Le mouton se meurt, victime d’une mondialisation suspecte
Est-ce vraiment inéluctable ?
La filière ovine française est en grand péril. Elle a déjà perdu près de 2/3 de ses éleveurs et le
1/3 de ses brebis dans les 25 dernières années et le déclin s’accélère vivement. Cette évolution
inquiète les Autorités, conscientes du rôle des ovins dans la mise en valeur des territoires les
plus défavorisés. Pourtant, les groupes de travail, les commissions parlementaires et même les
sommets ministériels restent sans effet. Une fatalité semble s’acharner sur cette méritante
production déficitaire, menacée par toutes sortes de maux : dégradation des mécanismes de
soutien, épizooties, prédateurs, etc.…
En réalité, l’élément le plus déterminant est le développement de la concurrence exercée sur le
marché par les viandes ovines importées de l’hémisphère Sud.
Il y a certes des décennies que l’Union européenne absorbe plus de la moitié de toute la
viande d’agneau exportée par la lointaine Nouvelle-Zélande, le premier exportateur mondial.
Mais la nature des envois évolue rapidement. Pendant longtemps les échanges ont quasi
exclusivement porté sur des viandes congelées, car elles étaient les seules à pouvoir supporter
un acheminement économique par bateau qui prend environ 7 semaines. Or, depuis quelques
années, les viandes congelées sont insidieusement remplacées par du « chilled », simplement
réfrigéré. Déjà, le 1/3 des livraisons néo-zélandaises dans l’Union est réalisé en « chilled » et
cette part augmente très vite.
Le « chilled » est un produit providentiel pour les néo-zélandais, qui le vendent bien plus cher
que le congelé sur le marché européen, car il concurrence directement les meilleurs produits
locaux. D’où des marges commerciales confortables et une très forte revalorisation des prix
départ Nouvelle-Zélande. En revanche, la pression exercée sur les prix de gros en France n’est
pas étrangère aux difficultés que rencontre la filière nationale.
Concrètement, les viandes « chilled » et les viandes congelées proviennent d’agneaux
exactement semblables, mais, les premières -grâce à des traitements particuliers- peuvent être
conservées à température positive pendant plus de 16 semaines après l’abattage et être ensuite
commercialisées comme « fraîches »… Une telle prouesse ne semble surprendre personne tant
est grande la réputation de sérieux de l’élevage néo-zélandais et efficace la communication
qui va avec !
En fait, le miracle pourrait simplement s’expliquer par le recours à une technique bien
connue, éprouvée… mais interdite.
De multiples indices laissent suspecter que, pour maximiser leurs profits en évitant une
pénalisante congélation, les grands abattoirs industriels de l’hémisphère Sud se contentent
d’irradier discrètement la viande qu’ils exportent, sous le contrôle bienveillant des Autorités
nationales. Sur la chaîne d’abattage, après découpe et conditionnement, il suffit de passer le
colis de « chilled » dans une enceinte isolée où il est soumis à un rayonnement radioactif émis
par du Cobalt 60. L’irradiation, d’une intensité équivalente à celle de millions de
radiographies des poumons, permet d’éliminer toute cellule vivante et de réduire le risque de
développement de germes. Mais cette irradiation, plus pudiquement qualifiée d’ionisation,
voire de « pasteurisation à froid », provoque des réactions en série pouvant détruire la structure
moléculaire des aliments. Vitrifiée, la viande conserve son apparence mais perd une grande
partie de sa valeur nutritive. Il y a aussi apparition de produits chimiques nouveaux,
introuvables dans les aliments naturels et dont l’innocuité n’est pas prouvée. Parmi eux la 2-
ACB (2-alkylcyclobutanone) qui accélérerait l’apparition de foyers cancéreux chez les rats en
ayant absorbé.
