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Compte rendu du procès de Marmande des 87 faucheurs volontaires d’OGM

mardi 26 octobre 2010

PROCES HISTORIQUE DE MARMANDE DES 87 FAUCHEURS VOLONTAIRES
11 et 12 octobre 2010

En 2006, un fauchage eut lieu sur une parcelle de maïs transgénique MON 810 cultivé par l’agriculteur-industriel Claude Ménara, un fervent promoteur des OGM qui exploite des terres en France au Brésil. Suite à ce fauchage, trois jeunes faucheurs furent interpellés, jugés en comparution immédiate et le tribunal les condamna alors à 3 mois de prison avec sursis et l’un à 500 euros d’amende, plus 20 000 euros de dommages et intérêts. Mais cela n’apaisa visiblement pas le ressentiment de Mr Ménara puisqu’il décida alors de porter plainte au pénal avec constitution de partie civile (avec l’Association Générale des producteurs de Mais – AGPM), dans l’intention d’obtenir la condamnation de trois personnes en particulier : José Bové, Guy Kastler, délégué général du réseau Semences Paysannes, et Joël Bach, porte parole du Comité Vigilance OGM. Mal lui en prit : ce furent 87 faucheuses et faucheurs qui vinrent se constituer prévenus ! Ce procès au tribunal pénal a eu lieu les 11 et 12 octobre 2010 au Tribunal de Marmande.

Le premier jour, le 11 octobre, tous les prévenus ont été entendus. Il n’est pas possible de détailler ici les très nombreuses auditions. Ce que l’on peut dire pour résumer l’ensemble de ces interventions, c’est qu’à l’extrême diversité, s’est ajoutée l’extrême qualité : chacun a pris soin de ne pas être redondant par rapport à ce qui avait déjà été dit par d’autres et chacun a tenu à éclairer pour la Cour, à travers ses mots, la portée de l’enjeu des cultures alimentaires OGM de plein champ, l’enjeu de la brevetabilité du vivant. Ce message empreint de gravité apporté par tous, sous des éclairages et des expressions différentes, a de toute évidence, interpellé les magistrats, ou plutôt les magistrates car, fait unique, il ne se trouvait que des femmes du côté de la Cour. Ces magistrates se sont montrées particulièrement respectueuses des prévenus et, même si elles ont du parfois presser les intervenant(e)s en raison du nombre, elles ont permis que chacun(e) s’exprime.

Claude Ménara a également été entendu. C’est à ce moment que les prévenus ont compris que leur message n’était pas tombé dans l’oreille de sourdes : fort à propos, Me Aurore Blum, procureur, lui a demandé ce qui se produit lorsque la semence se trouve contaminée par un trait transgénique à un taux minime et qu’elle est re-semée l’année suivante. Le taux augmente t’il et de combien ? Ménara, déstabilisé, a botté en touche. Après avoir écouté tous les prévenus, Me le Procureur a ainsi elle-même posé, de sa propre initiative, la question au cœur du débat OGM. Une véritable première dans l’histoire des procès des faucheurs volontaires !

Le 12 octobre, c’était aux témoins de venir apporter leur contribution. Et avant de détailler leurs propos, on peut rendre hommage à la dignité et la qualité qui s’est exprimée et qui faisait parfaitement écho à la dignité et la qualité des interventions de la veille. On a assisté ainsi, entre toutes ces interventions et la déposition des témoins de la défense à la manifestation de la détermination, la cohérence, l’intelligence et la responsabilité de tout un mouvement social.

On ne peut pas en dire autant de la partie civile, laquelle n’avait que deux témoins, cités en premier. Tout d’abord, Me Yvette Dattée, ex-membre de la Commission du Génie Biomoléculaire (CGB), ex-directrice du GEVES, l’organisme chargé de traiter les demandes d’inscription des plantes au catalogue, de mener des études techniques, et ex-présidente du Comité scientifique du CTPS, l’organisme chargé de fournir des recommandations au gouvernement sur l’inscription de nouvelles variétés au catalogue des semences.
Me Dattée a d’abord précisé d’un air désolé que, dans le cadre de son travail à la CGB, elle avait constaté que de 40 dossiers par an les premières années, il n’en restait que 4 à 5 à traiter par an les dernières années. [Diable ! les FV seraient-ils seuls responsables d’une telle pénurie ? Attention aux chevilles qui enflent..]
Ensuite, elle s’est appliquée à expliciter ce qu’est le maïs MON 810 avec des mots très surprenants dans la bouche d’une scientifique bardée de titres. Tout d’abord, elle a dit qu’il s’agit d’une « construction moléculaire Bt un peu modifiée par rapport à la molécule Bt naturelle d’origine, laquelle est largement utilisée en agriculture biologique. » [Comme disait une député européenne irlandaise : pouvez-vous dire « je suis un petit peu enceinte » ?] Puis elle a seulement évoqué l’insertion de ce gène Bt pour souligner que celui-ci s’opère « dans des variétés cultivées et adaptées » et qu’on « cultive donc des variétés très diversifiées qui contiennent le MON 810 ». Elle a juste omis de préciser que ces variétés « très diversifiées » sont toutes des hybrides F1 dont l’agriculteur ne peut pas utiliser la récolte comme semence, comme le lui a rappelé Guy Kastler. Elle a poursuivi imperturbable en assurant que « toutes les études sur le MON 810 ont été rigoureuses et menées par des experts compétents. » Des tests sont réalisés avant l’inscription au catalogue et la commercialisation. Les tests concernant la santé se répartissent en trois groupes : tests de toxicité de la protéine, tests d’équivalence en substance, tests d’allergenicité potentielle. Concernant l’environnement, des tests sont effectués pour évaluer le potentiel de dissémination, de croisement, ou « d’autres effets indésirables ». Puis, elle a entamé le chapitre du MON 810 proprement dit en affirmant qu’ « aucune autre espèce ne peut se croiser avec le maïs sous nos latitudes », que le croisement s’effectue donc de maïs à maïs. Ce croisement s’effectue via le pollen. Elle a soutenu, sans sourciller, que « la probabilité d’échanges de matériel génétique via les bactéries du sol est nulle ».[Ce qui est aujourd’hui contesté par les experts du HCB qui reconnaissent ces transferts, tout en estimant qu’ils sont sans importance vu que la bactérie Bt est déjà naturellement présente dans les sols. Ils « oublient » seulement que le gène modifié n’est pas identique au gène naturel.] Le maïs MON 810, ainsi évalué et testé, a donc reçu un avis favorable de la CGB pour un essai au champ, puis un avis favorable de commercialisation à la suite de la première demande de Monsanto. Elle a tenu à préciser que la mise en culture effectuée par Mr Ménara s’était donc effectuée en toute légalité et que « tous les rapports scientifiques sur le MON 810 publiés depuis sa commercialisation ont toujours été favorables. » Plus osé encore, elle a affirmé que « le maïs MON 810 est consommé depuis 14 ans sans qu’aucun problème de santé ne soit apparu. » [Me Dattée a-t-elle oublié que la rigueur scientifique impose de tirer des conclusions à partir de faits observables ? Comment a-t-elle pu, en l’absence de toute étude de suivi de la consommation du MON 810 tant sur la population humaine qu’animale, parvenir à cette magistrale conclusion ? ] Enfin, elle n’a pas résisté au besoin de citer l’argument favori de Monsanto selon lequel « l’avantage du maïs Bt est d’éliminer le problème de la fusariose, source de mycotoxines toxiques et dangereuses pour les humains qui en consomment. »

