1. LE MORATOIRE
1.1 Pourquoi un moratoire ?
"Sur les OGM, tout le monde est d’accord : on ne peut pas contrôler la dissémination. Donc on ne va pas prendre le risque ." Jean Louis Borloo, Le Monde du 20 septembre 2007. Ne pas prendre de risque, c’est décider un moratoire sur toutes les disséminations en plein champ jusqu’à ce que la liberté et le droit de produire et de consommer sans OGM soient garantis par la loi et non pas jusqu’au vote d’une loi autorisant une certaine dose de risque.
Cependant, les propos du Sénateur Legrand, président du groupe de travail OGM, qui déclarait le 27 septembre à Reuters « vous pourrez faire du bio, du conventionnel et des OGM » montrent qu’il faut rester très prudent dans l’interprétation de l’annonce de Jean Louis Borloo : ou bien Mr Legrand est devenu magicien et a découvert la solution que n’a pas trouvé le groupe de travail pour faire cohabiter apiculture, bio, OGM et sans OGM, ou bien l’absence de prise de risque évoquée par J-L Borloo se limite pour lui à un « sans OGM » acceptant une certaine dose d’OGM. Il est donc plus que jamais nécessaire d’expliquer avec précision ce que nous entendons par moratoire et « sans OGM ».
1.2. Cultures commerciales et essais
Les risques de dissémination venant d’essais en plein champ sont les mêmes que ceux venant des cultures. Il reste aujourd’hui de très nombreuses questions de recherche fondamentale qui n’ont pas trouvé de réponse et laissent planer un doute sérieux sur l’innocuité des OGM sur la santé et l’environnement. Alors que des effets néfastes sur la santé ont été constatés et souvent non expliqués, aucun essai de toxicologie de longue durée et sur plusieurs espèces animales, du type des évaluations exigées pour la commercialisation d’un pesticide, n’a été fait à ce jour. Cette absence d’évaluation est d’autant plus inquiétante vu que la majorité des OGM commercialisés produisent des insecticides ou stockent des herbicides jamais évalués pour cet usage.
Aucune explication scientifique n’a été apportée sur le devenir des constructions transgéniques artificielles qui se « réarrangent » dans le génome après insertion, ni sur les effets non intentionnels, notamment sur la santé, que ces réarrangements peuvent produire. Aucune étude scientifique poussée n’a été réalisée sur les transferts horizontaux de transgènes aux bactéries du système digestif, du sol, dans l’eau... au-delà du constat qu’ils se produisent parfois... La réponse à ces questions fondamentales peut être apportée par les recherches en laboratoire et n’a pas besoin d’essais en champ.
« Il n’existe pas de recherche en champ » (Pierre Henri Gouyon, chercheur au CNRS, Muséum d’Histoire Naturelle). Les essais en champ ne sont pas de la recherche, mais du développement : ils ont pour but d’évaluer le devenir d’un OGM lorsqu’il est cultivé, dans le seul but de pouvoir le commercialiser et non de répondre aux questions scientifiques fondamentales préalables à une éventuelle orientation vers un développement commercial. Un moratoire sur les essais n’interdit donc aucune recherche, mais uniquement le développement commercial prématuré de recherches non abouties à ce jour.
1.3. Le moratoire est juridiquement possible
Dès l’annonce par Jean Louis Borloo d’un possible gel des cultures OGM en France, la Commission Européenne s’est empressée de déclarer que, dans le cadre de la réglementation européenne actuelle, aucun état n’avait le droit de prendre une décision d’ordre général et de décréter unilatéralement un moratoire sur l’ensemble des cultures OGM. C’est exact et la Cour de Justice des Communautés Européennes a confirmé la décision de Commission qui avait rejeté la proposition de la Haute Autriche d’adopter une loi régionale interdisant toute culture OGM sur son territoire.