La réglementation
En France, comme dans toute l’Union européenne, l’ionisation des viandes rouges destinées à
l’alimentation humaine ou animale est strictement prohibée. Le décret n° 2001-1097 du
16/11/2001 précise qu’il est « interdit d’importer, de détenir, de mettre en vente, de vendre ou
de distribuer à titre gratuit des denrées traitées par ionisation » ne répondant pas aux
prescriptions du décret. De toute façon, même pour les produits autorisés, le décret impose
l’étiquetage des produits irradiés, sur l’emballage, en complément de la dénomination de
vente (logo « radura » et mention « traité par rayonnements ionisants »), afin que tous les
utilisateurs, jusqu’au consommateur final, soient parfaitement informés.
Mais qu’en est-il du contrôle effectif de ces règles ?
Les transformations induites par l’irradiation permettent d’identifier les produits ayant subi le
traitement. Les protocoles de test sont au point et multiples (spectroscopie par résonance
paramagnétique électronique pour les aliments contenant des os, analyse par chromatographie
des fameux ACB qui servent de marqueurs pour les denrées comportant des matières grasses,
etc...).
Mais si ces outils existent, les Pouvoirs Publics, aussi bien français qu’européens,
s’interdisent de les utiliser. Ils ont en effet accordé à la Nouvelle-Zélande un statut dérogatoire
exceptionnel, en lui déléguant tout pouvoir de contrôle sur les produits animaux qu’elle livre
dans l’Union…Cette dérogation stupéfiante a encore été confirmée récemment (Décision
2006/855 du 24/08/2006 publiée au JOUE du 05/12/2006).
Le dossier du « chilled » ovin importé comporte 2 faces :
1° - La production
En livrant le marché intérieur à des concurrences insoutenables, on condamne délibérément
les éleveurs de moutons français.
Dès le début, dans l’Organisation Commune de Marché pour la viande ovine adoptée en 1980,
les Pouvoirs Publics français ont accepté d’entrouvrir explicitement la porte au « chilled »
(Echange de lettres constituant accord entre la CEE et la Nouvelle-Zélande, publié au JOCE
du 18/10/80). Puis -s’étant compromise dans la lamentable affaire du Rainbow Warrior et des
faux époux Turinge- la France s’est engagée, à titre de compensation, à ne pas entraver
l’évolution technologique des exportations de la Nouvelle-Zélande (Arbitrage international du
30 avril 1990). L’accord du GATT signé à Marrakech en 1994 a définitivement officialisé le
renoncement en permettant la substitution totale congelé-« chilled »…
Toutefois, malgré sa gravité, la concession sur l’évolution des présentations ne condamne pas
obligatoirement le mouton en Europe. Même pour un Ultra-libéral -qui estimerait anormal de
protéger les éleveurs français s’ils ne sont pas compétitifs dans l’absolu avec les gros rangers
néo-zélandais- une Mondialisation truquée est inadmissible. Le libre-échange n’a de vertus
que si sont mis en concurrence des produits bien définis et, avant tout, parfaitement sains. Or
le « chilled » ne répond peut-être pas à ces conditions de base.
2° - La consommation
Quels que soient les accords qui ont pu être conclus dans le passé, rien ne saurait justifier que
l’on fasse avaler de la viande irradiée aux consommateurs européens... surtout si c’est à leur
insu !
Dans l’actualité récente, le scandale de l’adjonction de mélamine dans le lait en Chine, montre
ce dont sont capables certaines grandes sociétés pour maximiser leurs profits. Les firmes en
question, compte tenu de leur taille et du caractère international de leur activité,
étaient contrôlées et elles ont nécessairement bénéficié de la tolérance coupable des Autorités,
même si c’est nié et si quelques lampistes servent de fusible
Ce type de comportement ne se rencontre pas uniquement dans les Pays émergeants ou sous
régime totalitaire… bien au contraire : seul le montant des sommes en jeu semble compter.
Or, le commerce de la viande ovine recèle manifestement une mine d’opportunités.
