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Gaz de schiste : aux Etats-Unis, l’eau rejetée par les puits est radioactive |
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jeudi 3 mars 2011
Posté par David Naulin
L’incroyable enquête sur les gaz de schiste publiée par le quotidien américain le New York Times le 26 février 2011 et dévoilée en France par le journaliste Fabrice Nicolino est une véritable bombe lancée sur cette technique d’extraction contre laquelle la mobilisation grandit en France. Non seulement les preuves d’effets sur la santé se multiplient, mais l’enquête révèle que l’eau rejetée par les puits est radioactive.
Le New York Times a consacré de gros moyens au déchiffrage des quelque 30 000 pages de documents confidentiels provenant de l’agence américaine de protection de l’environnement, l’EPA, et de différentes sources internes à l’industrie, qu’il s’est procurés.
Vous retrouverez ci-dessous la traduction de cet article réalisée pour Planète Visa le blog de Fabrice Nicolino. L’auteur des livres Bidoche et Pesticides, révélations sur un scandale français y réalise une véritable veille sur le gaz de schiste accessible en cliquant ici. C’est à lui et à José Bové que l’on doit notamment la pétition web Gaz de schiste : non merci !qui totalise près de 70 000 signatures. Pour signer cette pétition cliquez ici.
Le site du New York Times publie également une carte qui recense la radioactivité présente dans 149 des quelque 200 puits installés dans l’Etat de Pennsylvanie et recense 42 puits dont l’eau rejetée dépasse la norme autorisée pour l’eau potable en radium, 4 dans le cas de l’uranium, 41 dans celui du benzène, 128 les dépassent pour le « gross alpha » (des radiations causées par les émissions d’uranium et de radium). Pour voir cette carte cliquez ici
Le quotidien a également réalisé un reportage vidéo où l’on voit des habitants des montagnes rocheuses (Colorado) obligés de déménager parce que les gaz de schiste les ont « empoisonnés ». Nausées, diarrhées, saignements de nez… ils se disent contaminés par les fuites provenant des extractions autour de chez eux :
L’enquête du New York Times
Fabrice Nicolino précise à propos de l’article que vous allez lire ci-dessous qu’il comporte néanmoins, à ses yeux en tout cas, une énorme contre-vérité : "Il n’est pas vrai que les gaz de schistes émettent bien moins de gaz à effet de serre que le charbon. Pour le moins, des travaux sérieux montrent le contraire. Et à ma connaissance, l’industrie ne dispose pas de travaux importants et fiables sur le sujet". Ceci étant précisé, bonne lecture :
La réglementation est encore laxiste alors que les eaux polluées atteignent les rivières par IAN URBINA. Enquêté publiée dans le New-York Times du 26 Février 2011 et accessible en VO en cliquant ici.
Au moment où le pays se bouscule pour la ruée vers l’or de ce siècle (celle du gaz naturel), des centaines de milliers de puits et de plates-formes viennent tacheter le paysage américain.
Le gaz a toujours été là, bien sûr, profondément piégé dans un nombre incalculable de petites bulles, comme des gouttes gelées d’Alka-Seltzer, entre les fines couches de schiste. Mais les compagnies de forage n’ont que très récemment développé les techniques permettant de libérer les énormes réserves, qu’on suppose suffisantes pour fournir au pays une centaine d’années de chauffage, de génération d’électricité et de recharges pour nos voitures.
Et maintenant les compagnies réclament des autorisations de forage. Et elles bénéficient d’un rare soutient de la part de leurs habituelles bêtes noires : les écologistes disent qu’utiliser du gaz naturel aidera à ralentir le changement climatique car le gaz brûle plus proprement que le pétrole ou le charbon ; le législateur salue ce gaz qui créé des emplois et y voit une manière de s’émanciper de la dépendance au pétrole des autres pays.
Cependant la méthode de forage relativement récente, connue sous le nom « fracturation hydraulique horizontale à grand volume » ou hydrofracking, comporte des risques significatifs pour l’environnement. Cela suppose l’injection d’énormes quantités d’eau, mélangées avec du sable et des produits chimiques, envoyés à haute pression pour disloquer les formations rocheuses afin de libérer le gaz.