Me le Procureur lui a alors demandé ce qu’elle pouvait répondre au sujet de la contamination possible des cultures biologiques. N’écoutant que son cœur, le témoin a donc déclaré que « les cahiers des charges de l’agriculture biologique sont une obligation de moyens mais pas une obligation de résultats ». [murmures d’indignation dans la salle]. Pour Me Dattée tout est donc très simple : le meilleur moyen de préservation est le respect « des distances » entre cultures bio et cultures transgéniques. Elle a ajouté, réactivant ainsi le flot de murmures, que « quelques pourcentages minimes de contamination ne nuisent pas. Quel est le problème dans la mesure où le MON 810 n’est pas dangereux ? ». Reprenant un autre argument bien connu, elle a rappelé que dans toutes les semences il y a toujours échange de matériel génétique sans que cela soit considéré comme un problème. L’essentiel étant que la contamination ne dépasse pas le seuil dit « seuil de pureté » de la semence.

Me de la Landelle lui a alors demandé d’expliciter l’incidence du MON 810 sur les maïs population. La réponse de Me Dattée à cet instant vaut son pesant de cacahuètes : « Les variétés hybrides ne se ressèment pas. Le problème ne se pose donc pas pour ces variétés. Et le pourcentage d’agriculteurs utilisant leurs propres semences non-hybrides pour les re-semer est très faible. » Me la Juge est alors revenue à la charge en reformulant sa question. Me Dattée a alors produit un argument inédit : « Le taux de contamination reste constant d’une année sur l’autre si l’agriculteur utilise un grand nombre de semences, selon un modèle statistique connu. Le problème ne survient que lorsqu’on travaille avec des petites quantités ». Ironiquement, Me la Juge a voulu alors savoir si cela voulait dire que « les agriculteurs bio doivent avoir des exploitations assez grandes » ? Me Dattée a rétorqué que « Non. Il suffit qu’ils utilisent un échantillonnage varié et assez important. » Elle a précisé que « l’agriculteur aujourd’hui ne re-sème jamais le produit de sa récolte. Il s’adresse au multiplicateur pour obtenir sa semence. » [Me Dattée ne connaît visiblement que la minorité d’agroindustriels du monde occidental et ignore les milliards de paysans de la planète, autant que les paysans français –présents dans la salle en nombre- qui re-sèment le produit de leur petite récolte en y incluant des semences de leurs voisins.]

Voyant que Me Dattée n’a pas pleinement conscience du problème, une autre magistrate tente de la ramener à la réalité en lui demandant quelle incidence une contamination à 0,3% de semence de maïs population aura sur la semence les années suivantes. Me Dattée est alors obligée de concéder que « bien sûr, le pourcentage de contamination peut augmenter » mais, ingénue, elle ajoute : « quel est le problème ? » Interrogée ensuite sur les autres plantes Bt, Me la scientifique répond que le coton Bt est un succès puisqu’il « a permis de réduire significativement la consommation de pesticides ».

Me le Procureur demande alors ce que produit exactement une plante Bt. Me Dattée répond que la plante Bt produit des plasmides qui contiennent plusieurs gènes contenant des protéines toxiques pour certains insectes. Me le Procureur veut alors savoir si la différence qui existe entre la pulvérisation de pesticide et l’utilisation du maïs Bt est que ce dernier est ciblé sur la pyrale et la sésamie. « Oui », répond Me Dattée. « Pourtant, s’étonne Me le Procureur, il semble que ce ne soit pas si certain, d’après une étude de l’ EFSA mentionnant d’autres insectes pouvant être touchés ». Me Dattée s’en sort en disant que, selon la nouvelle réglementation, « ces cultures seront encadrées par un comité de suivi de biovigilance. » Elle ajoute malencontreusement qu’il est « impensable de tester tous les insectes pour chaque protéine. » [En somme, plantes, insectes, animaux, humains, sont une paillasse de laboratoire sur laquelle va se pencher le fameux « comité de biovigilance » pour examiner quel effet leur fait le Bt. ]

Me le Procureur, qui a de la suite dans les idées, insiste : « le taux de contamination dans le maïs population va-t-il donner au maïs contaminé un avantage sélectif ? » Me Dattée réitère : « si l’agriculteur obtient cet avantage sélectif, c’est qu’il n’a pas utilisé un échantillonnage assez large. »
Me de la Landelle pose alors une question relative à la composition exacte du gène Bt. Me Dattée répond que « Les souches commercialisées de Bt sont très diverses. Parmi ces variétés, seul le gène Cry1Ab est utile contre la pyrale. En fait, c’est une partie du gène qui est présente dans la construction moléculaire, pas le gène lui même. »

Me Le Prat, avocate de la partie civile, prend alors la parole et interroge Me Dattée pour savoir s’il existe à l’état naturel des plantes qui produisent des toxines. « Oui », assure diligemment Me Dattée. « Depuis quand date l’introduction des hybrides ? » poursuit Me Le Prat. « Depuis l’après-guerre », dit Me Dattée. Le petit jeu de questions-réponses soigneusement préparées entre la défense et le témoin se poursuit : « Les semences de variétés hybrides doivent être rachetées tous les ans ? », « Oui ». « La raréfaction du nombre des opérateurs fournisseurs de semences est-elle due aux fauchages ? », « Oui ».

