Les bactéries du sol et de l’homme s’échangent des gènes de résistance aux antibiotiques.
lequotidiendumedecin.fr 31/08/2012
Publié dans la dernière édition de la revue « Science », la vie de bactéries telluriques est aussi inquiétante qu’une tête d’insecte grossie 1 000 fois. Les bactéries qui jonchent notre sol ne trouvent rien de mieux à faire qu’échanger quelques gènes de résistance aux antibiotiques avec les pathogènes humains devenus eux-mêmes déjà assez résistants… Une sorte de troc génétique qui pourrait expliquer l’augmentation constante de la résistance aux antibiotiques et le fait que certaines bactéries opportunistes deviennent responsables d’infections nosocomiales.
Le sol : le plus vaste réservoir de bactéries
Le sol est l’habitat microbien le plus vaste et le plus diversifié de la terre, reconnu comme un réservoir environnemental de gènes de résistance aux antibiotiques. Il s’agit non seulement d’un contact direct avec les antibiotiques utilisés dans l’élevage du bétail ou en agriculture, mais aussi d’un habitat très naturel pour certaines espèces bactériennes comme les Streptomyces : ces bactéries filamenteuses sont principalement retrouvées dans les couches superficielles des sols.
Malgré les nombreuses études qui ont déjà incriminé le sol dans la résistance aux antibiotiques, principalement parce les mécanismes biochimiques en cause des bactéries telluriques sont similaires à ceux de nos pathogènes, les séquences de ces gènes semblaient diverger ; il y avait donc peu d’arguments pour dire que les résistomes sont issus d’une évolution naturelle. Au final, le sol a-t-il produit ou acquis des gènes de résistances aux antibiotiques ? La question est ouverte et en partie résolue par cette dernière contribution.
Des séquences nucléotidiques identiques
Dans leur travail, Kevin J. Forsberg et coll. décrivent comment, grâce à une technique spécifique (PARFuMS), ils ont mis en évidence le partage de gènes entre les bactéries telluriques et les pathogènes humains.
Des Protebacteria telluriques résistantes ont été mises en culture avec l’objectif d’enrichir cette résistance de gènes partagés entre bactéries telluriques et humains. Le résistome issu de cette culture a été analysé par séquençage métagénomique et montre que les souches se sont enrichies de gènes de résistance à 5 classes d’antibiotiques utilisées chez l’homme : les bêtalactames, les aminoglycosides, les amphénicols, les sulfamides et les tétracyclines. De plus, les séquences nucléotidiques identiques aux pathogènes humains. Cette identité génétique concerne des régions non codantes et de multiples mutations témoignant d’échanges entre les bactéries mais aussi d’un véritable mécanisme de dissémination de la résistance aux antibiotiques.
Les auteurs ont cherché à en savoir plus sur le sens du transfert. Il y plusieurs possibilités allant d’un échange direct entre microbes telluriques et humains, ou d’un transfert indirect par la flore intestinale microbiotique ; un mécanisme qui laisse songeur…
› Dr ANNE TEYSSÉDOU-MAIRÉ
Science, 337,1107 (2012) DOI : 10.1126/science.1220761