Mais si un État européen ne peut pas interdire à priori tous les OGM, il peut les interdire au cas par cas. D’une part, il peut interdire tous les essais et n’a aucun compte à rendre à l’UE pour ce type de décision qui relève de ses seules compétences nationales. D’autre part, chaque fois qu’un OGM est autorisé par l’UE pour la consommation et/ou la culture, un État peut actionner la clause de sauvegarde prévue à l’article 23 de la directive 2001/18 sur la dissémination des OGM, à condition d’amener des éléments scientifiques nouveaux ou n’ayant pas été pris en compte lors de son évaluation initiale par l’UE. Il peut aussi actionner la clause de sauvegarde prévue par la directive 2002/53 sur le catalogue commun des variétés de plantes agricoles s’il prouve que la variété concernée peut nuire à la santé ou à l’environnement ou, sur le plan phytosanitaire, à la culture d’autres variétés ou espèces, ou encore si la variété n’est pas adaptée à la culture sur son territoire.
Le Conseil « Environnement » de l’Union européenne a rappelé qu’il pouvait prendre en compte pour cela les systèmes agraires et les écosystèmes régionaux. En effet, dans ses principes d’évaluation des risques environnementaux, la directive 2001/18 permet de prendre en compte les modifications des pratiques agricoles1. Les risques pour les écosystèmes régionaux ont permis à la Hongrie d’interdire les cultures de maïs OGM sur la majeure partie de son territoire du simple fait de son classement en site protégée pour la richesse de sa biodiversité et de l’absence d’étude d’impact de ces OGM sur cette biodiversité. La protection des systèmes agraires est inscrite dans la loi semence italienne depuis 2001 parmi les motifs l’autorisant à refuser la commercialisation sur son territoire d’OGM autorisés par l’UE au même titre que les risques pour la santé et l’environnement.
L’impossible maîtrise des disséminations de pollen de maïs dans le cadre du parcellaire français2 suffit, à l’évidence, pour permettre au gouvernement d’actionner la clause de sauvegarde vis-à-vis de toute autorisation de commercialisation de semences de maïs OGM par l’UE.
Aujourd’hui, un seul OGM autorisé par l’UE est effectivement cultivé, le maïs MON 810. Son autorisation, accordée en 1998, reste valable jusqu’à ce que l’UE réponde à la demande de renouvellement récemment déposée. Plusieurs pays européens ont déjà décidé un moratoire sur ce maïs (Autriche, Hongrie, Grèce, Allemagne), moratoire validé à plusieurs reprises par le Conseil « Environnement » de l’Union Européenne. La France peut sans difficulté prendre la même décision en s’appuyant sur les mêmes études scientifiques et non sur la seule étude expertisée par la CGB qui n’a été utilisée pour aucun de ces moratoires (étude Greenpeace, postérieure au moratoire allemand).
Ces décisions de notification de moratoire seront cependant annulées dès la publication d’un éventuel renouvellement par l’UE de la première autorisation. Il faudra alors produire de nouvelles études scientifiques postérieures ou non prises en compte par cette nouvelle autorisation. Il faudra produire aussi le même type d’études pour d’éventuelles réponses positives aux autres demandes d’autorisation de dissémination d’OGM en milieu ouvert déposées auprès de la CE. Aujourd’hui, ces demandes concernent essentiellement des maïs.
Le gouvernement français ne peut pas aujourd’hui prendre de décision de moratoire sur ces autorisations qui ne sont pas accordées, mais il peut s’engager et se préparer dès maintenant à le faire au nom de l’impossible maîtrise des disséminations dans le cadre des systèmes agraires français, dès leur éventuelle publication qui pourrait très bien arriver juste avant les semis.
2. LA LOI DOIT PERMETTRE LE MORATOIRE
2.1. Pourquoi la loi ?
Nous ne pouvons pas demander un moratoire jusqu’à ce que la loi garantisse la liberté et le droit au « sans OGM » et, dans le même temps, refuser de débattre du contenu de cette loi. En l’état actuel des dispositions réglementaires européennes et françaises, l’absence de loi et de moratoire favorisent la dissémination incontrôlée des OGM. Par ailleurs, que nous le voulions ou non, la France est fortement incitée à finir de transposer dans sa législation la directive 2001/18 en ce qui concerne les cultures en plein champ par les menaces de condamnation de la Cour de Justice de la CE, pour retard de 5 ans dans cette transposition. Enfin, le gouvernement a déjà annoncé le vote de cette loi et les lobbies pro OGM poussent pour qu’elle soit votée le plus rapidement possible. Nous ne pouvons donc plus prendre le risque de ne pas rentrer dans le débat sur le contenu de la loi.
