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De Nuremberg à New York : éclats d’Histoire ou la traversée du miroir

mardi 1er avril 2008

De Nuremberg à New York : éclats d’Histoire ou la traversée du miroir, par André Bouny

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Le Procès de Nuremberg était un tribunal international mit en place par les pays vainqueurs de la Guerre mondiale et composé de leurs magistrats. Il visait à juger en terre allemande, dans un premier temps 24 acteurs du régime nazi vaincu. Ils étaient accusés de complot, de crime contre la paix, de crime de guerre et de crime contre l’humanité : crimes bien nommés et définis. Pour gagner cette guerre, les vainqueurs avaient aussi commis des crimes de guerre et des crimes contre l’humanité, mais ils étaient les vainqueurs. Un des buts de ce procès était son retentissement.

Le Procès de New York, intenté par des victimes vietnamiennes de l’Agent Orange sur le sol et devant les juges de l’ancien ennemi vaincu, vise à juger 37 compagnies chimiques américaines afin d’obtenir une compensation et la décontamination de leur pays. Audacieux procès sans précédent historique. Cette fois le vainqueur est dévasté et appartient au tiers-monde tandis que le vaincu se trouve être la super-puissance mondiale. Malgré le nombre de victimes du produit incriminé, dont l’ampleur aurait peu ou prou celle de la shoah ainsi qu’une envergure intercontinentale, où est son retentissement ?

Un entrefilet : « ...une cour d’appel américaine ... rejette une plainte de vietnamiens... » Un fait divers. Encore que celui-là a le mérite d’en parler. Même s’il faut mettre sur le compte de l’actionnariat croisé une bonne part du silence commis par les plus grands médias internationaux au sujet de l’Agent Orange et de son procès, n’oublions pas les pressions des Etats-Unis brandissant l’interruption d’aides économiques ou la fin d’avantages douaniers et autres mesures de rétorsions envers des pays ayant, par exemple, signés et ratifiés le Traité de Rome instituant la Cour Pénale Internationale (CPI). Ces derniers sont alors contraints de passer des accords bilatéraux avec les USA, annihilant ainsi les possibles effets de la CPI, pour préserver leurs intérêts et/ou leur développement économique. Difficile dans ces conditions de dire, de montrer et d’écrire ce qui est et ce que l’on en pense.
Après le Procès de Nuremberg, douze autres procès suivirent menés par des tribunaux militaires américains, appelés Tribunal militaire de Nuremberg, ciblant plus précisément les tranches de responsabilités et notamment celles des industriels allemands ayant fourni le régime nazi, par exemple, Krupp et son staff furent inculpés et condamnés dans le procès N°10. Les quatre chefs d’accusation étaient :

1. Crimes contre la paix en participant à la préparation de guerres d’agression en violation de traités internationaux ;

2. Crimes contre l’humanité, pour le pillage, la destruction et l’exploitation des territoires occupés ;

3. Crimes contre l’humanité pour participation au meurtre, à l’extermination, à l’esclavage, à la déportation, à l’emprisonnement, à la torture et à l’utilisation du travail forcé de civils des territoires occupés par les troupes allemandes, d’Allemands et de prisonniers de guerre ;

4. Participation à un complot contre la paix.

Tout y est. Krupp condamné à juste titre, pourquoi ne pas condamner Raytheon, Chromcraft, Lockheed Martin ? Et comment dans ces conditions les compagnies chimiques américaines ayant fabriqué l’Agent Orange en pleine connaissance de cause pour l’Armée américaine seraient-elles innocentes ?

Les avocats qui défendent les fabricants américains de l’Agent Orange ne s’y sont pas trompés, eux ont tout de suite pris la mesure du Procès de New York, faisant référence au Procès de Nuremberg au sujet du fournisseur du Zyklon B [1] pour les chambres à gaz nazies (IG-Farben, consortium allemand de sociétés chimiques et pharmaceutiques, ayant des capitaux américains) et n’ayant pas versé de dédommagements à qui que ce soit.

Dès la fin de la Guerre mondiale, la hardiesse des technologies et des sciences états-uniennes exhibées à grand renfort de médias naissants de ces mêmes technologies et sciences, contrairement à l’image secrète de l’ex-URSS, forcera une admiration planétaire sans borne fabricante d’allégeance à venir. Une forme de colonisation des esprits de la jeunesse internationale d’après-guerre. Effet garanti d’un but recherché et avoué : celui d’un mode de vie imposé par l’avènement d’une dictature de l’envie et de la consommation, d’une justice, d’une vérité, d’un droit : ceux et celles du plus fort.

Fin 1946, les Nations Unies confirmaient les principes de droit international reconnus par le Statut du tribunal de Nuremberg en valeur permanente ouvrant la voie à une juridiction internationale comme la CPI. Mais ces Nations Unies, devenues l’ONU, fonctionnent grâce aux cotisations des pays membres versées au prorata du Produit National Brut (PNB), pondéré par le « niveau de vie » du pays membre cotisant. De fait, le principal « actionnaire » se trouvait être les Etats-Unis qui pesaient à eux seuls 30% du budget de cette institution internationale. Mais lorsque les décisions de l’ONU entravent les visées des USA, ceux-là retardent le paiement de leur cotisation asséchant les moyens de l’institution. Maintenant que l’Europe pèse 36% du budget de l’ONU, perdant de leur influence, les USA font la moue et disent qu’ils vont abaisser leur participation de 2%, et de 3%, puis de 10%, finissant même par ne pas la payer du tout, asphyxiant de la même manière le système, se jouant ainsi des Forces de maintient de la paix et du Conseil de sécurité en retournant le « machin » financé provisoirement par les autres à leur avantage, intérêts géopolitiques, énergétiques via militaro stratégiques : une ONU devenue accommodante perçoit alors son dû. Alors que dire des thèmes programmés dans les instances onusiennes si ceux-ci abordent des sujets qui fâchent, comme l’Agent Orange. Il devient très difficile voire quasi impossible de mettre à l’ordre du jour un sujet qui dérange, et à plus forte raison une demande de résolution à l’Assemblée Générale de New York sur ce même sujet.

Sale temps pour les victimes. Le Droit international se réduit à des écrits.

Les victimes vietnamiennes de l’Agent Orange ont déposé une requête auprès de la Cour d’appel fédérale de New York. Si celle-ci est acceptée, une nouvelle plaidoirie aura lieu devant les juges de cette Cour. Dans le cas contraire, les victimes ont décidé de se pourvoir en Cour suprême (Washington). Le CIS les soutiendra sans faille.

André Bouny, père adoptif d’enfants vietnamiens, préside le "Comité International de Soutien aux victimes vietnamiennes de l’Agent Orange et au procès de New York" (CIS)


[1 http://www.cbgnetwork.org/262.html

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