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Carnet de voyage N° 1

vendredi 15 août 2003

Mon os à ronger va être le tourisme. Marchandise mondialisée qu’est le voyage par définition, nos esprits conquérants ont défini un humain en kit pour un monde unique. Suivez la flèche. Le voyage commence là, derrière votre porte ! Vous pouvez éviter l’embarquement pour les galères,prendre un autre itinéraire. Vous pouvez quitter l’autoroute, et prendre l’autre-route, sans péage.

Derrière votre porte ! Embarquement immédiat. Mettez-vous à l’écoute active de tout ce qui bouge et que vous ne remarquez plus. Changez de chemin, d’itinéraire, le nez en l’air, observez, frémissez, à l’affût des détails insoupçonnés. Sortez, c’est l’ouverture qui empêche le racisme, qui offre la culture et la tolérance. C’est l’ouverture qui permet la découverte de l’autre, de l’émotion. Les mots si on ... La pire des choses est de croire que rien ne peut plus surprendre. Prenez le temps d’avoir du temps. Attention vous n’êtes pas seul. Entraînez-vous au voyage, depuis chez vous, donnez un tour de clef, ouvrez la porte, le voyage commence là.

Tout comme je ne pense pas que la télévision soit dangereuse en elle-même ni en ce qu’elle diffuse, je ne pense pas que l’autre, étranger car inconnu, soit un risque de par son existence ou de par ses pensées. Le silence, la passivité, l’ignorance, l’uniformité masquent notre abandonnisme et sont autrement plus dévastateurs. Comme l’a dit Françoise DOLTO "une habitude c’est du mortifère". Désirer émigrer c’est avant tout vouloir rompre avec ses habitudes. Mais je ne pense pas que l’on puisse vivre heureux dans un autre pays parce que le précédent a rendu malheureux. Pire, les problèmes ne s’aggravent-ils pas souvent lorsqu’on les déplace ? Aussi, ne prenons pas pour argent comptant ce qui nous est donné à voir. En étant mieux ici, vous serez mieux là-bas.

Sorti en avril 1999, le film "Cours, Lola, cours" de Tom TYKWER, présente avec excellence comment nos pensées influencent la réalité. Il faut en être convaincu. IL existe un nombre infini de moyens de parvenir à une situation sans pour autant écraser les autres. De nos pensées et nos conduites nous créons le monde qui nous entoure. Nous sommes tous à la merci de nos expériences. Modifiez votre comportement, le ton de votre voix. Saluez alors ce voisin que vous ignorez, la communication avec l’autre passera. Le voyage commence là.

Si le voyage n’est considéré que comme un bien de consommation supplémentaire à ajouter à votre tableau de chasse, un échappatoire, un moyen de rapporter quelques dollars à la maison, la peur de l’étranger s’installera. Il faut se mettre dans la tête que pour réussir un séjour au delà de nos frontières, il faut autant d’enthousiasme et de curiosité au quotidien que l’on en démontre quand on est chez soi avec ses amis. Pour bien voyager, il suffit de rester soi-même. Il faut équilibrer son tempérament, être cohérent dans ses paroles, ses gestes, pour bien engager une conversation il faut savoir écouter et savoir observer. Carl ROGERS donnait à ses élèves l’exercice suivant à faire : "la prochaine fois que vous êtes en discussion, stoppez la et, pour l’expérience, instituez cette règle : que chaque personne ne puisse s’expliquer elle-même qu’après avoir réexposé les idées et sentiments de l’interlocuteur précédent et à la satisfaction de celui-ci". L’exercice paraît fort simple, n’est-ce pas ? Si vous essayez véritablement, vous trouverez que c’est une des choses les plus difficiles que vous ayez jamais tenté de faire. Le voyage commence là.

J’espère vous avoir apporté des arguments probants dans ces quelques notes issues de mes carnets de voyage. La préparation d’un voyage ne se fait pas uniquement auprès des offices de tourisme, des ambassades et des consulats. Laissez aux agences de voyage leur rôle de vendeurs de billets. Partagez l’expérience de ceux qui ont vécu et déjà partagé, car ils ont ramené ce que vous ne trouverez dans aucun catalogue : des paroles humaines, des souvenirs et, le plus important, des adresses avec des gens dedans, des amis...pas des marchands ! Dès que l’on sort de chez soi, c’est toujours un voyage qui commence.

Benoît COMTE Sociologue

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