Me de la Landelle ne se laisse pas distraire par les points soulevés par l’avocate et revient à ses moutons : elle veut savoir par qui sont établis les protocoles de mise en culture. Me Dattée répond que « les protocoles sont établis par les commissions qui suivent les recommandations de l’EFSA. »

Me Etelin, avocate de la défense, intervient alors et demande à Me Dattée : « Quelles étaient vos fonctions au GEVES ? ». Celle-ci énumère : « Au GEVES, j’étais en charge des demandes d’inscription des nouvelles variétés au catalogue. Nous faisions des études techniques et fournissions des conclusions et des recommandations au gouvernement pour prendre sa décision. » Me Gallon, lui aussi avocat de la défense, dans la foulée lui pose une question malicieuse : « Vous étiez aussi membre de la Commission du Génie Biomoléculaire (CGB). Est-ce la CGB qui réalise les études scientifiques ? » Me Dattée doit convenir que « Non. C’est l’opérateur [c’est-à-dire la firme demandeuse – ici Monsanto pour le MON 810-] qui fournit les études. »

[Où l’on voit que les témoins de la partie civile sont souvent utiles pour la défense… !.]

Le second témoin, Mr Pierre Vincent, agriculteur de son état, n’a pas pu être retenu en qualité de témoin parce que – excusez du peu- il est membre du Conseil d’Administration de l’ AGPM (Association Générale des producteurs de Maïs) qui s’est portée partie civile dans ce procès ! Il a donc été entendu en qualité de « sachant ». Mr Vincent déclare donc exploiter 13 ha de vigne et 40 ha de production de semences. Il explique être venu en soutien à Claude Ménara car il a vécu des choses similaires. Contractant avec une coopérative, il décide en 2007 de cultiver des OGM, mais ayant vu ce qu’a traversé son collègue, il décide de n’en informer qu’un cercle fermé de personnes, ses proches et ses voisins qui sont en conventionnel. Il détaille comment cela a affecté sa vie de couple, comme pour Ménara. Il termine en disant que les fauchages ne sont pas seulement une surface donnée de culture qui disparaît mais une atteinte à son travail.
A ce moment, Me de la Landelle pose une question stupéfiante : « Que pensez-vous Monsieur de l’atteinte au travail des agriculteurs bio ? Que faites-vous pour respecter le travail des autres ? » [Rien que pour entendre cette question, ce procès devait avoir lieu !]
Mr Vincent, quelque peu déstabilisé –on le comprend-, répond qu’en tant que producteur de semences, il est habitué à la coexistence et au respect du cahier des charges des semenciers. Il sait comment gérer cela. Il convient toutefois qu’il ne faut « pas associer le maïs population ou le maïs bio avec le maïs transgénique ».
Me de la Landelle poursuit : « Vous nous dîtes qu’il faut donc seulement une capacité à s’entendre entre producteurs. Mais, et les abeilles ? »
A ce moment, le témoin perd ses moyens et s’enfonce avec cette réponse inénarrable : « J’en vois très rarement. » « Il n’y a donc pas d’abeilles » ironise Me la Juge. « Sauf si un apiculteur met exprès une ruche affamée au bord du champ », rétorque Pierre Vincent, faisant ainsi allusion à l’expérimentation menée par un apiculteur bio pour démontrer la contamination des ruches par les pollens de maïs MON 810. Me de la Pradelle développe alors un sens de l’humour tout à fait opportun et laisse tomber : « Oui. On ne peut pas gouverner toute chose. »

Me Le Prat par le bruit alertée lui tient alors ce langage : « L’apiculture transhumante justifie le choix de cibler les cultures satisfaisantes. (..) L’expérimentation de l’apiculteur Mr Coudoin était donc une provocation. » Me Etelin fait alors remarquer que l’incidence de la culture Bt sur les abeilles est un problème majeur. Me Gallan ajoute qu’en 2006, à l’époque des faits ici jugés, il n’existait aucune transparence sur la localisation des parcelles ni sur les distances. « Comment l’apiculteur aurait-il pu dés lors savoir où mettre ses ruches, « cibler les cultures satisfaisantes », sans connaissance des lieux où poussaient des OGM ? » Me Etelin rajoute que c’est bien parce que ces questions sont insolubles que les décrets d’application ne sont toujours pas pris en 2010.
Me Le Prat demande alors au témoin de confirmer que le moment de la floraison se situe à 90% entre le 11 et le 25 juillet pour le maïs hybride et dure 15 jours, ce qu’il confirme. Dans la salle, les paysans présents rappellent que la floraison des maïs population est bien plus longue.

C’est au tour des témoins de la défense. Entre le Pr Christian Vélot, chercheur en génie biomoléculaire à Orsay. Il commence par définir les OGM comme « un outil au service des chercheurs » et pose la question : « Pourquoi avoir introduit les OGM dans l’alimentation ? » Il explique, qu’en tant que chercheur, il se sert tous les jours des OGM qui sont donc un outil commode pour mener des observations. Il rappelle qu’un OGM est un organisme vivant dont on a modifié les caractéristiques génétiques par l’introduction dans son génome d’un gène étranger. « A partir du moment où les OGM ne sont plus utilisés comme un simple outil mais comme une fin en soi, ajoute t’il, cela pose question car est-on capable de mesurer les conséquences ? En quoi l’introduction d’un gène étranger peut perturber le génome du maïs ? Quel est le devenir de la toxine Bt ? En quelle quantité s’exprime t’elle ? Quels sont les effets sur les insectes utiles ? Etc… Qu’en est-il des réponses à ces questions ? »