La complexité et le peu de connaissances scientifiques des réalités des flux de gènes dans les champs ainsi que la méconnaissance actuelle des décideurs administratifs et politiques sur ce sujet nous amènent à penser qu’une loi votée dans la précipitation passera nécessairement à côte des problèmes essentiels.
Le moratoire doit donner le temps au constat, à la connaissance, à l’analyse et au débat public nécessaires en préalable à toute décision législative.
2.2. Réglementation européenne et loi nationale
La loi française ne peut pas interdire à priori toute culture d’OGM, ni sortir du cadre européen qui exige la liberté de choix « avec ou sans OGM », sauf à changer préalablement ce cadre : sans autre mesure, le temps nécessaire à un tel changement risquerait fort de laisser aux PGM toute latitude pour envahir les champs de manière irréversible. Il est donc indispensable de poursuivre les deux objectifs, français et européens, en même temps, toute avancée vers l’un renforçant l’autre.
Dans le même temps où il prépare le vote d’une loi spécifique, le gouvernement français doit engager une demande de procédure de révision de la directive 2001/18, notamment afin qu’elle garantisse explicitement le droit et la liberté de produire et consommer sans OGM, ainsi que du règlement 1829 afin qu’il n’autorise plus le contournement des exigences de la 2001/18 sur l’évaluation, demandes qu’il devra mettre en priorité lorsqu’il assurera la présidence de l’Union Européenne à partir de juillet 2008. Sans cette révision dont elles renforcent la nécessité, toutes les initiatives juridiques nationales ne sont que partielles ou provisoires : chaque moratoire sur un évènement autorisé est un nouveau bras de fer avec la CE qui peut éventuellement garder le dernier mot, le seuil de contamination à 0,1% choisi par la Styrie, la protection des systèmes agraires choisie par la loi semence italienne ou le refus de variétés non adaptées au climat local choisi par la Pologne peuvent interdire de très nombreux OGM mais pas tous, la loi d’interdiction de tout OGM jusqu’en 2009 du Sud Tyrol oblige cette région autrichienne à publier une loi de coexistence à cette date...
2.3. L’objet de la loi : la liberté et le droit de produire et consommer sans OGM
La liberté de choix s’entend de la possibilité de choix, et donc de la conservation des activités préexistantes aux PGM, parmi lesquelles l’agriculture sans OGM. Cette conservation passe nécessairement par la protection de ces activités. Les cultures OGM peuvent menacer ces activités, la liberté de produire « avec des OGM » doit donc s’arrêter avant de risquer de les contaminer. La production « sans OGM » ne menace par contre en rien la production OGM, seule sa protection peut le faire. Mais cette protection est légitime et n’a donc pas à être limitée, sauf si la dissémination d’OGM relevait d’une éventuelle utilité publique, ce qui n’a jamais été le cas. La liberté de choix impose donc une loi qui garantit la liberté et le droit de produire et consommer « sans OGM », pas nécessairement « avec ».
Les recommandations ci-dessous développent avant tout certains points essentiels qui ont été éludés dans les conclusions du groupe de travail OGM du Grenelle. Elles n’excluent pas la nécessité de faire des propositions aussi sur d’autres volets de la loi déjà largement développés par ailleurs, notamment l’étiquetage des produits issus d’animaux ayant consommé des OGM, le respect de la réglementation européenne sur les semences qui exige la mention « contient des OGM » dès le seuil de détection, la composition, les missions et le fonctionnement des instances chargées de l’évaluation et de la biovigilance...
