Même les plus élémentaires mesures comme la prophylaxie à l’iode, le confinement temporaire des personnes sensibles, l’arrêt momentané des consommations des produits frais... auraient réduit considérablement le désastre sanitaire. Mais non, le lobby est plus fort que cela, ou plutôt la lâcheté du corps médical l’est encore, 22 ans après, du moins dans son immense majorité.
L’ Ordre des médecins a été crée sous Pétain...
Et nous, nous faisons les guignols devant l’OMS depuis presque 2 ans, de 8h à 18h pendant les jours ouvrés. Quelquefois, on refuse les relais , c’est long 10h debout, et cela m’est arrivé de penser ; « je vais faire comme les médecins et politiciens français depuis 22 ans ;
je vais me faire dessus. »
Mais revenons à « la tactique du vigie ».
Lundi 27 octobre, 1er jour, on rentre directement à l’accueil en même temps que les employés qui arrivent et montrent leur badge aux deux à quatre gardiens de couleur pour regagner leur bureau. Ensuite on demande à faire passer de la documentation à madame la ministre (une demande d’entretien étant proscrite) et on expose notre situation à Genève aux trois hôtesses, l’une d’elle acquiesce avec le sourire et fournie l’enveloppe, la libelle même et me laisse porter l’enveloppe au service courrier, en ressortant sur l’aile ouest du bâtiment, là bas un gardien me laisse aller chez les vaguemestres sans problème.
Revenant devant l’entrée au nord, j’installe trois des pancartes et logos (de Vienne) au pied de l’escalier près de l’accès handicapés. Et j’accroche la vieille pancarte de Genève sur le banc public, où s’alignent déjà les documentations et les livres. Reste à faire tomber la veste pour « montrer le maillot » et reprendre la lecture (Naouka 2007 puis d’autres).
Le banc est situé entre les platanes qui bordent l’avenue, je reste planté là entre deux platanes, juste dans l’axe de l’entrée principale de l’autre côté de la contre allée piétonne. Quand il fera trop froid pour tourner les pages, j’y ferai les cent pas. (Entre 8h30 et 15h) . Et sur un arbre est ficelée la photo de Vassili, cette photo interpelle aussi, des gens demandent toujours qui est cet homme au regard bleu.
Un des gardiens peut-être Kabyle sort alors et demande de quoi il en retourne, il repart avec un tract, sympa et un peu amusé, il demandera vers midi si je ne pars pas manger, je lui répondrai que j’ai bien manger le matin. Quelques passants et les employés qui sortent pour fumer jettent un oeil sur « l’exposition temporaire » mais sans plus.
Mardi, un autre gardien repart avec un tract. Seule documentation distribuée du jour. Une seule visite d’une passante, vieille dame chic au toutou qui m’interpelle en allemand (les pancartes de Vienne...). Voyant que je suis nul en allemand elle me demande des explications sur cette « manifestation » que je lui donne en français, puis me dit qu’elle est journaliste retraitée d’une revue artistique. Elle veut me conseiller ;
« __les pancartes, c’est dépassé, il faut des médias, des photos, le nouvel Obs... et faire prendre des grandes photos par ce photographe en hélicoptère par exemple, (elle fait des grand gestes et les gardiens s’énervent un peu derrière la vitre, ils croient que je vais l’agresser !) comment s’appelle-t-il ? »
__ « Arthus Bertrand »
« ___oui, c’est cela, mais faîtes du visuel, soyez moderne, soyez moderne »
elle me fait remarquer les signes d’énervement des gardiens (sic)
___ « vous connaissez les français, du visuel... »
elle croit maintenant que je suis helvète (il faut dire que je parle couramment le suisse romand...)
elle repart
« ___soyez moderne, soyez moderne ! »
La situation est assez cocasse, cette vieille dame avec son chihouahoua ou Yorkshire ( avec les poils c’est donc un Yorkshire) qui me harangue « soyez moderne » pendant que j’imagine déjà faire avec la laisse une démonstration d’hélicoptère avec son toutou...
Et je connais bien les français ; le visuel, le paraître, le bling-bling, c’est justement le problème... Nous avons déjà du mal avec la médiatisation, sans pour cela rajouter l’hélicolo-tartuffe.
Après 15h, je pars à la Salpetrière (Métro Saint Marcel), on rentre aussi facilement, le plus dur est de s’orienter. Par « soucis de facilité », J’entre dans la faculté de médecine (1ere entrée à droite) ; les jeunes sont plus réceptifs,critiques et pas encore carriéristes... Quelques étudiants vaquent à leur occupation.
