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Tchernobyl : Décès de Vassili Nesterenko |
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Décès (le 25/08/2008) de Vassili B. Nesterenko, ancien directeur de l’Institut de l’énergie nucléaire de l’Académie des sciences de Biélorussie, depuis 1986 il résistait à la désinformation sur Tchernobyl. En 1990, il fondait avec l’aide de Sakharov, l’institut indépendant de Radioprotection "Belrad", pour enquêter sur la contamination radioactive et venir en aide aux populations touchées par la catastrophe, en particulier les enfants.
Vassili Borissovitch Nesterenko :
"Ce jour-là, le 26 avril, j’étais à Moscou. En mission. C’est là que j’ai appris pour la catastrophe. J’ai aussitôt appelé Sliounkov, le premier secrétaire du Comité central de Biélorussie, à Minsk, mais on ne me l’a pas passé. J’ai renouvelé l’appel à plusieurs reprises, jusqu’à tomber sur l’un de ses assistants qui me connaissait très bien. Je téléphone de Moscou. Passez-moi Sliounkov ! J’ai des informations urgentes. Au sujet de l’accident... J’appelais sur une ligne gouvernementale, mais l’affaire était déjà strictement confidentielle. Dès que j’ai mentionné l’accident, la liaison a été coupée. Bien sûr, tout était écouté. Inutile de préciser par qui. Les organes concernés. L’Etat dans l’Etat. Et le fait que moi, le directeur de l’Institut de l’énergie nucléaire de l’Académie des sciences de Biélorussie, membre correspondant de l’Académie des sciences, je voulais parler au premier secrétaire du Comité central n’y changeait rien. Le secret s’étendait à moi aussi. Il me fallut batailler pendant deux heures pour que Sliounkov daigne enfin se saisir du combiné. C’est un grave accident. Selon mes calculs, (j’avais déjà pu contacter un certain nombre de personnes à Moscou et obtenir des informations), le nuage radioactif avance vers vous. Vers la Biélorussie. Il faut immédiatement traiter préventivement à l’iode toute la population et évacuer ceux qui vivent à proximité de la centrale. Il faut évacuer les gens et le bétail dans un rayon de cent kilomètres. On m’a déjà fait un rapport, m’a répondu Sliounkov. Il y a bien eu un incendie, mais il a été maîtrisé. Je n’ai pas pu me retenir. "On vous trompe ! C’est un mensonge. N’importe quel physicien vous dira que le graphite se consume à raison de cinq tonnes à l’heure. Vous pouvez déterminer vous-même combien de temps il va brûler !" J’ai pris le premier train pour Minsk. Après une nuit sans sommeil, au matin, j’étais chez moi. J’ai mesuré la thyroïde de mon fils : cent quatre-vingts microröntgens à l’heure ! La thyroïde est un parfait dosimètre. Il fallait de l’iode. De l’iode ordinaire. Deux à trois gouttes pour les enfants dans un demi-verre d’eau. Trois à quatre gouttes pour les adultes. Le réacteur allait brûler pendant dix jours, il fallait faire ce traitement pendant dix jours. Mais personne ne nous écoutait, nous autres, les scientifiques, les médecins. La science a été entraînée dans la politique... La médecine, dans la politique. Et comment donc ! Il ne faut pas oublier dans quelle situation nous nous trouvions, il y a dix ans. Le K.G.B. fonctionnait, on brouillait les radios occidentales. Il y avait des milliers de tabous, de secrets militaires, de secrets du parti... De plus, nous avions été élevés dans l’idée que l’atome pacifique soviétique n’était pas plus dangereux que le charbon ou la tourbe. Nous étions paralysés par la peur et les préjugés. Par la superstition de la foi... Mais restons-en aux faits ! Rien qu’aux faits... Dès mon retour, le 27 avril, j’ai décidé d’aller constater par moi-même la situation dans la région de Gomel, à la frontière ukrainienne, dans les chefs-lieux de district de Braguine, Khoïniki et Narovlia qui se trouvent à quelques dizaines de kilomètres à peine de la centrale. J’avais besoin d’une information complète. J’ai emporté des instruments pour mesurer le fond. À Braguine : trente mille microröntgens à l’heure ; à Narovlia : vingt-huit mille... Les gens travaillaient la terre, préparaient la fête de Pâques, peignaient des oeufs, faisaient des gâteaux... "Quelle radiation ? De quoi s’agit-il ? Il n’y a eu aucun ordre. La direction demande des rapports sur l’avancement et le rythme des semailles. On me prenait pour un fou. "De quoi parlez-vous, professeur ?" Röntgens, microröntgens... Un langage d’extraterrestre..."
[Extrait de "La supplication" de Svetlana Alexievitch, Editions J.C. Lattès, 1998, lire la suite en PDF]
Lire :
Communiqué de Presse de l’association "Enfants de Tchernobyl Bélarus" : Le vice-président de l’association vient de nous quitter...
"Mort d’un dissident" (en PDF), de Marc Molitor, La libre Belgique, 28 Août 2008.
Lettre du Professeur Nesterenko : Une explosion atomique d’une puissance de 3 à 5 Mégatonnes pouvait-elle se produire à Tchernobyl ?
Et qui sera le Vassili Nesterenko français lorsqu’un accident majeur de type Tchernobyl arrivera sur un réacteur en France ?
Qui pense encore que l’accident nucléaire est impossible en France alors que les autorités s’y préparent... des scénarios de gestion existent depuis quelques années pour la phase d’urgence, confinement, prise d’iode stable, évacuation, exercices de crise dans les localités proches des réacteurs. Et maintenant, élaboration pour des territoires dont le sol serait durablement contaminé après la fin des rejets, d’une stratégie de gestionpost-accidentelle à long terme, voir le CODIRPA, et lire le dossier de Bella Belbéoch sur la gestion post-accidentelle.
Les écolos qui ne veulent pas que l’on recoure aux centrales à charbon, fioul et gaz pour sortir rapidement du nucléaire et qui ont diabolisé le charbon pouront être considérés comme coresponsables du désastre... les centrales à charbon ça pollue mais ça n’a jamais conduit à l’évacuation définitive d’un territoire.
http://www.dissident-media.org/infonucleaire
infonucleaire
Création de l'article : 3 septembre 2008
Dernière mise à jour : 3 septembre 2008
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