On nous dit, poursuit-il, que la transgénèse est précise. Mais la transgénèse n’a rien de « chirurgicale ». J’ai coutume de dire que si la transgénèse est « chirurgicale » alors je déconseille à tout le monde de se faire opérer ! Il détaille le processus d’introduction du gène dans la plante au moyen d’un canon à billes d’or et l’imprécision du « tir » qui en résulte, le gène s’insérant là où il peut, pour affirmer que ces pratiques de cowboys font que « nous sommes incapables de prévoir les conséquences ».
Ensuite, il revient sur les processus d’évaluation « fondés sur le « principe d’équivalence en substance » » pour souligner « la carence évidente d’évaluation ». Par exemple, on ne connaît pas la quantité de toxine Bt produite par le maïs Bt, alors qu’ « il produit en permanence de la toxine ». Il revient également sur l’amalgame volontairement entretenu par certains entre Bt transgénique et Bt naturel : « le gène du Bt est modifié pour le rendre adapté, c’est-à-dire que l’on juxtapose des morceaux du gène Bt. La protéine diffère donc jusqu’à 44% de la protéine naturelle du Bt. La meilleure preuve de la différence significative entre le Bt transgénique et le Bt bio est que le Bt bio, contrairement au Bt transgénique, ne protège pas de la sésamie. » Il ajoute : « Cette toxine du Bt transgénique n’a jamais été évaluée. » Or, depuis 2003, rappelle t’il, de nombreuses études ont montré l’incidence néfaste du Bt GM sur des insectes. « Les plantes-pesticides, puisqu’elles accumulent le pesticide dans leurs cellules, devraient être évaluées en tant que pesticides, c’est-à-dire par des études de 3 mois sur trois espèces différentes (toxicité aigüe) puis de 2 ans sur des rats, selon la législation en vigueur. Mais ça n’est pas le cas. » La Directive européenne 2001/18 ne dit pas en quoi la plante-pesticide doit être évaluée, rappelle t’il. Les seuls tests fournis portent sur 3 mois et souvent sur une seule espèce. Et le refus d’accès à ces études, sous prétexte de « secret industriel » est proprement intolérable. « Aujourd’hui, nous chercheurs n’avons toujours pas accès aux études sur le MON 810 fournies par Monsanto et qui ont permis l’autorisation de commercialisation de ce produit ! » s’enflamme Christian Vélot. « En tant que scientifiques, nous ne pouvons cautionner cela, au nom de la science. »

En ce qui concerne les pollens, pour lui « l’étanchéité » d’un champ transgénique à un champ non transgénique est tout simplement « une vue de l’esprit ».

Me de la Landelle veut savoir quelles sont les possibilités de contamination de maïs à maïs. Christian Vélot explique qu’en dehors du transfert de matériel génétique par la voie verticale, via les pollens, « il existe un transfert horizontal de la plante Bt aux bactéries du sol ». Et comme la transgénèse confère de plus un avantage sélectif, ce transfert pose problème.
Il revient à la suite sur la notion selon laquelle la mutation et les transferts de gènes ont toujours existé. Oui, affirme t’il mais « dans la nature les transferts et les mutations se réalisent au sein d’une même espèce et dans une même niche écologique et sur des milliers d’années. C’est-à-dire que l’évolution se produit simultanément dans toute la biodiversité et à une échelle géologique. Alors que la transgénèse pratiquée aujourd’hui se réalise entre espèces issues de niches écologiques tout à fait différentes ou éloignées, à un instant T, et « confère à un gène un avantage sélectif déterminé par l’homme ».

« L’accès aux résultats dont nous disposons actuellement est suffisamment inquiétant pour ne pas pouvoir conclure à l’innocuité des OGM. », conclut-il.

L’autre magistrate interroge Christian Vélot : « Les tests de toxicité sont réellement fournis par les firmes ? » « Oui. » précise le chercheur. « Et les conflits d’intérêts qui gangrènent l’ EFSA, en charge de l’évaluation au niveau européen, sont maintenant de notoriété publique. »

Patrick de Kochko, second témoin de la défense est alors venu à la barre. Agriculteur, ancien ingénieur agronome et chercheur au CIRAD, expert agricole à la Commission Européenne, expert judiciaire dans les affaires agricoles à la Cour d’Agen, et représentant des Amis de la Terre au Haut Conseil des Biotechnologies, a d’abord retracé succinctement sa propre expérience. Il a en effet subi de plein fouet la contamination de sa production de soja bio, suite à l’achat et l’utilisation d’un lot de semences contaminées. En 1998, il a donc déposé plainte à Auch pour connaître l’origine de la contamination. En 2001, la plainte a été classée sans suite. La filiale ASGRO de Monsanto, d’où provenait les semences, a pourtant par ailleurs été condamnée en 2007 pour avoir commercialisé illégalement des semences contaminées par des OGM et à l’insu des acheteurs. Il a déposé également une plainte aux USA qui a également été classée sans suite. Aujourd’hui, en 2010, il attend toujours la reconnaissance de son préjudice. Il n’a plus été en mesure de cultiver du soja bio depuis.

A la suite, il a rappelé qu’il avait en 2006 invité Mr Ménara à une discussion publique et que celui-ci avait refusé l’expérimentation proposée, par Patrick de Kochko et d’autres, en vue de contrôler la contamination possible. L’expérimentation a eu lieu quand même sous contrôle d’huissier et a révélé une contamination à hauteur de 0,1% et 0,3%, plus la contamination avérée du pollen de ruches jusqu’à 36%.

Patrick de Kochko a ensuite insisté sur l’importance vitale de continuer à disposer de semences population introuvables dans le catalogue, et de les maintenir, car ces semences sont beaucoup plus résistantes aux maladies et aux variations climatiques. Il a ajouté qu’ « en raison des contaminations, les apiculteurs bio du Lot et Garonne ont perdu un marché européen du pollen bio ».