C’est un bonheur ; il y a des panneaux d’affichage sur tous les murs, avec des abréviations incompréhensibles au dessus. J’en choisi un vide au dessus d’une table. J’affiche la panoplie complète (appel des professionnels, monde diplo., dossier de presse et l’article sur le Dr Fauconnier en Corse) puis je tire la vitre dessus. Les tracts sont déposés sur la table. J’aurais pu m’annoncer et passer par la voie hiérarchique mais il m’a semblé plus judicieux et facile de faire le sauvage, car la Salpetrière a pour réputation d’être un nid de pro-nucléaire (et cela fait Pitié) ; c’est la base qu’il faut sensibiliser...
Mercredi, l’interpellation commence à porter ces fruits, les gens se rapprochent et osent questionner, deux fonctionnaires repartent avec une doc, avec l’un qui a l’accent du sud je plaisante
___ « et Roselyne, qu’est ce qu’elle en pense ? »
___ Roselyne ? Elle s’en fout... »
Un passant aussi prend de la doc. Puis parmi les fumeurs, une jeune femme traverse aussi la contre allée pour s’informer, elle dit qu’elle travaille là pour une mission de l’inspection du travail. Dans la conversation elle me demande si je suis payé (c’est donc qu’elle m’a pris pour un professionnel ! Ou plutôt c’est de la déformation professionnelle)
Quand je lui dis que j’ai une rétinite pigmentaire, elle me dit que son père aussi et qu’ils habitent à 40km de Civeaux (moi à 40km du Bugey) Mais pas d’enquête épidémiologique donc pas de preuves...
Jeudi, Véro est venu avec une grande affiche didactique et des appels à pétition, La veille au téléphone, elle a dit « ça me va ce genre d’action », un autre livre s’aligne avec les autres sur le banc, nous faisons un peu concurrence au petit libraire d’en face. Elle veut donner les pétitions à Madame la Ministre mais le gardien principal qui est revenu discuter l’en dissuade. Il dit qu’il n’est pas gardien, ni vigile (nous l’avons un peu vexé) mais il est gendarme. La DST (on est pas loin du ministère de la défense) lui a demandé si il voulait « nous faire évacuer » il a répondu que non, que nous étions des « pacifiques » et ne dérangions pas.
Un peu plus tard, je demanderai à un « gendarme-gardien » si par hasard la Ministre était là ;
« ___Je ne peux pas vous dire, monsieur »
Quand je tenterai de rentrer pour donner à l’accueil une clef USB trouvée sur le banc, un autre s’interposera tendu :
« ____Vous allez où, Monsieur ? » Il prendra finalement la clef, relâché (ouf).
Plus question de rentrer maintenant, mais dehors c’est un petit succès, il y aura autour d’une dizaine de personnes qui accrocheront et trois pétitions de signés (c’est déjà ça).
Nous avons vu ce que nous voulions ; une vigie peut se faire partout et « prend partout » mais avec des « locaux » sans déshabiller Paul... (Genève). Et pour appuyer cette affirmation, il y a quelque part en Bretagne à ce moment là une vigie qui se fait devant un conseil général de la région contre un projet d’aéroport, et il paraîtrait même que des élus font la vigie, rendez-vous compte, des élus avec des pancartes sur le dos...
Comme c’est aussi le ministère de la jeunesse et des sports, on peut aussi imaginer un petit entraînement-jeu et échange de ballon ovale dans cette contre allée, avec des jeunes volontaires avec des maillots marqués du logo bleu et marqués en grosses lettres sur le dos : Tchernobyl et d’autres porteraient le maillot d’Argentine en souvenir de ce fameux deuxième match où beaucoup de français étaient ce jour là argentins.
La bise souffle de plus en plus fort, un gardien-gendarme sort avec un café et me le tend. Il feint de se cacher derrière sa réserve toute militaire, mais je l’ai reconnu, c’est bel et bien un homme et ce n’est pas de leur faute à eux non plus, la faute, c’est plus haut.
Vendredi, un essai est à faire aussi devant l’assemblée nationale (Métro du même nom). Je pense qu’il n’y a rien à retirer des autres qui sont à des années lumière de la population ; Sénat, Conseil constitutionnel, Elysée...
Symboliquement, les députés sont censés être les plus proches de la population représentés à Paris. Mais il en est évidemment rien ; ce sont plutôt les derniers gagnants du grand concours inter-régional de passage de pommade dans le dos.