Avec cette technique d’hydrofracking, un puits peut produire jusqu’à environ 4 millions de litres d’eaux usées, celle-ci étant souvent mélangée à des sels corrosifs, des produits cancérigènes comme le benzène et des éléments radioactifs tels que le radium, tous ces produits pouvant être présents naturellement dans le sous-sol. D’autres matières cancérigènes peuvent aussi être ajoutées à l’eau de fracturation et se retrouver dans les eaux usées.
Alors que des rapports mettent déjà en évidence la toxicité des rejets, des milliers de documents récupérés par le New-York Times auprès de l’EPA (agence de protection de l’environnement américaine), des agences de réglementation et des compagnies de forage, montrent que les dangers qu’encourent notre santé et l’environnement sont plus importants que prévu.
Ces documents révèlent que les eaux usées sont parfois acheminées vers des stations d’épuration n’ayant pas les compétences pour les traiter puis déversées dans des rivières servant au ravitaillement d’eau potable. Or ces eaux usées contiennent des taux de radioactivité plus élevés qu’escompté et encore bien plus élevés que les niveaux recommandés par les agences de réglementation de l’eau potable, qui chapeautent les stations d’épurations.
D’autres documents et entretiens montrent que beaucoup de scientifiques de l’EPA sont alarmés, affirmant que les eaux usées de forage constituent une menace pour l’eau potable en Pennsylvanie. Leurs préoccupations sont en partie basées sur une étude préparée par un consultant de l’EPA, datant de 2009, qui n’a jamais été rendue publique, qui concluait que certaines stations d’épuration étaient dans l’incapacité de supprimer certains contaminants présents dans les eaux usées et contrevenaient probablement à la loi.
Le Times a également trouvé des études jamais publiées par l’EPA et une étude confidentielle de l’industrie du forage qui, toutes, concluaient que la radioactivité des eaux usées de forage ne pouvait être complètement diluées dans les rivières ni dans quelque autre voie d’eau que ce soit.
Mais l’EPA n’est pas intervenue. En fait, les réglementations, fédérales ou d’état, permettent à la plupart des stations d’épuration acceptant les eaux de forage, de se passer des tests de radioactivité. Et la plupart des stations de traitement de l’eau potable, présentes en aval des stations d’épuration avec l’assentiment des agences de réglementation, n’ont plus effectué le moindre test de radioactivité depuis 2006, alors que le boom du forage a commencé en 2008.
En d’autres termes, il n’y a aucun moyen de garantir que l’eau potable puisée par les stations de traitement soit sûre.
Cela inquiète les experts.
« C’est comme si nous brûlions les meubles pour chauffer la maison », dit John H. Quigley, qui a quitté le mois dernier son poste de secrétaire du Département de Pennsylvanie de la Conservation et des Ressources Naturelles. « En nous éloignant du charbon pour nous rapprocher du gaz naturel, nous essayons d’obtenir un air plus pur, mais nous produisons des quantités énormes d’eaux usées toxiques, contenant des sels et des matériaux radioactifs naturels. Et nous n’avons aucune assurance qu’un plan ait été prévu pour traiter ces déchets ».
Les risques sont particulièrement graves en Pennsylvanie, qui a vu le nombre de forages s’accroitre fortement, passant de 36000 en l’an 2000 à environ 71000 aujourd’hui. Le niveau de radioactivité dans les eaux de forage s’est accru jusqu’à atteindre des niveaux équivalents à des centaines voire des milliers de fois le niveau maximum autorisé par les standards fédéraux pour l’eau potable. Bien que clairement, les gens ne boivent pas directement les eaux usées de forage, l’utilisation de standards d’eau potable comme moyen de comparaison pallie le manque d’études fédérales sur ce que pourraient être des niveaux acceptables de radioactivité dans les eaux usées de forage.
En Pennsylvanie, entre 2008 et 2009, les compagnies de forage ont transporté par camion au moins la moitié des eaux usées vers des stations d’épuration, d’après les représentants de l’état. Une autre partie a été envoyée vers d’autres états, tels ceux de New York et Virginie Occidentale.