En venant au cœur du sujet, Patrick de Kochko précise : « En 2006, il n’existait pas de seuil possible de contamination : c’était 0% pour les semences en bio. Ce n’est qu’en 2007 que le nouveau règlement bio a stipulé 0,9%, avec application au 1 janvier 2010. Pour les semences, c’était et c’est toujours 0% ». Or les résultats d’une étude SIGMEA dirigée par le Professeur Antoine Messéan ont prouvé que la coexistence est impossible dans une même région, aux seuils de 0% ou 0,1%. Ces résultats ont été mentionnés lors de la réunion publique à laquelle participait Mr Ménara. Donc Mr Ménara était parfaitement informé. En 2007, ajoute t’il, nous avons réitéré l’expérimentation avec des ruches à 3km de chez Mr Ménara. « Sur 97 ou 98% de pollen de maïs récolté, 40% était OGM. » Une autre expérimentation conduite par Antoine Messéan de l’INRA et Agrobio Périgord, avec des maïs blancs implantés au sein de champ de maïs jaune, a révélé en 1997 une contamination de 0,75% à 50m et de 0,1% à 75m. En 2008, le Haut Conseil des Biotechnologies a recommandé le seuil de 0,1% pour le « sans OGM ».
Me de la Landelle demande alors si l’INRA conserve la biodiversité cultivée. Patrick de Kochko répond que l’INRA conserve quelques bases mais que « ces bases ne sont pas renouvelées chaque année comme dans le champ du paysan et la semence enfermée n’acquiert donc pas de nouveaux traits d’adaptabilité. L’INRA reconnaît d’ailleurs comme essentiel le travail de conservation des semences effectué par les paysans. »

Me la Juge veut alors savoir par qui ont été nommés les scientifiques du Haut Comité des Biotechnologies (HCB). Patrick de Kochko explique que le HCB est composé de deux comités : le comité scientifique composé de 30 membres et le comité économique, éthique et social, composé de 27 membres, tous désignés par un décret interministériel.

Me Etelin fait remarquer que la décision de la cour de cassation dans le cadre du procès de la filiale de Monsanto, ASGRO, confirme les propos de Patrick de Kochko, puisque cette entreprise a été condamnée pour avoir commercialisé sans étiquetage OGM des semences contaminées à moins de 0,1%, mais qu’il a fallu 10 ans pour que soit prononcée cette réponse pénale et qu’entre temps la plainte de Mr de Kochko a été classée sans suite.

Le troisième témoin de la défense est une femme, Ester Cazes, ingénieur agronome et productrice de semences bio en Catalogne du Sud. Celle-ci relate les faits qui se sont produits dans son pays en 2005, alors qu’il existait une variété locale ancestrale « Lagorda » de maïs bio traditionnel. Cette variété bio avait été diffusée à plusieurs paysans pour assurer sa multiplication. Un des paysans a découvert peu après que ses plants étaient contaminés avec la variété transgénique Bt 176. Des analyses ont été faites. Ester Cazes a alors repris des semences d’origine de 2005 et les a semées chez elle afin d’effectuer des contrôles. L’analyse a confirmé une contamination à hauteur de 5,6%, ce qui signifie que la semence d’origine avait déjà été contaminée dans cette région d’Espagne livrée aux cultures OGM. « La conséquence est que nous avons définitivement perdu cette variété ancestrale » dit clairement la jeune femme. « Depuis, 67 cas de contamination ont été enregistrés par le Comité de Contrôle de Certification Biologique. Ceci a provoqué la disparition de 95% du maïs bio en Catalogne », finit-elle, non sans émotion. Ester Cazes rajoute que beaucoup de paysans bio ont perdu leur récolte devenue invendable et qu’ « il leur faut maintenant acheter leur semence bio, ou leur grain bio pour les éleveurs, à l’étranger, ce qui occasionne un surcoût important ». La Catalogne n’est pas la seule région touchée puisqu’en Aragon 15 cas de contamination ont déjà été recensés. « Un producteur, Felix Balarin a même eu sa récolte contaminée à hauteur de 34% par le Bt 176 car le maïs transgénique est cultivé en Espagne depuis plusieurs années. »

Me de la Landelle s’est enquise de savoir s’il existe en Espagne un mouvement similaire à celui des Faucheurs Volontaires français. Ester Cazes a dit que deux fauchages avaient bien eu lieu en Espagne mais qu’elle regrette personnellement qu’il n’existe pas un véritable mouvement comme en France. La Juge a voulu savoir si le débat sur les OGM a lieu en Espagne. Ester Cazes a dit qu’ « en guise de débat en Espagne, les médias se bornent à interroger toujours les mêmes scientifiques acquis et favorables aux OGM. »
Me Etelin rappelle alors que la législation devrait être partout la même en Europe. Elle demande à Ester Cazes ce qu’il en est des indemnisations, des assurances. Celle-ci répond que « quand bien même on parviendrait à chiffrer le coût économique des contaminations, aucune assurance ne veut couvrir un tel risque. Mais de toute façon, la disparition d’une variété est une perte impossible à chiffrer. » Elle souligne que, malgré la mobilisation d’une partie de la population espagnole, la remise d’une pétition signée par 100 000 personnes au Parlement régional de Catalogne, « le Parlement n’en a pas tenu compte. »

Christophe Bonneuil, sociologue à l’INRA, dernier témoin de la défense, a ensuite évoqué les incidences économiques et sociales de la dissémination des brevets de Monsanto. Il a rappelé que le Certificat d’Obtention Végétale (COV) créé en 1961 protège la variété d’un sélectionneur mais « borne ce droit individuel par deux droits collectifs : le droit du sélectionneur d’utiliser une variété protégée pa un COV pour en sélectionner une autre, et le droit de l’agriculteur d’utiliser sur sa ferme des semences issues de la récolte d’une variété protégée. En 1998, apparaît en Europe « le brevet sur les gènes dans lequel le droit individuel n’est plus assorti des droits collectifs ». Ce brevet crée donc un système fermé et monopolistique. En France, où domine le COV, les OGM sont en fait le cheval de Troie du brevet. Aux USA, une entreprise comme Monsanto concentre 80% des semences de maïs et réalise un chiffre d’affaire de 11 milliards d’euros. « Ceci inquiète les économistes les plus sérieux en occident, notamment du fait que cette concentration extrême nuit gravement à l’innovation ». Christophe Bonneuil ajoute que « Monsanto truffe ses variétés de marqueurs génétiques brevetés qui n’ont d’autre fonction que d’assurer la traçabilité, à seule fin d’empêcher toute utilisation de ses semences. »
Il confirme que « Monsanto se retrouve bien propriétaire de fait des cultures contaminées. » Le « sociologue confirme également que « le droit de re-semer sa semence en France est menacé d’anéantissement par l’exercice des brevets. » Il relate les mésaventures arrivées à des centaines d’agriculteurs aux USA suite à des contaminations fortuites, fait état de l’existence de la police privée de Monsanto chargée d’inspecter les champs, de la répression des trieurs à façon. Il mentionne même l’instauration par Monsanto d’une ligne d’appel téléphonique destinée à encourager les délateurs à signaler leurs voisins « suspects » et l’ambiance détestable que cela a créé dans certaines régions agricoles des Etats-Unis. Mais, ajoute t’il, c’est cette politique agressive de Monsanto qui lui a permis de dominer le marché et de faire grimper le prix des semences. Christophe Bonneuil pose alors la question : « Par rapport à nos valeurs républicaines, cette dissémination des brevets ne constitue t’elle pas une menace ? La France via son adhésion à l’OMC reconnaît le brevet du MON 810. Donc, « juridiquement, Monsanto peut poursuivre les agriculteurs aussi en France ».