Il pleut à verse jusqu’à 11h , après un temps dans un abris bus je fais deux fois le tour du « pâté de maison », c’est froid comme la glace, caméras et gendarme tous les 20mètres. A croire que le plan Vigie-Pirate leur est un prétexte pour que se protéger de leur propre population. J’y étais déjà passé pour faire passer de la doc pour un autre « dossier » (OGM,semences paysannes). Mais le fonctionnaire vaguemestre était moins obtempérant :
« ___ je ne suis pas payé pour cela » et quand à rentrer dans l’enceinte, il faut une invitation par votre député et promettre d’être bien sage comme une image...Donc.
Dehors, du côté de la Place Bourbon, c’est trop froid et guindé (cela ne sent pas la transpiration), non « le peuple » passe par l’autre côté dans la rue, à pied, en bus, en vélo et dans son éternelle bagnole (plus pour longtemps).
Face à la place de la Concorde, sur le pont, là est la place de la vigie ; dans l’axe, face aux drapeaux énormes. La République a des comptes à rendre à la population.
Mais il pleut toujours, alors en refaisant le tour du pâté, il y a une exposition temporaire aussi sur tout le pourtour du ministère des affaires étrangères. Des grandes affiches en toiles sont accrochées avec des tendeurs aux grilles. Sur ces pancartes, il y a des photos contemporaines appropriées chacune à l’article numéroté écrit en bas ; c’est une commémoration de l’anniversaire de la déclaration universelle des droits humains de 1948, j’ai beau être passé deux fois, je n’ai pas vu de photos des victimes de la bêtise radioactive : pas d’enfants de Tchernobyl, pas de liquidateurs, pas de victimes des bombes à uranium appauvri, rien.
Comme il me restait un dossier et des appels des professionnels, dans la foulée, je rentre à l’accueil en suivant d’autres visiteurs, et présente la même situation aux deux hôtesses se trouvant derrière des vitres (un peu blindées ?) Et comme leurs collègues « de la Santé » elles me donnent une enveloppe (sympa aussi ), mais à moi de la libeller, il y a le choix entre deux ministres ici ; la dame est sûrement sympathique mais c’est le monsieur qui nous intéresse, même si cela fait belle lurette qu’il n’a pas vu un stéthoscope. Ensuite un agent demande de placer l’enveloppe dans un sas à rayons et demande de la porter dans le petit bâtiment en sortant à gauche, ce bâtiment, ce n’est pas marqué courrier dessus, c’est écrit : PC Sécurité. Comme j’hésite, un des trois (super ?) gendarmes à l’intérieur me fait signe de la main :
___ « si, c’est bien ici. » Il prend l’enveloppe, regarde du côté expéditeur l’annotation après mon nom et adresse :
« monsieur le ministre, c’est en voyant cette exposition sur les droits de l’homme que j’ai pensé que vous pourriez signer la pétition ci-jointe. ».
L’histoire ne dit pas si cette enveloppe est passée au peigne fin, transformée en confetti ou en spaghetti puis reconstituée pour atterrir ou non sur un bureau et finalement subir un classement vertical, mais « c’est l’intention qui compte ».
Et le sentiment de summum de l’hypocrisie était encore plus fort que devant la devise du ministère de la Santé. Alors, si vous passez par là et que vous avez les moyens d’y accrocher une affiche similaire mais avec des photos d’enfants ou adultes contaminés par voie interne ou externe par les radio-nucléides , n’oubliez pas d’écrire en bas :
Articles N°1à30 de 1948 + Articles N°30à 35 de 1793 : dont le dernier (le préféré) : « Quand le gouvernement viole les droits du peuple, l’insurrection est, pour le peuple et pour chaque portion du peuple, le plus sacré des droits et le plus indispensable des devoirs »
La pluie a cessé, sur le pont le feu rouge est décoré de la photo de Vassili et du logo, la pancarte de Genève vole un peu sur le parapet. Je continue le manège devant les gens arrêtés au feu. Un jeune cycliste retire son écouteur et demande :
___ « monsieur ! C’est qui le monsieur ? » il repart informé avec un tract, il dit qu’il a une amie qui a le cancer de la thyroïde. Passe ensuite un groupe sur des sortes de mini-char électriques, ils sont droits comme des i et ne bougent que le doigt pour avancer, ils forment un étrange balai silencieux autour des pancartes, l’un m’interroge et repart avec un tract. Il est 15h, reste 3h avant de prendre le train. Encore un saut à la Salpetrière serait intéressant, à la fac les tracts sur la table ont disparu, mais l’affichage est intact (hé,hé). En sortant une dame en blouse blanche, en train de fumer, m’indique l’admission pour diffuser les appels à tous les services. Là on m’oriente enfin vers le vaguemestre qui me dit que je n’ai pas assez pour toutes les cases, il prend l’ensemble et semble d’accord pour distribuer ce qu’il y a.