Cependant, les opérateurs de stations d’épuration affirment qu’ils sont loin d’être capables de filtrer les contaminants radioactifs aussi bien que la plupart des autres substances toxiques. Ainsi, la plupart des installations ne peuvent pas supprimer suffisamment de contaminants radioactifs pour atteindre les standards fédéraux sur l’eau potable, avant de déverser ces eaux polluées dans les rivières, parfois seulement à quelques kilomètres en amont des stations de traitement de l’eau potable.
En Pennsylvanie, ces stations de traitement ont déversé les eaux toxiques dans certains des réservoirs fluviaux de l’état. De plus grande quantités encore se sont jetées dans la rivière Monongahela, qui fournit l’eau potable à plus de 800000 personnes, dans la partie occidentale de l’état, qui inclut Pittsburgh. De même pour la rivière Susquehanna, qui se jette dans la baie de Chesapeake et qui fournit l’eau potable à plus de six millions de personnes, incluant Harrisburg et Baltimore.
De plus petites quantités ont été déversées dans la rivière Delaware, qui fournit l’eau potable aux 15 millions de personnes de Philadelphie et de l’ouest de la Pennsylvanie. Dans l’état de New York, les eaux usées ont été transférées dans au moins une station d’épuration, qui se déverse dans le lac de South Cayuga, près d’Ithaca et dans une autre qui se déverse dans l’Owasco Outlet près d’Auburn. En Virginie Occidentale, une station d’épuration de Wheeling a déversé les eaux usées d’une exploitation de gaz de schiste dans la rivière Ohio.
« Les impacts de la fracturation hydraulique ainsi que la contamination de l’eau et de l’air auxquels il faut associer les problèmes de santé, ont été signalés dans au moins une douzaine d’états », nous dit Walter Hang, président de Toxic Targeting, une société basée à Ithaca, état de NY, qui compile les données sur le forage.
DES PROBLÈMES DANS D’AUTRES RÉGIONS
Bien que la Pennsylvanie soit un cas extrême, les risques posés par la fracturation hydraulique s’étende à tout le pays.
Pour le gaz naturel, il y avait 493000 puits de forage actifs aux USA en 2009, soit le double comparé à 1990. Environ 90% ont utilisé la fracturation hydraulique pour faire sortir le gaz, d’après l’industrie gazière.
Le gaz s’est infiltré par le sous-sol dans les réserves d’eau potable d’au moins cinq états, parmi lesquels le Colorado, l’Ohio, la Pennsylvanie, le Texas et la Virginie Occidentale. Les habitants s’y sont plaints de l’exploitation des gaz de schiste.
La menace de pollution de l’air à cause des forages est en constante augmentation également. Le Wyoming, par exemple, n’a pas pu atteindre les niveaux fédéraux de qualité de l’air, cela pour la première fois de son histoire, à cause des vapeurs s’échappant de 27000 puits, contenant du benzène et du toluène, forés pour la plupart durant les cinq dernières années. Dans ce même Wyoming, le comté de Sublette, très peu peuplé mais dont la densité de puits par kilomètre carré est la plus élevée, subit l’effet des rayons du soleil sur les vapeurs, qui a contribuent à des niveaux de pollution à l’ozone plus élevés qu’à Los Angeles.
Les représentants de l’industrie disent que les déchets des puits sont traités selon les lois fédérales et d’état, rajoutant que les compagnies de forage recyclent désormais encore plus d’eaux usées. Ils prétendent également que la fracturation hydraulique est bien surveillée par les états qu’il en a été fait bon usage depuis des dizaines d’années.