2. 4. Défense des systèmes agraires existants, compétence de la Haute Autorité, collectivités territoriales
Avant toute décision d’autorisation, l’UE confie à l’EFSA une évaluation et consulte les États sur cette évaluation. Lors de cette première étape, le gouvernement français a toujours consulté l’AFSSA et/ou la CGB, demain Haute Autorité (HA) suivant le souhait de Jean Louis Borloo. Mais cette première évaluation ne concerne que les risques pour la santé et l’environnement en général. Après l’autorisation, les États peuvent encore actionner la clause de sauvegarde à l’issue d’une nouvelle évaluation. Le Conseil de l’Union Européenne recommande que l’impact sur les systèmes agraires et les écosystèmes régionaux soit alors pris en compte de manière plus systématique dans l’évaluation environnementale1. Il est donc nécessaire que :
les compétences de la HA définies par la loi s’étendent au-delà de l’évaluation des risques pour la santé et l’environnement à celle de l’impact sur les systèmes agraires sans OGM et les écosystèmes des régions françaises
la HA soit tenues de prendre en compte pour l’évaluation les avis des collectivités territoriales (régions, départements, parcs...)
chaque collectivité territoriale puisse saisir la HA pour exiger une telle évaluation
que la HA puise aussi s’autosaisir pour la réaliser si elle le juge nécessaire1
Aujourd’hui en France, seul le gouvernement détient les pouvoirs de police permettant d’autoriser ou non la culture d’un OGM autorisé. Il est donc aussi nécessaire :
que la loi oblige le gouvernement à prendre en compte l’avis des communes et des autres collectivités territoriales, non pas pour autoriser un OGM, mais pour refuser sur leur territoire la culture d’un OGM autorisé
Ces dispositions constituent dans le cas des OGM un minimum démocratique
3. LES PRINCIPES DE L’EVALUATION
En conséquence de ce qui a été développé plus haut, l’évaluation doit suivre des protocoles au moins équivalents à ceux exigés pour les pesticides. Elle doit aussi vérifier le respect des autres réglementations, notamment l’interdiction d’épandre sur des plantes en floraison des substances toxiques pour les abeilles. Elle doit être complète, suivant les protocoles exigés par la 2001/18, notamment l’évaluation des effets cumulés à long terme, qui sont contournées par l’EFSA pour les nouvelles évaluations faites suivant la 1829/2003.
Quelques exemples :
impact de la modification des pratiques agricoles : l’impact sur l’environnement ou sur les futurs consommateurs de la plante OGM de l’utilisation d’un herbicide sur une plante résistante n’est pas évalué actuellement par la CGB
impact des effets cumulés à long terme : il est notoirement connu que l’assemblage dans un même génome de plusieurs transgènes peut produire des effets différents de l’addition des effets de chacun des transgènes insérés. Or, à l’heure actuelle, il ressort des dossiers de demandes d’autorisation que les autorisations accordées par la CGB et l’EFSA pour des plantes comprenant plusieurs transgènes le sont du simple fait des autorisations accordées à chacun d’entre eux, sans aucune évaluation des éventuelles synergies pouvant résulter de leur accumulation dans le génome d’une seule plante.
De même, toutes les évaluations d’éventuelles contaminations entre champs sont faites sur un seul cycle, sans aucune prise en compte des éventuelles accumulations au cours des années résultant de l’utilisation de semences contaminées...
Il ressort de ces exemples la nécessité impérative de ne pas limiter la composition de la HA à des biologistes moléculaires, mais d’y intégrer en même nombres des toxicologues, écologues, agronomes, généticiens des populations, économistes, ..., mais aussi représentant des agriculteurs, des collectivités territoriales, des consommateurs, des ONG environnementalistes..., et de donner à la HA les moyens de faire réaliser sous sa direction des expérimentations nécessaires à l’évaluation, indépendantes des firmes et contradictoires2.
