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Carnet de voyage N° 2

samedi 16 août 2003

Les Etats-Unis sont-ils le pays de la réussite facile ? Pensez-vous que le temps efface les dettes ? Croyez-vous que le routard voyage véritablement avec un sac à dos léger ? Pensez-vous que votre vision du monde est le monde ?

Nous allons effleurer les étranges rapprochements possibles entre le voyage et la psychanalyse. Cette dernière arpente le seuil de certaines portes, particulièrement celles qui ouvrent vers l’inconscient. Le voyage prend racine au même endroit. Ce sont fantasmes et rêves qui conduisent aux frontières...

Les Etats-Unis sont-ils le pays de la réussite "facile", ou la jungle urbine qui vit naître la prohibition ? La Polynésie ressemble-t-elle à l’atoll de Bora-Bora ou celui de Mururoa ? Le passeport universel n’existe pas. Chacun est emprunt d’une histoire qui lui est propre, parfois libératrice, parfois étouffante. De là naît chez certains, l’envie de gagner le rivage et dépasser l’horizon. Les premiers peuplements se sont effectués de la sorte. Aller au delà des mers et des océans remonte à la nuit des temps. Il est vraisemblable que les désirs de nos ancêtres se nourrissaient des mêmes fantasmes que les vôtres, les nôtres lorsqu’il nous arrive d’être candidat au départ. Trois mille ans ont tout juste suffit à rendre plus impénétrable cet inconscient collectif. Il a fallu aux peuples de Malaisie et de Polynésie de sacrés rêves et d’abominables angoisses pour, à bord de radeaux de bambous, traverser l’Océan Indien. Même le routard d’aujourd’hui voyage avec de grosses valises !

Et vous, quels sont vos fantasmes à l’idée du départ ? Quelles sont vos intentions cachées ? Vos nuits s’emplissent-elles de cauchemars ou de rêveries irraisonnées ? Qu’allez-vous prouver et à qui si loin de chez vous ? Que ne pouvez-vous pas réaliser ici ? Qui vous a parlé la première fois de ce pays qui vous obsède ? Parents, amis, ennemis ? Pensez-vous que le temps efface les dettes ? Répondre à ces questions est une fastidieuse besogne mais que je conseille inévitablement. Evitez la réponse facile qui arrive tout de suite. Mettez-vous en doute. Emigrer est une renaissance que l’on ne peut pas répéter sans cesse au risque d’erreur.

A ce stade certains s’apercevront qu’ils ont quelques contentieux familiaux, des règles à remettre en cause, une porte à claquer, des années empilées mornes et douces amères, le père de la horde à tuer penserait Freud. Ils règlent leur comptes avant le départ et arrivent à l’étranger, chez l’étranger, humble, sachant que tout est à réapprendre. Parler, manger, parfois même marcher n’est pas aussi facile qu’il n’y paraît. Les rythmes, les goûts, les couleurs, les odeurs, le ciel, rien ne sera plus pareil. Ils s’intègrent car ils respectent. Leur tolérance est le contrepoids de l’intransigeance qu’ils ont eut vis-à-vis d’eux-mêmes. Ils sont humains et vivants, ils partagent. Ils donnent autant qu’ils reçoivent, troquant la recette du coq au vin contre celle des "muffins". Ils choisissent généralement pour destination les pays développés.

D’autres penseront que tout va bien et trouveront ces questions saugrenues. Tout savoir et pouvoir s’absoudre de l’autre, telle est leur devise. Ils voyagent en déplaçant toutes leurs habitudes. Ils les considèrent comme universellement bonnes. Adeptes du "buffet continental" ils avalent les choux à la crème, à la Française, sous les tropiques. Le repos dominical se fait autour du "brunch", le long de la piscine, dans l’ambiance musicale d’un quatuor à cordes, sous les feuillages des palmiers. Le visage des serveurs disparaît dans le contre-jour et le filtre fumé des lunettes solaires. Ce sont les nouveaux conquérants. Ils transportent leurs lois. Pour eux le retour doit se faire dans le succès ou pas. Leurs affaires sont fulgurantes et éphémères. Aventuriers, ils s’orientent le plus souvent vers les pays pauvres.

La plupart de nos comportements, sinon tous, ne dépendent que de notre vision du monde. Qu’il s’agisse d’ouvrir une porte, de tomber amoureux, d’apprendre à se décider où plus largement de réussir sa vie ou de la gâcher.

Toute aventure vers un ailleurs doit se nourrir d’une profonde pensée. Revenez une fois encore aux questions qui débutent cet article. Vous déduirez que notre vision du monde n’est pas le monde. Un conseil juste n’est pas forcément bon pour tous ! Ce sont donc fantasmes et rêves qui conduisent aux frontières...

Benoît COMTE Sociologue

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