C’est au tour de la plaidoirie de la partie civile et Me Le Prat rappelle que le contrat PACB qui liait Mr Ménara à l’AGPM-Arvalis ne consistait pas seulement à faire pousser des OGM mais à recueillir un certains nombre de données sur les performances des zones refuge afin, dit elle, que l’AGPM puisse fournir des informations fiables aux producteurs. « Le fauchage a donc constitué une perte de données », assure l’avocate. Raison pour laquelle l’AGPM a demandé un euro symbolique de dommages et intérêts, comme pour le champ de Mr Medge, en compensation du préjudice évident. Elle précise que Mr Christophe Terrain, président de l’association AGPM a toute latitude selon les statuts de l’association pour la représenter en justice sans convocation de l’ Assemblée Générale.

Elle rappelle ensuite qu’en 2006, Mr Ménara a été contraint de saisir en référé le Tribunal contre Greenpeace qui avait publié sur Internet la localisation de ses parcelles OGM, un acte incitant au fauchage selon lui. Elle pose la question de savoir si les fauchages sont le fruit d’une « justice privée » et mentionne le fait que 6 arrêts de la Cour concernant les fauchages ont déjà rejeté l’état de nécessité.
Revenant sur ce qui détermine juridiquement l’état de nécessité, elle cite les exigences juridiques : pour qu’il y ait état de nécessité, il doit être établi qu’il y a « un danger certain, imminent, ou injuste » et qu’il y a « proportionnalité entre le préjudice potentiel et l’acte commis. » Elle s’attache ensuite à prouver que ces conditions ne sont pas réunies :
Aucun élément de risque sanitaire ou environnemental : l’autorisation accordée au MON 810 est issue d’un long processus d’évaluation. Aucune étude publique ne fait état d’un danger. La Clause de sauvegarde qui a été actionnée en 2008 sur la base d’un Comité de Préfiguration de la Haute Autorité de Biotechnologies « n’a soulevé aucun danger, seulement des risques. » Une seule certitude a été admise : Le maïs Bt réduit l’apparition de mycotoxines potentiellement dangereuses. L’EFSA, l’AFSSA, le HCB, n’ont mentionné aucun danger. « La clause de sauvegarde ne permet donc pas de légitimer l’action des faucheurs. »

Quant à un danger économique, Me Le Prat considère qu’ « aucune démonstration du préjudice économique du à la parcelle de Mr Ménara n’a été démontré ». Par ailleurs, « la dissémination du pollen n’est pas contraire au principe de précaution, selon le Conseil Constitutionnel. » Et quand bien même il serait démontré que la dissémination est contraire à ce principe, la jurisprudence ne peut être invoquée que dans des situations individuelles et non de groupe. « L’état de nécessité ne concerne que les situations individuelles. » A la « nécessité de l’infraction », Me Le Prat oppose le droit français qui permet de faire annuler des essais OGM et le recours à des procédures d’urgence, tel que le référé. Elle fait remarquer que le fauchage de 2006 est antérieur au recours en référé entrepris [ elle oublie là le fait que ce ne sont pas les faucheurs qui ont entrepris le recours ] et que ce recours a été perdu parce qu’il a été impossible aux plaignants de démontrer l’état de nécessité.

Posant la question de savoir « qui peut arbitrer en cas d’intérêts divergents », Me Le Prat revient sur l’IVG : à partir de combien de mois l’interruption de grossesse n’est plus acceptable ? Le débat était difficile mais « qui a tranché au bout du compte ? Le législateur ». Elle affirme qu’il pourrait en être de même avec les OGM : « jusqu’à un certain pourcentage de contamination, je tolère ; au-delà, je sanctionne. »
[Cet aspect de l’argumentaire de Me Le Prat est très intéressant parce qu’il soulève un problème très important auquel le législateur doit faire face : dés qu’il s’agit de légiférer sur « le vivant », il se trouve démuni, pour la simple et bonne raison que la logique du droit elle-même ne permet pas d’embrasser la complexité du vivant. La question de l’IVG, c’est-à-dire de savoir à quel moment T on considère qu’un fœtus n’est plus un fœtus mais un « être humain » en droit a trouvé une réponse arbitraire qui n’était qu’un compromis entre une revendication des femmes et les interrogations éthiques qu’elle soulève. Une approche de la complexité intégrerait, tant pour l’IVG que pour les OGM, la question ontologique de la définition du « vivant » et de « celui qui pense au sujet du vivant » et aboutirait à reformuler la question non pas en termes de « combien de mois » ou « combien de seuil tolérable de contamination », mais en termes par exemple de « quels rapports hommes/femmes », « quelles conditions de vie », pour l’IVG, « quelle agri-culture », pour les OGM. La question de l’IVG –hormis pour raisons médicales strictes- ne survient que parce qu’on n’a pas résolu celle des rapports hommes-femmes et des conditions « pressées » de la relation sexuelle dans une société affolée et qui refuse d’aborder les vrais problèmes. La question des OGM dans l’alimentation ne survient aussi que parce qu’on n’a pas résolu celle des rapports de domination économique et des conditions de la production et de la distribution de nourriture. Le législateur tente de légiférer une fois que les conséquences de ce déni d’aborder les vraies questions se font sentir. On marche sur la tête. Ce n’est pas au législateur de répondre à ces questions ! Son rôle est de trouver une forme juridique aux réponses apportées. Mais pour qu’elles soient apportées, encore faudrait-il qu’elles soient posées !
Toutefois, c’est la seule similitude que l’on puisse accepter entre ces deux problèmes. Car Me Le Prat établit un parallèle très malheureux entre une question éthique qui a trouvé une réponse en droit au niveau du droit individuel et une question qui concerne essentiellement le droit collectif : une fois semés, les OGM concernent la planète entière et pas seulement celui qui a semé ou celui dont le champ est contaminé. En établissant une analogie entre les deux questions, Me Le Prat propose de dissoudre le droit collectif dans le droit individuel. ]