Cependant la technique de fracturation hydraulique est devenue de plus en plus puissante et de plus en plus utilisée ces dernières années, produisant bien plus d’eaux usées. Certains problèmes posés par ce genre de forage, incluant l’impact environnemental et le défi du recyclage des déchets, ont été documentés par ProPublica, l’Associated Press et d’autres organisations de presse, en particulier dans l’ouest. Ainsi de récents incidents viennent souligner les dangers éventuels. Fin 2008, lors d’une crue de la Monongahela, les rejets de déchets de forages et de mines de charbon ont été tellement importants que les représentants locaux ont conseillé aux populations de la région de Pittsburgh de boire de l’eau en bouteille. L’EPA a décrit l’incident dans une note interne comme étant « un des pires échecs dans l’approvisionnement du public en eau potable de l’histoire des Etats-Unis ».
Au Texas, qui compte aujourd’hui environ 93000 puits de forage de gaz naturel, contre 58000 douze ans plus tôt, un réseau d’hôpitaux couvrant six comtés parmi les plus exposés au forage, déclarait en 2010 qu’il avait découvert un taux d’asthme de 25% parmi les jeunes enfants, soit plus de trois fois le taux de l’état, qui est de 7%.
« Cela nous détruit », dit Kelly Grant, dont la fille de 14 ans et le fils de 11 ans ont souffert de graves crises d’asthme, d’étourdissements et de maux de tête depuis qu’une station de compression et un puits à gaz ont été installés, il y a environ deux ans, près de leur maison de Bartonville, Texas. L’industrie et les officines de réglementation de l’état ont répliqué que le rôle joué par les industriels du gaz n’est pas clair dans cette histoire, la qualité de l’air dans cette région étant déjà mauvaise auparavant.
« Je ne suis ni une activiste, ni une alarmiste, ni une Démocrate, ni une écologiste ou quoi que ce soit du genre » dit Mme Grant. « Je suis juste une personne qui n’est plus capable de s’occuper de la santé de sa famille à cause de tous ces forages ».
Et pourtant, malgré tous ces problèmes, le gaz naturel offre des avantages particulièrement déterminants comparé au charbon, qui est utilisé plus que n’importe quel autre combustible pour générer de l’électricité aux USA. Les centrales électriques au charbon, dont les équipements ne sont pas mis aux normes actuelles afin de capturer les émissions de polluants, sont une source majeure de pollution radioactive. Les mines de charbon produisent chaque année des millions de tonnes de déchets toxiques.
Mais les risques liés à la production de gaz naturel et aux forages sont bien moins compris que ceux liés aux autres combustibles fossiles, et les réglementations n’arrivent plus à tenir le rythme de l’expansion de l’industrie gazière.
PENNSYLVANIE, Ground Zero
La Pennsylvanie, qui se tient au-dessus d’une gigantesque réserve de gaz appelée Le Schiste de Marcellus, est surnommée l’Arabie Saoudite du gaz naturel.
Cette formation rocheuse, d’environ la taille de la Grèce, repose à plus de 1,5 kilomètre sous les paysages des Appalaches, de la Virginie jusqu’à la moitié méridionale de l’état de New York. On pense qu’elle contient assez de gaz pour fournir les besoins énergétiques du pays en chauffage et en électricité pour plus de quinze ans, au niveau de consommation d’aujourd’hui.
On a octroyé aux compagnies gazières environ 3300 permis de forage pour le Schiste de Marcellus, rien que l’année dernière en Pennsylvanie, contre seulement 117 en 2007. Cela a amené la création de milliers d’emplois, l’aubaine de primes à cinq zéros pour ceux qui louent leur terre aux foreurs, et des revenus importants pour un état qui luttait il y a encore peu pour boucler son budget. Cela a également transformé le paysage du sud-ouest de la Pennsylvanie et créé de lourds fardeaux.
Les derricks de forage surplombent les granges, s’alignant le long des routes comme des silos à grain. Les ouvriers des sites de forages s’activent à toute heure, certains habillés de combinaisons anti-risques biologiques, et les semi-remorques transportent l’équipement, l’eau et les déchets le long des pistes.
Les plates-formes signalent leur présence par le boum et le tremblement qui suivent les explosions souterraines. Près des habitations, se trouvent les fosses d’eaux usées, grandes comme des terrains de football, émettant leurs odeurs, mélange d’égout et de gazole. Partout, 10 à 40% de l’eau envoyée dans les puits pendant l’hydrofracking retournent à la surface, et avec elles les produits chimiques de forage, des niveaux très élevés de sels et, parfois, des substances naturellement radioactives du sous-sol.
