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Démantèlement annoncé des camps de migrants à Calais : les
associations abasourdies
Publié le 22/05/2014
PAR CHLOÉ TISSERAND
Les associations d’aide aux migrants sont sorties ce mercredi de la
rencontre avec le préfet Denis Robin en état de choc. Le plan du
représentant de l’État est vécu comme une opération coup de poing à
laquelle les associations semblent être prêtes à répondre par une
action samedi.
Les associations ne s’attendaient pas à de telles décisions de la
part du préfet. D’autant qu’elles soulignaient récemment la
concertation qui a été menée sur le squat Victor-Hugo et la Maison du
migrant. Mais l’information du traitement de la gale sur une journée
alors qu’au même moment les camps seront détruits, est difficile à
avaler. « Nous sommes estomaqués par cette réponse qui est à l’envers
du dialogue instauré pour le squat Victor-Hugo », partage Maël
Galisson, coordinateur à la plateforme de service aux migrants qui
réunit la plupart des associations.
Les militants attendaient, pour les camps, des solutions
constructives. Ils jugent aujourd’hui qu’elles sont « inappropriées
». Comme le placement des mineurs dans un centre d’accueil d’Olhain.
Le lieu est situé à 97 km, les associations le précisent en ajoutant
qu’une minorité des migrants acceptera cette solution car elle les
obligerait à renoncer au passage vers l’Angleterre. Le plan laisse
dubitatif. « Rien n’est préparé en amont. J’ai envie de dire au
préfet qu’il manque un quatrième volet sur la prévention de tout ça.
C’est la première des choses », commente Jean-Claude Lenoir de Salam.
La répétition des expulsions
Véronique Devise, présidente départementale du Secours Catholique
résume la parole des associations : « On retombe dans l’expulsion
alors que deux campements avaient été autorisés. Elle fragilisera les
migrants qui seront un peu plus à la merci des passeurs. Construire
des choses plus organisées constitue un contre-pouvoir par rapport
aux passeurs. » L’éternel refrain de l’évacuation, Philippe
Wannesson, auteur du blog Passeurs d’Hospitalités, s’y attendait : «
On est toujours sur un même cycle où on empêche les migrants de
s’installer et ils finissent par le faire. C’est un triste pronostic
pessimiste. Rien n’empêche le dialogue, le diagnostic et
l’expérimentation mais on reste dans cette même incapacité de
construire quelque chose de vraiment sérieux. » Il rappelle que le
même type de plan de traitement de la gale avait été proposé en
2009 : « C’était déjà mal fait. On va soigner les gens sur une
journée sauf que le temps d’incubation de la gale est de trois
semaines, donc ceux qui ne le sont pas n’iront pas se faire soigner
ce jour-là », souligne, blasé, Philippe Wannesson.
La gale, le mal stigmatisant
Une militante s’indigne : « Il leur a fallu deux ans pour installer
des toilettes, cinq ans pour les douches ! Ce n’est pas le nombre de
migrants qui crée la gale. Mais c’est parce que les gens ne peuvent
pas se laver, ils n’ont pas de vêtements propres. » Martine Devries,
membre de la délégation Nord Pas-de-Calais de Médecins du Monde, elle
se dit « réellement apeurée » : « Qu’il y ait un traitement de
l’épidémie de gale, c’est une excellente chose d’autant que des
moyens et les conditions ont été réfléchies mais il n’y a aucune mise
à l’abri de prévue avec ce traitement. Au contraire, on profite de
traiter les gens de la gale pour détruire le camp. Tout le sera,
c’est du gâchis de matériel et où vont aller les migrants ? On a
l’impression que les autorités se disent qu’une fois que tout sera
détruit, tout disparaîtra. » Elle explique que les associations ne
participeront pas à cette délivrance de traitement aux côtés de
l’agence régionale de santé (ARS) : « Comment on sera perçu par les
migrants ? Ils nous verront comme des complices de l’évacuation. »
Séverine Mayer, de Calais, Ouverture, Humanité, rebondit : « On va
montrer quoi aux citoyens calaisiens ? Qu’on a détruit un camp parce
que les migrants ont la gale et les fascistes crieront au secours
quand ils les verront dans la rue. » « Cette expulsion sans
alternative ne fera qu’éparpiller les migrants dans la ville et la
gale », considère Solid’R.
Vigilance pour le squat Victor-Hugo
Du côté des No Border, même sentiment : « Ce n’est pas cohérent de
traiter tous les gens la même journée et les mettre dehors après. La
Région a parlé d’expulsion à condition qu’elle soit humaine, en quoi
ça l’est à présent ? » Les No Border gèrent le squat Victor-Hugo et
ont pu obtenir un accord oral avec le préfet. Ce dernier indiquait
que les femmes et enfants y vivant seraient accompagnés par
l’association Solid’R et replacés dans une structure adaptée. Mais
l’annonce de ce mercredi a ravivé leur méfiance : « Si on se rend
compte qu’on a été manipulé pour le squat Victor-Hugo et que l’accord
avec les services de l’État n’est pas respecté, on ouvrira d’autres
squats pour un maximum de personnes. » Les associations ont précisé
qu’elles allaient les jours prochains informer les migrants des
décisions du préfet et se tenir à leurs côtés s’ils décident
d’engager une action. Celle-ci pourrait avoir lieu samedi.
Les élus réagissent
Natacha Bouchart, sénatrice-maire de Calais : « Je me suis entretenue
deux fois avec le préfet. Il a souhaité rencontrer les associations
seul, pour les informer des conditions du démantèlement. J’ai été
dans l’obligation de demander cette évacuation auprès de la Région
car depuis huit mois, elle a laissé pourrir la situation.
Aujourd’hui, nous sommes dans un grand embarras sanitaire. Il faut
traiter les cas de gale et désinfecter pendant plusieurs jours les
douches. Si, dès le début, la Région avait évacué la quinzaine de
tentes, nous n’en serions pas là : avec une situation qui s’est
dégradée, pour les migrants, et pour l’image de Calais. »
Jacky Hénin, député européen et conseiller municipal PC : « Je ne
suis pas gêné que l’État se décide à assurer la sécurité sanitaire.
Mais quelles solutions alternatives va-t-on apporter ? On va
démanteler mais un nouveau squat s’installera et qui pourra en
vouloir aux migrants ? Je constate qu’à l’Hoverport, il y a un
bâtiment qui ne sert à rien, il pourrait être utilisé. Je me pose la
question de savoir où en sont les propositions faites quand Manuel
Valls est venu à Calais. »
Yann Capet, conseiller municipal PS d’opposition : « Ma première
réaction est de dire que la situation, les campements sauvages et les
squats, ne devaient pas rester en l’état mais l’évacuation ne résoud
pas tout. Il ne faut pas croire qu’on fera disparaître la question.
C’est une erreur s’il n’y a pas eu de concertation avec le milieu
associatif sur tous les sujets car sans elle, on aura du mal à
trouver une issue. Je pense enfin que la mesure doit se faire avec
l’ensemble des parties prenantes. »