4. LIBERTE ET DROIT DE PRODUIRE ET CONSOMMER SANS OGM
4.1. Le droit de consommer sans OGM est pour l’instant conditionné par trois paramètres :
le seuil d’étiquetage de 0,9%, compromis politique qui ne concerne que l’obligation d’étiquetage et dont toute remise en cause doit se décider au niveau européen. La contestation de ce seuil par le groupe de travail OGM du Grenelle appelle une mobilisation des autorités françaises pour le faire évoluer
l’absence d’étiquetage des produits d’animaux ayant consommé des OGM. La réglementation européenne ne rend pas obligatoire cet étiquetage. La Finlande et l’Allemagne étudient aujourd’hui la manière d’avancer sur cette question : la position favorable à cet étiquetage du groupe de travail OGM du Grenelle devrait inciter le législateur français à en faire autant.
le seuil d’étiquetage « sans OGM » fixé en France par la DGCCRF au seuil de détection, mais il ne peut concerner que les produits susceptibles de contenir des éléments issus de PGM autorisés commercialement dans l’UE. Certains voudraient le fixer au seuil de quantification fiable de 0,1%.
4.2. Le droit de produire « sans OGM » est déterminé par le seuil du « sans OGM », seuil de contamination à la production.
Dès qu’il a appris que le groupe de travail OGM du grenelle remettait en cause le seuil de 0,9%, le GNIS s’est empressé de faire un communiqué indiquant que cela était impossible au niveau français puisque ce seuil est déterminé au niveau européen. Il a raison en ce qui concerne le seuil d’obligation d’étiquetage, mais il a tort s’il parle du seuil de contamination déclenchant d’éventuelles indemnisations ou la charge de la responsabilité en cas de contamination avérée, car ce seuil n’est pas déterminé par la réglementation européenne. Seul les États ont aujourd’hui les compétences de légiférer sur les indemnisations et la responsabilité.
La loi allemande prévoit l’indemnisation en cas de contamination « notamment en dessus du seuil de 0,9% », ce qui veut dire aussi en dessous de ce seuil. De même, la Styrie, région autrichienne, a fixé ce seuil de contamination à la production à 0,1% et la Bulgarie à 0,5% sans que la Commission Européenne ne puisse le contester. L’Italie autorise ses régions, dans le cadre de leurs compétences sur les lois agricoles, à prendre des mesures identiques.
Fixer ce seuil de contamination à 0,9% reviendrait à interdire toute production « sans OGM » qui est déterminée par le seuil de détection.
De plus, il est démontré que, pour ne pas dépasser le seuil de 0,9% au consommateur final, il est souvent nécessaire de maintenir au champ un seuil nettement inférieur. C’est le cas lorsqu’une partie de la récolte est utilisée comme semence de ferme, le seuil de contamination risquant d’augmenter chaque année suite à l’addition des contaminations successives. De même avec le maïs doux, une contamination moyenne très basse au champ n’est pas répartie de manière égale entre tous les épis. Un seul épi fortement contaminé peut se retrouver dans une seule boîte de maïs doux achetée par le consommateur final. Cette boîte sera contaminée à des seuils nettement supérieurs à 0,9%. Le pollen d’abeille nécessite quand à lui une absence totale de culture OGM. Dans tous ces cas, pour prévenir une absence de risque de dépasser 0,9% au consommateur final, il faut une absence totale de contamination au champ.
Le législateur se trouve donc apparemment face à un dilemme. D’un côté, la moindre tolérance de contamination au champ interdit toute production sans OGM et parfois toute garantie de pouvoir rester en fin de chaîne sous la barre du 0,9%. Tout le monde reconnaît que le risque zéro n’existe pas et que la moindre dissémination génère nécessairement des contaminations.
De l’autre côté, les promoteurs des OGM en concluent que refuser un seuil de contamination dite « fortuite » revient à porter atteinte à leur liberté de produire des OGM. Cette position pourrait éventuellement être recevable si les OGM n’étaient pas une production nouvelle résultant d’une « dissémination volontaire » générant des risques de contamination au champ et dans les filières qui ne peuvent donc pas être qualifiés de « fortuits », ainsi que des risques nouveaux et peu connus sur la santé et l’environnement, et si les agricultures traditionnelles et biologiques n’étaient pas antérieures et sans risque, ou du moins générant des risques moins importants, mieux connus et mieux maîtrisés.