Alors que la plupart des états obligent les compagnies à enfouir ces eaux dans des puits de stockage sous les couches imperméables de roche, il y a peu de puits de ce genre en Pennsylvanie. C’est le seul état qui a autorisé les entreprises de forage à se débarrasser des eaux usées directement dans les stations d’épuration, qui déversent dans les rivières.
Les officiels ont calculé que faire passer ces eaux de forage par les stations d’épuration est sûr parce que la plupart des matériaux toxiques se déposeront pendant le processus de traitement et formeront une boue, transportable par camion vers des zones d’enfouissement. Et quels que soient les produits toxiques qui resteront dans l’eau, ceux-ci seront dilués lorsqu’ils seront rejetés dans les rivières. Cependant, en 2008, certaines stations d’épuration ont pris en charge des quantités tellement importantes d’eaux usées, au taux de salinité très élevé, que les installations en aval ont commencé à se plaindre : l’eau de la rivière commençait à ronger leurs équipements.
Les industriels et les officiels ont dit que ces cas, ainsi que d’autres, étaient isolés.
« Les centrales de traitement des eaux usées sont efficaces, elles font ce pour quoi elles ont été prévues : retirer les substances des eaux usées », a dit Jamie Legenos, une porte-parole du Département de Protection Environnementale de Pennsylvanie, ajoutant que les substances radioactives et les sels étaient correctement traités.
DÉPASSÉS PAR LES ÉVÉNEMENTS, PAS PRÉPARÉS
Pour prouver que les éléments radioactifs présents dans les déchets ne sont pas un problème, les porte-paroles de l’industrie et les officiels se réfèrent souvent aux résultats d’une série de tests sur les eaux usées, d’après un rapport commandé en 2009 par l’état de New-York et se réfèrent aussi à une étude de 1995 de la Pennsylvanie, les deux études affirmant que la radioactivité dans les eaux de forage n’est pas une menace. Ces deux rapports étaient basés sur des échantillons d’environ 13 puits dans l’état de New York et 29 en Pennsylvanie.
Mais une consultation par le Times de plus de 30000 pages de documents fédéraux, industriels et de l’état, se référant à plus de 200 puits en Pennsylvanie, 40 en Virginie Occidentale et à 20 stations de traitement des eaux, publiques et privées, offre une vue plus détaillée des menaces posées par les eaux usées de forage.
La plupart des informations ont été rassemblées d’après des rapports de forage des trois dernières années, obtenues par des bureaux régionaux sur toute la Pennsylvanie, et d’après des documents ou des bases de données fournies par des agents de réglementation fédéraux ou de l’état en réponse à leurs requêtes.
Parmi les trouvailles du Times :
Les puits de Pennsylvanie ont produit près de 5 milliards de litres d’eaux usées durant les trois dernières années, beaucoup plus que ce qui a été admis précédemment. La plupart de cette eau, suffisante pour recouvrir Manhattan sur 3 centimètres, a été transférée vers des centrales de traitement qui n’étaient pas équipées pour filtrer la plupart des produits toxiques présents.
Au moins 12 centrales de traitement des eaux d’égout ont accepté des eaux de forage et ont déversé des eaux qui n’étaient que partiellement traitées dans les rivières, les lacs et les ruisseaux.
Sur 179 puits produisant des eaux usées à haut niveau de radiation, au moins 116 ont rapporté des niveaux de radium ou d’autres substances radioactives, 100 fois supérieures aux standards fédéraux d’eau potable. Au moins 15 puits produisaient des eaux usées contenant plus de 1000 fois le nombre acceptable de substances radioactives.
Les résultats proviennent d’études conduites sur le terrain par des agents fédéraux ou de l’état, de rapports annuels des compagnies de forage et de tests commandés par l’état sur des stations de traitement publiques. La plupart des tests mesuraient les eaux usées de forage à la recherche de radium ou de radiations alpha, typiques du radium de l’uranium et d’autres éléments.
