser s’installer un discours qui normaliserait l’autodéfense ? Pouvons-nous tout simplement assister à cette escalade vers le lynchage sans dénoncer cette dichotomie entre l’acte de fauchage et l’acte de blesser ou tuer quelqu’un ? Pour ou contre les ogm, on ne peut pas laisser diffuser qu’il serait légitime qu’un paysan tire sur quelqu’un qui coupe un maïs. Il y a entre ces deux actes, couper une fleur et tuer quelqu’un, un impossible rapprochement. Tous ceux qui tentent de le faire construisent le crime. Est-ce devant le cadavre d’un collègue tiré comme un nuisible par une bande de lâches habillés de blanc à la sauce KKK que les autres, tranquillement assis dans leur canapé à regarder PPDA commenter les infos, se diront : « Oh ! Là c’est pas bien ! ».
Nous devons aujourd’hui plus qu’hier rappeler et faire rappeler par les médias notre fondement pacifiste. Nous devons plus encore être vigilant pour que nos actions, de jour comme de nuit, soient clairement perçues comme telles. Nous devons systématiquement porter plainte ou accompagner ceux qui le feront lorsque des menaces sont exprimées dans quelques situations que ce soit. Nous devons solidariser auprès de nous, sur cette question de la violence, les autres associations ou syndicats intervenants sur ce sujet ou pas. Il faut que leurs leaders, Greenpeace, Attac, WWF, France Nature _ Environnement, Les Amis de La Terre etc.... montent aux médias pour dénoncer ces menaces qui font courir le risque de l’irréparable. Il faut stigmatiser les propos de certains préfets, de ministres et plus encore de certains syndicats agricoles comme étant potentiellement des appels à la violence. Nous ne pouvons pas laisser croire qu’ils sont dans le processus de légitime défense mais dire qu’ils sont déjà dans celui de l’assassinat. Que tous ceux qui attisent la haine contribuent à ce qu’un malheureux appui un jour sur la détente...
Quand je repense à ce week-end à Verdun sur Garonne, je suis surpris mais aussi ému et admiratif de voir notre capacité à réagir !
On voulait nous empêcher de nous réunir ; nous y sommes arrivés ! On voulait casser du faucheur volontaire ; on a pu l’éviter ! On voulait nous empêcher de faucher ; on l’a fait ! On voulait nous empêcher de bouger ; on l’a fait en ramenant à Monsanto ces épis ogm !
Nous ne sommes que des petits riens et pourtant je nous trouve très forts.
Merci à ceux qui ont organisé et ont permis cette réussite malgré tous ces inconvénients.
Thierry Autefage.