Cette position n’est donc pas recevable et il n’est pas acceptable qu’elle cherche à s’imposer par la politique du fait accompli. Le seuil de contamination à la production ne peut être que le seuil de détection.
4.3 L’indemnisation de tous les dommages
La loi votée par le Sénat ne prend en compte que le coût du déclassement de la récolte lorsqu’un champ OGM de la même espèce a été cultivé à proximité la même année et oublie toute perte totale de récolte par refus de vendre des OGM, toute perte de label, de fond, de clientèle, d’image, de semences... De plus, la contamination peut aussi bien venir de disséminations à grandes distances, de repousses des années précédentes, des filières polluées par des contaminations croisées, de la semence... L’indemnisation doit enfin être effective même lorsqu’il est impossible d’en déterminer l’origine ou la construction transgénique exacte et donc de connaître le propriétaire du brevet. Elle doit couvrir l’ensemble des surcoûts du "sans OGM" générés par les risques de contamination provenant des cultures OGM, même lorsqu’il n’y a pas contamination (analyses, séparation des filières...).
4.4. La responsabilité du pollueur payeur
La responsabilité du pollueur payeur pose diverses questions. On peut classer les réponses en deux catégories :
(a) = solutions coexistentialistes à minima
(b) = protection du droit à produire sans OGM
4.4.1. - définition du responsable :
(a) uniquement l’agriculteur qui a planté des OGM ou
(b) toute la filière OGM, en commençant par le propriétaire du brevet (ou de la licence et de l’autorisation de commercialisation en France si le propriétaire du brevet échappe à la juridiction française), les distributeurs et les cultivateurs d’OGM
4.4.2. responsabilité
(a) responsabilité individuelle ou
(b) responsabilité collective de la filière OGM n’exonérant pas de la responsabilité individuelle lorsque la filière OGM peut déterminer l’opérateur qui est à l’origine de la contamination
4.4.3. - charge de la preuve reposant :
(a) sur le contaminé ou
(b) sur la filière OGM si elle veut se retourner contre celui qui aurait fait une faute
4.4.4. - qui paye ? :
(a) uniquement l’assurance du contaminateur (solution qui revient à autoriser toutes les contaminations dont il sera impossible de prouver l’origine exacte, c-à-d la majorité d’entre elles) et en attendant qu’elle puisse le faire le contribuable et l’ensemble des agriculteurs cultivant ou non des OGM (solution loi du Sénat) ou
(b) un fond financé par prélèvement obligatoire et uniquement par la filière OGM, qui n’exonère pas d’une assurance obligatoire pour les cas où le fond en question pourra déterminer la responsabilité individuelle d’un opérateur particulier de cette filière.
4. 5 L’information du public
La directive 2001/18 impose aux États la mise en place de registre des cultures OGM. Nous ne réclamons pas cette mise en place, nous estimons en effet qu’elle n’est pas justifiée en l’absence de cultures OGM. Nous ne pouvons cependant pas empêcher l’existence d’articles de loi la prévoyant. Si ce registre est inscrit dans la loi, nous devons exiger :
une obligation de demande d’autorisation auprès des autorités, préalablement à toute implantation de culture OGM
une information cadastrée et nominative sur ces demandes avant toute réponse qui pourrait leur être faite, suivie d’une consultation écrite des voisins dans un rayon équivalent au risque de contamination. En effet, en l’absence d’une information large et d’un appel à déclaration du public, les pouvoirs publics n’ont aucun moyen de savoir si des ruchers amateurs, des jardins familiaux, des cultures... risquant d’être contaminés, sont situés à proximité du lieu envisagé pour ces implantations.
On le voit, chaque chapitre et virgule d’une prochaine loi aura des conséquences importantes sur la liberté et le droit de produire et consommer sans OGM, il est temps de rentrer dans ce débat et de convaincre les élus.
Guy Kastler, le 3 octobre 2007