Les officiels de l’industrie disent qu’ils ne sont pas inquiets.
« Ces faibles taux de radioactivité ne pose aucun problème à la sureté des travailleurs ou du public et relèvent d’un problème de perception du public plutôt que d’une réelle menace sur la santé » a dit James E. Grey, Responsable des opérations chez Triana Energy.
Lors des interviews, les groupes de lobbies de l’industrie comme la Marcellus Shale Coalition ou Energy in Depth, aussi bien que les représentants des compagnies pétrolières comme Shell ou Chesapeake Energy, ont indiqué qu’ils produisaient bien moins d’eaux usées parce qu’ils en recyclaient la plupart, plutôt que de s »en débarrasser après chaque forage.
Mais même en prenant le recyclage en compte, on s’attend à une augmentation de la quantité d’eaux usées produites, parce que, d’après les projections de l’industrie, on prévoit de forer plus de 50000 nouveaux puits dans les vingt prochaines années.
La radioactivité présente dans ces eaux usées n’est pas nécessairement dangereuse pour les personnes qui les côtoient. Elle peut être bloquée par de fine barrières comme la peau, donc l’exposition est généralement inoffensive.
Par contre, l’EPA et les chercheurs de l’industrie disent que le plus grand danger que constituent les eaux usées radioactives est leur potentiel de contamination de l’eau potable ou d’intégration à la chaine alimentaire, à travers l’agriculture ou la pêche. Une fois que le radium a pénétré le corps humain, par la nourriture, la boisson ou la respiration, il peut provoquer des cancers et d’autres problèmes de santé, d’après un grand nombre d’études fédérales.
PEU DE TESTS SUR LA RADIOACTIVITÉ
D’après la loi fédérale, les tests de radioactivité pour l’eau potable ne sont nécessaires que dans les centrales de traitement. Mais les réglementations fédérales et d’état ont permis à quasiment toutes ces centrales en Pennsylvanie de n’effectuer des tests que tous les 6 ou 9 ans.
Le Times a passé en revue les données de plus de 65 centrales prenant l’eau en aval des régions les plus forées de l’état. Aucune n’a effectué de test de radioactivité depuis 2008, et la plupart n’a pas fait de test depuis au moins 2005, soit avant que la plupart des déchets de forage ne soient produits.
Et en 2009 et 2010, des centrales publiques de traitement des eaux usées, positionnées directement en amont des centrales d’eau potable, ont accepté des eaux usées contenant des niveaux de radioactivité jusqu’à 2122 fois supérieurs aux standards de l’eau potable. Mais la plupart des centrales de traitement des eaux usées n’ont pas l’obligation de surveiller les éléments radioactifs présents dans l’eau qu’ils déversent. Il n’y a donc virtuellement aucune donnée sur ce genre de contaminants, au moment où l’eau quitte ces centrales. Les agences de réglementation et les producteurs de gaz ont répété à plusieurs reprises que les eaux usées ne sont pas une menace car elles sont très diluées dans les rivières ou par les stations de traitement. Cependant, les recherches fédérales et industrielles jettent le doute sur ces affirmations.
Une étude confidentielle de l’industrie en 1990, conduite pour l’American Petroleum Institute, ont conclu, même en émettant « des hypothèses prudentes », que les eaux usées contaminées au radium, déversées au large de la côte de Louisiane, « constituaient un risque potentiel significatif » de cancer pour les personnes mangeant régulièrement du poisson provenant de ces eaux.
L’étude des industriels se concentrait sur les eaux usées de forage déversées dans le Golfe du Mexique, où elles seraient bien plus diluées que dans une rivière. Elle utilisait également des estimations des niveaux de radium très inférieurs à ceux trouvés dans les eaux usées de Pennsylvanie, comme l’affirme celle qui a conduit l’étude, Anne F. Meinhold, experte en risques environnementaux à la NASA.
D’autres études, universitaires, fédérales et d’état ont également établi des problèmes de dilution avec les déchets de forage.
