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Des prévenus à la pelle au procès de Marmande

mardi 12 octobre 2010

Source : http://www.sudouest.fr/2010/10/12/des-prevenus-a-la-pelle-209190-3710.php

Le procès de 86 faucheurs volontaires de maïs transgénique a commencé hier. Du jamais-vu en France dans un prétoire.

Le Guinness Book n’était pas à Marmande hier. Au tribunal de la sous-préfecture lot-et-garonnaise commençait pourtant un procès hors norme. Ce sont 86 prévenus qui sont jugés pour avoir détruit 9 hectares de maïs transgénique Mon810 sur la propriété de Claude Ménara, à Grézet-Cavagnan, le 2 septembre 2006. Pour un tribunal de grande instance qui connaît ses dernières heures, avec une ultime audience correctionnelle prévue le 4 novembre, c’est un final en apothéose. Si l’on peut dire.

C’est simple, il y a tellement de monde que les prévenus, numérotés de 1 à 86 (une d’entre eux est décédée durant les quatre ans de l’instruction), sont installés dans la salle sur des chaises où ont été scotchés leurs noms. La presse, elle, se trouve cantonnée dans le box habituellement dévolu aux prévenus. Il n’y a aucune malice dans ce choix. « La salle n’est pas à la hauteur de ce que certains attendaient. Mais nous sommes dans un tribunal rural, plus habitué à des petits contentieux », ose le procureur, Marie-Hélène de La Landelle.

C’est donc un par un, en file indienne, après fouille et passage sous le portique détecteur de métaux, que les prévenus et une vingtaine de personnes du public (pro et anti-OGM triés à parité) sont entrés, et les débats ont pu commencer. « Je demande le plus grand silence pour que chacun puisse faire valoir sa cause. Je ne veux pas de mouvement dans la salle et demande des propos mesurés et sans raillerie. La contradiction dans les règles de l’art, c’est ce qu’il y a de plus important », prévient la présidente Aurore Blum avant de commencer l’appel.

Rires et applaudissements
Celui-ci dure une heure. Pour chacun, lorsqu’il y a lieu, le casier judiciaire est signalé. Le tout nouveau eurodéputé Joseph Bové (dit José Bové) affole les compteurs avec ses neuf condamnations et sa peine de prison. Éclats de rire et applaudissements (vite réprimés) pour cet autre compagnon qui a écopé de 30 euros d’amende pour « offense au président de la République ». Cet autre cumule huit condamnations, dont la majorité pour « voyage en voiture en commun sans titre de transport valable ».

Pour les autres, rien que du classique pour des faucheurs volontaires : « dégradations et destruction du bien d’autrui commis en réunion » (c’est pour ces mêmes raisons qu’ils se retrouvent au tribunal de Marmande) et « refus de se soumettre à un prélèvement biologique pour identification ». Enfin, la grande majorité ne présente aucune condamnation. Les prévenus, venus de toute la France, ont entre 25 ans (un Villeurbannais) et 82 ans (une dame de Millau). L’appel est marqué par un moment d’émotion quand tous se sont levés pour saluer la mémoire d’Hélène, militante landaise, aujourd’hui décédée.

En quelques mots, la présidente expose les faits qui ne sont « pas d’une grande complexité ». La possible utilisation d’un rotofil n’a pu être démontrée, l’implication de Greenpeace non plus, et le saccage de la parcelle Sainte-Marthe pas plus. Hormis ces trois zones d’ombre, tout a été reconnu et revendiqué par les faucheurs. Dès l’interpellation, chacun avait décliné par écrit son identité aux gendarmes.

« Raison avant l’heure »
Sur le banc de la partie civile, le plaignant, Claude Ménara, doit se sentir bien seul. Il compte cependant quelques soutiens dans la salle des pas perdus, à laquelle ont eu accès ceux qui veulent suivre tant bien que mal les débats.

Pour simplifier leur tenue, la présidente a entendu en priorité quatre militants, dont deux récidivistes, qui risquaient les plus lourdes sanctions. L’avocate de la défense, Marie-Christine Ételin, dix ans de joutes anti-OGM, ne goûte pas la méthode, mais s’y plie. À la barre, on ne tarde pas à retrouver José Bové. Rompu à l’exercice, l’homme du Larzac explique sa campagne contre le transgénique, commencée non loin d’ici, à Nérac, en 1998. Il s’est réjoui que la Haute Autorité sur les OGM ait activé la clause de sauvegarde en 2008, interdisant la culture du maïs Monsanto. Et s’est étonné de se retrouver là. « Nous sommes jugés pour avoir eu raison avant l’heure. […] Malheureusement, nous ne pouvons avoir de débat que dans les prétoires et nous plaidons la relaxe pour avoir agi dans l’intérêt général. »

La présidente Blum tente bien de le ramener sur le chemin du droit et des dommages causés. Tout comme le prévenu suivant, Jean-Baptiste Libouban, 77 ans, fondateur des faucheurs volontaires. « J’ai pris le risque d’être pris pour un voyou et même d’aller en prison. Mais je crois en la loi plus que dans le droit. La décision de ce tribunal peut aller dans notre sens », affirme-t-il. À l’interruption de séance, une haie d’honneur sur les marches du palais de justice attend les prévenus au son du slogan : « Ni dans les champs ni dans les assiettes, les OGM on n’en veut pas. »

Le procès, prévu sur deux jours, pourrait s’étaler sur trois, voire quatre. L’application de l’article 322 du Code pénal rend les 86 faucheurs passibles de deux à cinq ans de prison et 75 000 euros d’amende. Les centaines de militants qui ont envahi la ville ne veulent pas y croire.

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