Ensuite, Me Le Prat a considéré que le respect du principe de proportionnalité n’est pas respecté : « en quoi la destruction de la parcelle de Mr Ménara est proportionnelle à l’objectif recherché ? » a-t-elle demandé. Elle a évoqué à cette occasion le « totalitarisme des anti-OGM ». « On ne peut pas tirer parti d’une norme supérieure pour justifier une destruction ». [Donc le Droit serait la seule « norme supérieure » autorisée ? Me Le Prat semble avoir oublié qu’au dessus du Droit, il y a l’ Ethique, et que ce n’est donc pas parce que quelque chose est « légale » que cette chose est « légitime ».]

Elle a enfin exprimé que son client exige la réparation du préjudice moral qu’il a subi, différent du préjudice matériel qui a été réglé par chèque. Sa demande est le versement de 1000 € par prévenu + 5000 €.

(à compléter car il me manque des morceaux)
Me le Procureur a alors entamé la réquisition en commençant par resituer la qualification du délit à l’époque des faits : ceux-ci ont été qualifiés de « destruction volontaire en réunion ».
Elle a cité le texte L671-15 du Code Rural.
Elle a ensuite dit que dans la loi 112-1 la nouvelle définition de l’infraction induit des peines moins sévères. Par ailleurs, elle a rappelé que l’arrêt de la Cour de cassation sur le refus de prélèvement ADN a conclu à l’impossibilité de condamner pour la même infraction. Elle a donc suggéré de « requalifier les faits »
Elle s’est basée sur la jurisprudence des « appels malveillants »
Elle a dit qu’il n’y a pas de récidive à retenir.

Ensuite, elle a affirmé que « l’état de nécessité est non justifié », qu’il s’agit de « la défense d’une idée », que « la légitimité ne justifie pas l’état de nécessité ».

Elle a requis 120 jours-amende à 50 € pour les prévenus Plancke, Bové, Liboudan et Thonier et 2 mois de prison avec sursis pour tous les autres prévenus, en indiquant que des dérogations seraient aménageables pour les étudiants en mesure de prouver qu’ils sont inscrits à un concours de la fonction publique (justificatifs B2).

En introduction de ses plaidoiries, la défense – après délibération avec les prévenus- a accepté la requalification et a indiqué qu’elle fournirait les justificatifs B2 ultérieurement.

Me Dolores …. ? a pris la parole pour faire part de sa « découverte » du mouvement des FV, source d’admiration, notamment concernant leur pratique de la désobéissance civile qu’elle a rapproché d’Antigone opposant un refus à l’autorité du Roi en assumant les risques.
Elle a ensuite évoqué la tenue d’un débat à venir, le 17 novembre 2010, au Conseil d’Etat, sur la démocratie environnementale destiné à permettre aux magistrats d’intégrer dans leurs décisions la notion de démocratie participative et la remise en cause du pouvoir de l’expertise.

« L’action individuelle des prévenus », a-t-elle précisé, est « inscrite dans un processus collectif ayant pour objet d’aboutir à un résultat. »
Et cette action relève de l’état de nécessité puisqu’ ayant eu lieu en 2006 elle a abouti à la clause de sauvegarde en 2008 et qu’elle a donc permis d’obtenir l’arrêt des cultures OGM en plein champ en France.
Elle s’est référée à l’Article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme qui établit le droit à la santé et à un environnement sain et a rappelé que la Charte de l’ Environnement est antérieure à 2006. Elle a soutenu que la contamination est indéniable, inéluctable et irréversible, et que le seuil de contamination augmente au fil du temps. Elle a déploré que la charge de la preuve incombe désormais aux victimes de la contamination et déclaré que « condamner les faucheurs revient à cautionner un système peu fiable. »

Pertinemment, elle fait alors remarquer que « Nos débats sont hypocrites parce que tout le monde sait qu’il y a danger, personne ne veut manger des OGM. » Et que « le risque n’est qu’un danger en prévision ». Elle ajoute que sans aucune garantie, les cultures OGM ont été mises en circulation. Si, comme pour l’amiante on s’aperçoit dans 10 ans que le danger est réel, il sera néanmoins trop tard.

Me Gallon reprend à la suite la saga du combat des paysans « qui ne pouvaient pas porter seuls ce combat contre les OGM » et rappelle que c’est à cause de cela que s’est formé le mouvement des faucheurs volontaires qui, de 300 personnes en 2003 a rapidement atteint 7000 membres. Il rappelle aussi que les faucheurs payent cher leur engagement à travers la prison, des grèves de la faim, des saisies sur des biens individuels, des amendes. Il constate que l’ambiance des tribunaux a changé. Et cela parce que face aux géants des multinationales, les FV ont mis le débat sur la place publique, alors que les OGM ont été introduits par les politiques sans concertation. « En termes de résultats, nous sommes dans une situation de dette de la société envers les FV ».

En 2006, poursuit-il, aucune loi n’encadrait les OGM. « Les politiques ont fui leurs responsabilités parce qu’ils savaient que les OGM posaient des problèmes. » Le plus étonnant, c’est que « la Chancellerie se retrouve maintenant aux côtés des FV pour défendre la clause de sauvegarde française au niveau de l’UE ! » Le Grenelle a fait apparaître un consensus autour du problème de la contamination et donc du problème de la coexistence. D’ailleurs « aucune assurance ne souhaite couvrir le risque OGM ». Le Grenelle a aussi fait apparaître la « remise en cause de l’expertise scientifique ». On assiste aujourd’hui à une remise en cause des OGM au niveau européen, avec de nombreux pays engagés. « La Commission Européenne délivre systématiquement des autorisations pour les OGM parce que les commissaires sont tenus par des traités. Un véritable marchandage est à l’œuvre – nos OGM contre vos avions- pour forcer la main de l’UE ».