En décembre 2009, ces mêmes risques ont conduit les scientifiques de l’EPA à envoyer une lettre à l’état de New York, conseillant aux stations d’épuration de refuser les eaux usées dont les taux de radium dépassaient de 12 fois ou plus les standards d’eau potable. Le Times a trouvé des eaux usées contenant des niveaux centaines de fois plus élevés. Les scientifiques ont aussi affirmé que les stations ne devraient jamais déverser de contaminants radioactifs dont les niveaux seraient plus hauts que les standards. En 2009, les scientifiques de l’EPA étudièrent le sujet et déterminèrent également que certaines rivières de Pennsylvanie étaient inefficaces quant à suffisamment diluer les eaux contaminées par les déchets au radium qu’on y déverse.
Interrogées à ce sujet, les agences de régulation de Pennsylvanie ont affirmé qu’elles n’étaient pas au courant.
« Inquiet ? Je suis toujours inquiet » a dit Dave Allard, directeur du Bureau de Protection contre les Radiations. Mais il a rajouté que la menace que représentent ces déchets est réduite car « la dilution est tellement importante en passant par les stations d’épuration. »
Trois mois après que le Times eut commencé à poser des questions sur le fait de déverser ces substances radioactives et autres toxiques dans certaines rivières, les agences de l’état placèrent des outils de surveillance de la radioactivité près des endroits où les déchets étaient déchargés. Les données ne seront pas disponibles avant le mois prochain, disent les officiels.
Mais les outils de surveillance sur la Monongahela sont placés en amont des stations de traitement dont l’état dit qu’elles déversent encore d’énormes quantités de déchets de forage dans la rivière, ces déversements n’étant pas surveillés et Pittsburgh étant menacée.
LES OPÉRATEURS DE STATIONS DÉPURATION DANS L’INCONNU
Lors d’interviews, cinq opérateurs de stations dirent qu’ils ne pensaient pas que les eaux usées de forage posaient un risque pour le public. Plusieurs dirent aussi qu’ils n’étaient pas sûrs de ce que contenaient les eaux usées à cause du manque d’informations fournies par les compagnies de forage, qui finissent généralement sur le bureau des officiels.
« Nous comptons sur les régulateurs de l’état pour être surs que tout est fait comme il faut » a dit Paul McCurdy, spécialiste de l’environnement à la station d’épuration publique de Ridgway Borough, dans le comté de Elk, Pennsylvanie, dans la partie septentrionale de l’état.
M. McCurdy, dont la station déverse dans la rivière Clarion, qui se déverse elle-même dans l’Ohio et le Mississipi, a dit que sa station prenait en charge 75000 litres d‘eaux usées de forage par jour.
Comme la plupart des opérateurs de stations d’épuration interviewés, M. McCurdy a affirmé que sa station n’était pas équipée pour filtrer les matériaux radioactifs et qu’aucun test n’avait été requis pour cela.
Des documents remplis par mes entreprises de forage pour l’état montrent cependant qu’en 2009, on a envoyé vers sa station de l’eau provenant de puits dont les eaux usées contenaient du radium à des taux 275 fois supérieurs aux taux standards et d’autres types de radiations à des niveaux 780 fois supérieurs à la normale.
Une partie du problème est due au fait que les réglementations n’arrivent pas à suivre le rythme de l’industrie. « Nous ne pouvons tout simplement pas tenir la cadence », a dit un inspecteur du Département de Protection de l’Environnement de Pennsylvanie, qui n’avait pas l’autorisation de parler aux journalistes. « Il y a trop de déchets rejetés ».
« Si nous sommes trop durs avec elles », a ajouté l’inspecteur, « les entreprises pourraient tout simplement arrêter de fournir des informations sur leurs erreurs. »
Récemment, la Pennsylvanie a tenté d’accroitre sa capacité de surveillance en doublant le nombre de régulateurs, en augmentant les exigences de conception et en réduisant drastiquement les quantités d’eaux usées de forage qu’une station d’épuration peut accepter et déverser. L’état se demande actuellement s’il doit exiger de la part des stations de traitement des eaux de commencer à surveiller les taux de radioactivité.