Cela ira pour cette fois, c’est facile à faire, il peut sembler que l’on brasse beaucoup pour peu de résultat. C’est juste préparer le terrain pour demain, faire sa part.
En repartant à Suresnes Longchamp pour reprendre mes affaires, je me dis que j’aurais du prendre du temps, c’est la vigie de Suresnes qui m’a appris qu’elle habite ici, pour chercher l’adresse de cette personne importante, même si je ne connais pas la langue, une rose suffit, une rose rouge. Svetlana.
Les livres sur le banc public, les livres pour mettre à ban la folie des hommes :
TCHERNOBYL ; Conséquences de la Catastrophe pour l’homme et la nature. Les responsabilités occidentales. NAOUKA 2007
TCHERNOBYL- conséquences sur l’environnement, la santé, et les droits de la personne tribunal Permanent des Peuples Ed. Ecodif 1996
Le Crime de Tchernobyl -Le goulag nucléaire Wladimir Tchertkoff Éditions Actes Sud 2006
L’effet Petkau Ralph Graeub Éditions d’en bas 1988
La supplication Svetlana Alexievitch Éditions J’ai lu 2004
Mais il faut bien se rendre à l’évidence : Roselyne s’en fout...
et
Tout va très bien (Madame la Marquise)
(Musique de Ray Ventura et ses collégiens, parole du groupe « électrons libres contre radicaux libres »)
Allô, allô Docteur !
Quelles nouvelles ?
Absente depuis quinze jours,
Au bout du fil
Je vous appelle ;
Que trouverai-je à mon retour ?
Tout va très bien, Madame la Marquise,
Tout va très bien, tout va très bien.
Pourtant, il faut, il faut que l’on vous dise,
On déplore un tout petit rien :
Un incident, une bêtise,
La radioactivité quelle surprise,
Mais, à part ça, Madame la Marquise
Tout va très bien, tout va très bien.
Allô, allô Professeur !
Quelles nouvelles ?
Les nuages à la frontière encore aujourd’hui !
Expliquez-moi
Citoyen modèle,
Comment cela s’est-il produit ,
Cela n’est rien, Madame la Marquise,
Cela n’est rien, tout va très bien.
Pourtant il faut, il faut que l’on vous dise,
On déplore un tout petit rien :
Tout ces cancers, pathologies
Ce n’est pas une vue d’esprit
Qui raccourci notre durée de vie.
Mais, à part ça, Madame la Marquise
Tout va très bien, tout va très bien.
Allô, allô Docteur !
Quelles nouvelles ?
Mes chers enfants sont donc condamnés ?
Expliquez-moi
Hippocrate intègre,
Comment cela s’est-il passé ?
Cela n’est rien, Madame la Marquise,
Cela n’est rien, tout va très bien.
Pourtant il faut, il faut que l’on vous dise,
On déplore un tout petit rien :
les faibles doses de radioactivité, Madame,
Affectent aussi la descendance sur 20 générations d’âmes.
Mais, à part ça, Madame la Marquise
Tout va très bien, tout va très bien.
Allô, allô Docteur !
Quelles nouvelles ?
Notre patrimoine génétique est donc détruit !
Expliquez-moi
Car je chancelle
Comment cela s’est-il produit ?
Eh bien ! Voila, Madame la Marquise,
Apprenant qu’il risquait d’être ruiné,
Le lobby atomique a et sans surprise,
Étouffé les méfaits de la radioactivité,
Et c’est en relisant les documents à la pelle
fait par les scientifiques intègres et médecins modèles,
Que le peuple dés-abruti
A décidé de faire la vigie ;
Le vent soufflant sur Tchernobyl,
Continue et met en péril,
la santé de plus d’un million d’enfants
qui mangent tous ces radio-éléments
Et c’est ainsi que l’AIEA désabusé
préfère laisser dégénérer l’humanité !
Mais, à part ça, Madame la Marquise,
Tout va très bien, tout va très bien.