Par ailleurs, il souligne que l’insuffisance de recherches scientifiques a été mise en évidence par le Comité de Préfiguration. « Mais qu’a fait le politique ? Il a refusé de prendre position. La France a donc été condamnée le 9 décembre 2008 pour non transposition de la Directive européenne 2001-18 après 6 autres condamnations. » Que fallait-il donc faire ? » Les manifestations, les pétitions, les débats, l’action politique, l’action judiciaire, tout a été entrepris. Certaines victoires de ces démarches ont été obtenues mais « trop tard ». Le référé de Mr Coudoin est un bon exemple : il a été exposé à un refus. La Cour l’a sommé « d’aller butiner ailleurs ». La directive n’ayant pas été transposée à l’époque, où donc pouvait-il aller butiner ne sachant pas où se trouvaient les parcelles transgéniques ?

Conscient de l’incongruité de ce débat dans une audience pénale, Me Gallon souligne que si les FV en sont là c’est parce que « l’audience pénale est le dernier endroit où ils peuvent prendre le temps de parler et être entendus ». Il ajoute qu’ « il faut avoir de l’imagination pour juger des citoyens qui revendiquent leur acte de destruction et demande en même temps la relaxe. » Mais « c’est la fonction du droit de protéger le faible contre le fort – comme Monsanto. » Monsanto est une entreprise commerciale qui, depuis toujours, met sur le marché des produits aussi dangereux que les hormones de croissance, les PCB, etc… sans scrupules, et dont les préjudices sont visibles des années après. Monsanto a disposé des études prouvant la dangerosité de ces produits mais les a dissimulées. Ses beaux discours, tel que « sauver la faim dans le monde » ou « contribuer à réduire les pesticides » sont entièrement démentis par les faits.

Me Gallon revient ensuite sur la question des nouvelles technologies face auxquelles « le principe de précaution n’a pas droit de cité et aucune responsabilité en aval n’est assurée. Ce qui fait que l’assureur définitif du risque aujourd’hui, c’est le citoyen, c’est-à-dire que celui-ci est le cobaye pendant que l’opérateur engrange seul les bénéfices. » Donc, poursuit-il, « seul le juge peut protéger le citoyen . Pour cela les magistrats ont créé « l’abus de droit » ». S’appliquent : le droit de propriété des prévenus, le droit à vivre dans un environnement sain, le droit de consommer sans OGM, le principe de précaution.

L’avocat va plus loin : « On nous dit que Mr Ménara disposait de toutes les autorisations administratives. Certes. Un laboratoire a mis sur le marché, avec toutes les autorisations, un produit qui s’est avéré toxique. Sera-t-il pour autant exonéré juridiquement de sa responsabilité ? Une autorisation administrative n’exonère pas son détenteur de sa responsabilité ! »

Revenant à l’état de nécessité, il rappelle que celui-ci « a été créé par les magistrats » et concernant les trois conditions de son application, il cite d’abord le danger grave ou imminent. « Ce dont nous sommes sûrs, dit-il, c’est que le MON810 contamine et que les paysans multiplicateurs de semences peuvent disparaître dans la logique de Monsanto et consort. Ce qui est en jeu n’est pas un simple contentieux entre deux parties mais une question de survie pour les paysans multiplicateurs, les apiculteurs bio. Le danger grave et imminent existe donc. »

Il poursuit : « Monsanto pourra réclamer des royalties sur toutes les semences contaminées. C’est-à-dire qu’une personne peut s’approprier la base de l’alimentation humaine et animale mondiale. Le brevet a été créé pour offrir une récompense à un opérateur économique ayant produit une invention. Mais le brevet sur le vivant n’a rien à voir avec cela : il s’agit d’une arme juridique. Donc, si l’on n’arrête pas le processus de prolifération des OGM, donc des brevets sur le vivant, dés le départ, on est fichus à terme. Par conséquent, il s’agit bien d’un danger imminent en formation avec cette culture OGM de Mr Ménara. » Il souligne ensuite que « les intérêts des citoyens doivent prévaloir sur ceux des multinationales et que l’action est proportionnée au regard des enjeux ». Il termine enfin en disant que le tribunal a la possibilité de relaxer et d’aller pour cela chercher les textes dont il a besoin. Car une démocratie doit s’honorer de ne pas criminaliser ses militants qui font avancer le débat.

Me Etelin prend à son tour la parole en signalant que Mr Ménara a fait le choix de faire juger non pas des prévenus mais un « mouvement social ». Elle s’étonne du fait qu’au même moment a lieu au Japon la Conférence de Nagoya, laquelle doit s’interroger sur la façon de réparer les dommages causés par les OGM…15 ans après leur introduction en force dans l’environnement ! Elle évoque ensuite le droit de propriété et une de ses caractéristiques principales, à savoir « sa faculté de modifier les relations entre les hommes » et rappelle que « les rapports des hommes aux choses sont le reflet des rapports des hommes entre eux. » Le régime féodal était le tenancier de la semence. « Ce qui est en jeu avec les OGM, c’est un retour au régime féodal. »
Me Etelin s’attarde plus avant à détailler ce qui constitue le principe de précaution différent du principe de prévention. « Ce que Mr Ménara devait mettre en oeuvre n’était pas le principe de précaution mais le principe de prévention. La prévention consiste à ne pas mettre la charrue avant les bœufs, et donc en ce qui concerne les OGM, à transposer la directive, promulguer les décrets, AVANT toute commercialisation. Il appartenait à Mr Ménara d’empêcher que les gènes GM ne quittent sa propriété. »

A la fin des plaidoiries, José Bové remet quatre exemplaires du livre « Faucheurs Volontaires » aux magistrates.

Me la Juge annonce pour clore l’audience que le rendu du procès aura lieu le
mardi 16 novembre 2010 à 9h au Tribunal de Marmande.

CR de Sylvette Escazaux, le 16/10/10

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