Entre l’Océanie et l’Europe, qui sont situées exactement aux antipodes, à près de 20 000 km
de distance par les voies maritimes, il s’est développé un trafic de viande d’agneau
proportionnellement énorme car il concerne plus de la moitié des volumes entrant dans les
échanges mondiaux. C’est une aberration sur le plan de l’écologie et ça l’a aussi été sur le
plan économique. Mais la nouvelle technologie du « chilled », qui permet au début de décupler
les marges en profitant notamment du décalage de saisons entre hémisphère, chamboule les
calculs et peut-être aussi les comportements...
Les indices à même de susciter l’inquiétude des consommateurs européens sont
malheureusement nombreux.
La consultation du site de la NZ-FSA est déjà édifiante. La « Food Safety Authority » se trouve
justement être l’organe de l’Etat Néo-Zélandais qui est chargé du contrôle sanitaire des
produits alimentaires et c’est à lui que l’Union européenne a donné carte blanche…
Mettant en avant la rigueur de ses actions dans le domaine de la « Biosécurité », mais
manifestement surtout soucieuse développer toujours plus les débouchés extérieurs, la NZ-
FSA a des affirmations péremptoires et révélatrices. Par exemple, pour illustrer l’absence de
risque dans la consommation de nourriture irradiée, elle cite la France qui, en tête d’une
quarantaine d’autres Pays, aurait retenu l’irradiation comme procédé de conservation
recommandable !
( http://www.nzfsa.govt.nz/consumers/food-safety-topics/food-processing-labelling/food-
irradiation/index.htm )
(Mise en garde : le contenu de ce site risque d’être rapidement expurgé…)
***
Beaucoup d’éleveurs d’ovins français sont déjà dans une situation dramatique et le contexte se
détériore rapidement…
Or, dans le même temps, le développement des importations de « chilled » se poursuit : les
livraisons effectuées en France par la seule Nouvelle-Zélande ont déjà atteint 14 000 tonnes
équivalent carcasse en 2007.
La situation est trop grave. Il faut agir très vite.
Rien ne peut justifier qu’on laisse subsister la moindre ambiguïté sur la nature exacte de ce
produit « chilled ».
L’efficacité dont fait preuve la Nouvelle-Zélande sur le plan du lobbying auprès de toutes les
instances internationales ne peut justifier l’exemption de contrôles. La sympathie que savent
susciter dans leurs contacts, parfaitement synchronisés, les officiels gouvernementaux, les
représentants du Meat Board, ceux de tous les stades de la filière et jusqu’aux stars du Rugby
ne doivent pas entrer en ligne de compte.
Même si beaucoup de publications, bien faites, vantent le naturel et la qualité des grands
élevage, le professionnalisme et la fiabilité des industries d’aval dans ces îles à l’écart des
épizooties, la France et l’Union européenne doivent se donner les moyens de vérifier si tout
est vraiment clair au Pays des All-Blacks : les suspicions sur le « chilled » sont trop fortes.
Que la Nouvelle-Zélande se soit beaucoup battue à l’époque contre les essais nucléaires dans
le Pacifique ne garantit pas qu’elle ait définitivement renoncé à utiliser certaines
technologies… surtout quand il s’agit d’aliments destinés à l’exportation.
Le temps des études et des groupes de travail est révolu.
Des contrôles et des analyses sans complaisance doivent être déclenchés sur le champs. C’est
possible à Rungis, dans beaucoup de GMS, même chez des restaurateurs très réputés…
Mais il est inutile d’en attendre le résultat : c’est la mise en œuvre immédiate du principe de
précaution qui s’impose.
Le dossier ovin est particulièrement exemplaire. Chacun peut et doit prendre ses
responsabilités : hommes politiques, responsables administratifs, représentants syndicaux,
importateurs,distributeurs… et, bien-sûr, consommateurs.
Chacun peut librement choisir ce qu’il consomme et fait consommer à sa famille, mais il
devrait lui importer que ce soit des produits bien identifiés et sincèrement tracés.
Tant que toute la lumière n’aura pas été faite sur les pratiques des laboratoires « high-tech »
annexés aux usines de viande de l’hémisphère Sud, organiser le boycot du « chilled » d’Océanie devient
un acte citoyen de première importance.
BLCI : "boycotter le chilled irradié"
15/10/08