Malgré tout, fin Novembre, seulement 31 inspecteurs gardaient un œil sur plus de 125000 puits de pétrole et de gaz. Les nouvelles réglementations autorisaient au moins 18 stations à accepter encore les quantités maximum définies dans leurs permis originaux.
Qui plus est, les chercheurs en environnement de l’université de Pittsburgh ont effectué des tests l’année dernière sur les eaux usées qu’avaient déversées deux stations d’épuration. Ils prétendent que ces tests prouveront, quand les résultats seront rendus publics en Mars, que les niveaux de sels dans l’eau seraient bien au-dessus des limites légales.
UNE SURVEILLANCE LAXISTE
La contamination par les forages pénètre aussi l’environnement de la Pennsylvanie par les déversements accidentels. Durant les 3 dernières années, au moins 16 puits, dont les archives montrent de hauts niveaux de radioactivité des eaux usées, ont également rapporté des déversements accidentels, des fuites ou des défaillances là où les fluides de fracturation hydraulique ou les déchets sont stockés, selon des documents de l’état.
Les producteurs de gaz sont confiés à la police concernant les déversements accidentels. En Pennsylvanie, les agences de réglementation n’effectuent aucun contrôle surprise pour détecter les éventuels incidents. Les industries gazières rapportent elles-mêmes leurs incidents, écrivent elles-mêmes leurs procédures d’urgence suite aux incidents, et mènent elles-mêmes leur propre actions de nettoyage.
Lors d’examens des procédures d’urgence des plateformes de forage, sur quatre sites où des incidents ont été signalés durant les quatre années passées, il est apparu que ces procédures approuvées par l’état violaient la loi.
Sur un site dont le puits avait subi plusieurs déversements accidentels en une semaine, l’opérateur du puits réécrivit la procédure d’urgence, disant qu’il n’y avait que très peu de chances que les déchets ne pénètrent un cours d’eau.
« Il y a des pressions financières » sur les entreprises « pour réduire les coûts », prétend John Hanger, qui vient de démissionner en janvier de son poste de secrétaire du Département de Protection de l’Environnement de Pennsylvanie. « C’est moins cher de déverser les eaux usées que de les traiter. »
Les archives soutiennent cette affirmation.
D’Octobre 2008 à Octobre 2010, il y avait deux fois plus de probabilités pour que l’agence de réglementation publie un avertissement écrit plutôt qu’elle n’impose une amende pour violation des lois environnementales, d’après les données de l’état. Pendant cette période, 15 entreprises ont payé des amendes pour des violations conséquentes aux forages, les entreprises de forage payant en moyenne $44000 par an chacune, toujours d’après les données de l’état.
Cette moyenne représentait moins de la moitié de ce que certaines compagnies gagnaient en un jour, et une toute petite fraction des plus de 2 millions de dollars que certaines d’entre-elles paient annuellement pour le transport et le traitement des eaux.
Et l’avenir des entreprises de forage s’annonce radieux.
En décembre, le gouverneur républicain fraîchement élu, Tom Corbett, qui pendant sa campagne a reçu plus de contributions de l’industrie gazière que tous ses adversaires réunis, a déclaré qu’il remettrait les terres de l’état à disposition pour de nouveaux forages, contredisant par ce fait une décision prise par son prédécesseur, Edward G. Rendell. Ce changement ouvre la voie au forage d’au moins 10000 puits sur les terres publiques, contre 25 puits actifs aujourd’hui.
Se déclarant contre une proposition de taxe sur l’industrie de l’extraction de gaz, M. Corbett a affirmé que les règlementations ont été trop agressives envers l’industrie gazière.
« J’ordonnerai au Département de Protection de l’Environnement de devenir un partenaire des entreprises, des communautés, et des gouvernements locaux de Pennsylvanie », a déclaré M. Corbett sur son site Internet. « Le Département de Protection de l’Environnement devra se recentrer sur son cœur de métier qui consiste à protéger l’environnement en se basant sur des faits scientifiques solides. »
MaTthieu
Création de l'article : 4 mars 2011
Dernière mise à jour : 4 mars 2011
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